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Reportage
Rotation, semis, travail du sol... sur la ferme de Jean-Bernard Rabier, la chasse aux IFT est ouverte

Sur sa ferme de l’Indre, entrée dans le réseau Dephy en 2011, Jean-Bernard Rabier a réussi à faire baisser de façon nette son IFT global. Allongement de la rotation, semis plus ajustés, déchaumages bien placés, outil d’aide à la décision… C’est une somme de petits leviers qui est à l’origine de ce bon résultat.

Jean-Bernard Rabier limite ses charges opérationnelles sur blé tendre à 269 euros par hectare.
© V. Noël

Réduire de plus de 35 % des phytos en huit ans, voilà ce que Jean-Bernard Rabier est parvenu à faire sur sa ferme. Son IFT (Indice de fréquence de traitement), qui était de 4,06 en 2011 est tombé à 2,69 en 2018… presque sans qu’il s’en rende compte. « C’est le résultat d’une somme de petites choses, que je ne saurais pas vraiment décrire ! », résume-t-il. Animateur agronomique chez Axéréal et en charge du groupe Dephy dont fait partie l’exploitant, Pascal Lacoffrette confirme : « Il n’y a pas qu’un seul levier. Cela va de l’utilisation de variétés de blé tendre plus résistantes aux maladies qui permettent de réduire les traitements, à la réduction des insecticides grâce aux cuvettes jaunes, en passant par le travail du sol qui génère une diminution du recours aux antilimaces, par exemple… Ce n’est pas toujours facile pour les agriculteurs de mesurer les raisons de la baisse ». En tout cas, Jean-Bernard Rabier obtient les meilleurs résultats des onze exploitations du groupe.

L’une des forces de sa ferme : la rotation diversifiée. « J’ai repris l’exploitation familiale il y a 38 ans, avec une rotation colza/blé/orge, se souvient l’agriculteur. Et je me suis retrouvé avec de gros problèmes de limaces mais aussi des soucis de désherbage avec des graminées, ce qui m’a obligé à diversifier l’assolement. » L’exploitant associe cultures de printemps et d’hiver, les espèces et les proportions variant selon les années et les opportunités climatiques. Présent tous les ans, le colza est ainsi absent cette année, en raison du temps trop sec à l’automne. Pour l’agriculteur, l’ajustement permanent de la rotation est un facteur clé, à l’origine notamment d’un très bon IFT sur colza (0,8 hors herbicide).

Savoir s’adapter au contexte pédoclimatique de l’année

Cette année, blé, orges brassicoles de printemps et d’hiver, tournesol et trèfle violet (vendu à un éleveur voisin) se partagent la sole de la ferme. S’il y en avait une, la recette de Jean-Bernard Rabier se résumerait ainsi : adapter en permanence sa stratégie au contexte pédoclimatique de l’année. Le travail du sol en est un bon exemple. « J’ai des sols à 11 % d’argile, ce que l’on appelle des sols fragiles, et je laboure quand c’est humide », observe-t-il. Mais cette année, compte tenu de la sécheresse du mois d’octobre, l’agriculteur a semé toutes ses cultures hormis ses orges de printemps sans labour. « J’ai fait un travail un peu en profondeur avec un outil à dent pour que les racines puissent descendre », décrit-il. Parce qu’il est en Cuma pour tout le matériel de travail du sol, Jean-Bernard Rabier a accès à un parc très flexible. « Ces dernières années, la Cuma a renouvelé quasi entièrement son matériel : nous avons des outils plus performants, ce n’est plus le gros covercrop d’antan ! », décrit l’exploitant. Pour les déchaumages superficiels qu’il réalise juste après la moisson sur toutes les cultures, l’agriculteur utilise un déchaumeur à disques Horsch Joker sur lequel peut s’adapter un semoir pneumatique pour les couverts. « Cela participe à ma réduction de consommation en phytos, estime-t-il. La levée des graminées est meilleure à la moisson avec ce matériel. » Il a également accès à un Terrano lorsqu’il faut semer un peu plus profond des cultures de printemps comme les maïs et les tournesols, et à un semoir direct à disques qu’il emploie sur tournesol et trèfle violet.

Le travail du sol pour réduire le stock d’adventices et les limaces

Grâce aux déchaumages, Jean-Bernard Rabier a réduit considérablement son stock de semences de graminées adventices ainsi que la pression en limaces. « Je passe une première fois juste après la moisson, même quand il fait sec, décrit-il. Je travaille parfois à 2 centimètres, en tout cas, à moins de 10 centimètres. » Puis un deuxième déchaumage a lieu à l’automne, après la levée : « l’an dernier, il n’y avait rien mais nous sommes passés quand même 15 jours à 3 semaines après. Cela permet de détruire les œufs de limace ». Le colza est déchaumé lui aussi, avec un passage d’outil à dent puis à disques.

Le travail mécanique du sol n’empêche pas l’agriculteur de conserver un herbicide à l’automne. « Je fais un mélange de Défi à 3 litres/ha avec du Fosbury et du Carat à 0,5 l/ha chacun, au stade première feuille », explique-t-il. La ferme étant drainée à 80 %, l’exploitant a peu le choix des molécules. Si tout va bien, il n’en fait pas plus, hormis un régulateur pour éviter la verse. Pour gérer les maladies sur blé tendre, il utilise l’outil d’aide à la décision d’Axéréal, Phylia, qui renseigne sur les risques piétin, septoriose et fusariose, ce qui lui permet de moduler ses doses. Jean-Bernard Rabier parvient à descendre à 269 euros/ha de charges phytos sur ses blés et 286 euros/ha en orge d’hiver.

Déjà bien situé par rapport à la moyenne départementale avant d’entrer dans le réseau Dephy, l’agriculteur a néanmoins appris du groupe. « En faisant des échanges, en discutant avec les autres agriculteurs, je découvre des choses », mentionne-t-il. Si l’usage de la bineuse n’était pas une nouveauté pour lui puisqu’il l’utilise tous les ans sur tournesol pour aérer le sol afin de faciliter le réchauffement du sol et la levée, il a découvert l’intérêt de la herse étrille (lire encadré). Et il partage avec les autres ses bons résultats…

En chiffres

Des potentiels limités

105 ha dont 33 de blé, 29 de tournesol, 17 d’orge d’hiver, 8 d’orge de printemps brassicole, 5 de trèfle violet

70 q/ha de rendement moyen en blé tendre comme en orge d’hiver, 35 q/ha de colza, 60 à 80 q/ha en maïs non irrigué

2011 entrée dans le réseau des fermes Dephy

Quand les herbicides font de la résistance

Le groupe Dephy qu’anime Pascal Lacoffrette depuis 2015 compte aujourd’hui 11 agriculteurs. Formé en 2011, le groupe a réussi à baisser en moyenne de 14 % les phytos au bout de cinq ans. « Cette moyenne cache une fourchette de variation qui va de 11 % à 36 %, souligne l’animateur. Tout le monde a réussi à baisser, grâce aux variétés résistantes, aux OAD, aux observations accrues… Sauf dans le désherbage, où l’IFT a augmenté en moyenne de 11 %. De 2015 à aujourd’hui, sur la deuxième période de contractualisation, j’ai mis l’accent sur ce volet. » Le groