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Charges de mécanisation : les solutions pour freiner l'envolée des coûts

Les investissements en matériel ne sont pas toujours basés sur une analyse rationnelle des besoins. C’est ce que démontre une étude s’appuyant sur l’Observatoire des charges de mécanisation de Bourgogne Franche-Comté (Ocmeca BFC) piloté par la Fédération des Cuma BFC et la chambre d’agriculture de l’Yonne.

L'enquête de l'Observatoire des charges de mécanisation de Bourgogne Franche-Comté révèle une nette augmentation des charges de mécanisation entre 2007 et 2019.
L'enquête de l'Observatoire des charges de mécanisation de Bourgogne Franche-Comté révèle une nette augmentation des charges de mécanisation entre 2007 et 2019.
© L. Vimond

L’étude publiée en 2021 et réalisée à la suite de la mise à jour de l’Observatoire des charges de mécanisation de Bourgogne Franche-Comté (Ocmeca BFC) atteste d’une forte hausse du poste matériel et d’une nette dégradation du ratio d’efficacité. Les résultats, basés sur des enquêtes menées auprès de 19 exploitations de grandes cultures situées en zone dite « intermédiaire » sur les plateaux de Bourgogne (sols à faible réserve en eau sans possibilité d’irrigation et potentiel de rendement moyen faible, à 61 q/ha), sont détonants. Entre 2007 et 2019, les charges de mécanisation ont en effet augmenté en moyenne de 36 %, passant de 182 à 247 euros à l’hectare, avec une progression de tous les postes : + 60 % pour la traction, + 21 % pour le carburant, + 48 % pour le travail du sol et + 80 % pour l’ensemble semis-fertilisation-traitement.

 

 
Charges de mécanisation : les solutions pour freiner l'envolée des coûts

 

En contrepartie, le ratio « charges de mécanisation/produit brut + aides », qui mesure l’efficience de la mécanisation, s’est dégradé en passant de 19,7 à 22,3 %. « Les charges de mécanisation augmentent pour tous les systèmes. Sur la période 2005 à 2015, elles se sont accrues de 50 % dans les exploitations de grandes cultures à haut potentiel », précise Richard Wylleman, conseiller en agroéquipements à la chambre d’agriculture de l’Yonne. De quoi appeler à la vigilance, car les décisions d’achats de matériels sont déterminantes pour la rentabilité des exploitations.

« L’agriculteur est l’élément clé. Il doit adapter l’investissement aux réels besoins de l’exploitation. C’est à partir de la quantité de travail à réaliser qu’est définie l’enveloppe financière pour investir et, par conséquent, la stratégie d’accès à la mécanisation, souligne Richard Wylleman. En fonction du montant, l’agriculteur pourra s’orienter vers du neuf ou de l’occasion, vers l’achat individuel ou collectif. »

Ne pas hésiter à déléguer certains travaux

Le recours à la prestation de service pour des besoins ponctuels se révèle parfois plus judicieux. Si en Cuma le prix de revient de la moissonneuse-batteuse s’élève à 65 euros par hectare hors main-d’œuvre et GNR, l’exploitant a-t-il intérêt à s’équiper en individuel pour récolter 100 hectares de céréales ? Ne vaut-il pas mieux payer une facture annuelle de 6 500 euros, plutôt que d’acheter sa propre machine, qui perd de la valeur chaque année et engendre des frais financiers et des charges d’entretien ?

 

 
De nombreux agriculteurs se suréquipent pour récolter dans un minimum de temps et cette politique coûte cher.
De nombreux agriculteurs se suréquipent pour récolter dans un minimum de temps et cette politique coûte cher. © L. Vimond

 

Le conseiller alerte également sur le surdimensionnement des machines pour garantir la récolte dans les délais de plus en plus courts : « De nombreux agriculteurs achètent des grosses machines pour battre leurs céréales en une douzaine de jours, alors que le nombre de jours offerts par les fenêtres météo est bien supérieur : 18 jours statistiquement huit années sur dix et jusqu’à trente-quatre jours dans notre région les meilleures années. Le besoin de sécurité l’emporte sur la raison et la politique de vouloir travailler le plus rapidement possible coûte très cher. »

La détérioration du ratio d’efficacité s’explique par la stabilité des produits par hectare (1 059 €/ha en 2007 et 1 104 €/ha en 2019, donc avant la récente flambée des prix du grain), alors que le prix du matériel a augmenté de 20 % sur la même période, selon l’indice Ipampa, en raison, notamment, des évolutions technologiques.

 

 
Charges de mécanisation : les solutions pour freiner l'envolée des coûts

 

En parallèle, certaines fermes continuent d’investir dans de plus grosses machines pour accompagner l’agrandissement des exploitations et pour compenser la difficulté à recruter des salariés. La surface par unité de main-d’œuvre est ainsi passée de 157 à 188 hectares en douze ans d’après Ocmeca BFC. Par ailleurs, certains agriculteurs cherchent à gagner en rentabilité par des changements de pratiques culturales ou encore par la diversification des assolements. Ces démarches se justifient, mais elles passent souvent par une phase de transition généralement coûteuse.

« Les exploitants s’orientant vers le semis simplifié ont tendance à garder leurs matériels pour le labour (tracteurs, charrues…). Certes, ce choix les rassure, mais il engendre des coûts supplémentaires », remarque Richard Wylleman. Gare à ce que cette sécurité ne déconnecte pas les coûts du chiffre d’affaires. « Les charges de mécanisation représentent 50 % des charges de structure d’une exploitation », précisent Romain Erard, conseiller d’entreprise à l’association de gestion AS Cefigam dans la Meuse.

 

 
Les semoirs rapides permettent de gagner du temps, mais ils représentent un investissement conséquent qui se rentabilise sur de grandes surfaces.
Les semoirs rapides permettent de gagner du temps, mais ils représentent un investissement conséquent qui se rentabilise sur de grandes surfaces. © Väderstad

 

« Elles sont problématiques lorsqu’elles ne sont pas en accord avec les produits. Un montant de 250 euros par hectare n’a pas le même impact financier avec un rendement en blé de 85 quintaux et un autre de 60, indique Richard Wylleman. Dans les régions de cultures à forte valeur ajoutée ou de terres à fort potentiel, il est plus facile d’investir que dans la zone des plateaux de Bourgogne, où les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de compresser au maximum les charges. »

Les dangers de l’approche fiscale

Le conseiller en agroéquipements observe que de nombreux agriculteurs, qui ne font pas appel à la location, à une Cuma ou une ETA, ne connaissent pas le coût réel de leurs matériels, au risque d’acheter des engins surdimensionnés, surtout dans une logique de défiscalisation. « L’approche fiscale consistant à investir pour ne pas payer d’impôts peut s’avérer dangereuse. Moins de cotisations, c’est moins de retraite », avertit Romain Erard. D’une part, cette pratique incite souvent à acheter, par exemple, un tracteur trop gros par rapport aux besoins, qui entraîne des coûts supplémentaires (entretien, pneumatiques…). D’autre part, elle conduit certaines fermes dans l’impasse financière. Comme l’achat intervient souvent après un bon exercice, il arrive que des difficultés à rembourser apparaissent, si les années suivantes sont moins favorables en raison d’événements climatiques ou de prix de vente trop faibles.

Revoir ses pratiques pour réduire les coûts

Différents leviers existent pour abaisser les coûts de mécanisation. Des économies de carburant sont à faire en diminuant la profondeur de travail : en réduisant de 5 centimètres, c’est 600 tonnes de terre par hectare qui ne sont pas remuées et de l’usure en moins. Le changement de façon culturale en remplaçant, quand c’est possible, le labour par le semis simplifié ou direct diminue également la consommation de GNR. Attention cependant à ce que, dans ce cas, le gain ne soit pas compensé par une utilisation plus importante d’herbicides.

La réduction des volumes de bouillie appliqués par hectare, retenue par de nombreux agriculteurs, procure davantage d’autonomie et limite les voyages entre les parcelles et la ferme. Cela se traduit par moins de kilomètres parcourus et des gains de temps, d’usure et de carburant. Une meilleure organisation du travail en groupant les chantiers pour limiter les déplacements constitue également une source d’économie. Il est aussi possible de travailler sur le parcellaire en procédant, lorsque cela est possible, à des échanges pour regrouper les terres. « Les équipements de suivi en temps réel par géolocalisation sont intéressants, car ils permettent aux agriculteurs de visualiser sur une carte l’activité de leurs matériels, de quantifier les temps de travaux et de déplacement, et de mieux raisonner les chantiers », précise Richard Wylleman.

Charges de mécanisation : les solutions pour freiner l'envolée des coûts

Le meilleur ratio d’efficacité en bio

L’Observatoire des charges de mécanisation en Bourgogne-Franche-Comté montre que les trois postes de charges traction, récolte et carburant représentent 72 % du total des coûts de mécanisation, quel que soit le système. Les cinq exploitations bio étudiées affichent le meilleur ratio d’efficacité. Leurs charges de mécanisation sont parmi les plus élevées (261 €/ha), mais elles tirent leur épingle du jeu grâce au produit brut + aides presque 50 % supérieur à celui des autres structures. Sans surprise, les exploitations conventionnelles en non-labour présentent les charges de mécanisation les plus faibles (231 €/ha), à l’inverse de celles labourant 20 à 40 % de leur SAU qui enregistrent les valeurs les plus importantes avec 267 euros par hectare.

 

La technologie pour réduire les coûts

L’évolution de la technologie embarquée a conduit à l’augmentation du prix de vente des matériels agricoles, donc à l’accroissement des coûts de mécanisation. En contrepartie, les solutions telles que le guidage automatique, la coupure de tronçons par GPS et la modulation de dose, aujourd’hui courantes, améliorent la précision, ainsi que la productivité, et participent à la baisse des charges liées aux intrants. Les réglages et la conduite sont plus faciles, rendant le travail plus sûr et plus confortable. « Certaines exploitations investissent, par exemple, dans des semoirs rapides pour gagner du temps, mais ces appareils représentent un investissement conséquent qui demande de la surface pour être rentabilisé. L’acquisition de tels appareils en copropriété ou en Cuma est une piste pour les petites structures, qui n’ont pas la capacité à investir seules et qui cherchent des solutions à leurs problèmes de main-d’œuvre », souligne Richard Wylleman, conseiller en agroéquipements à la chambre d’agriculture de l’Yonne.

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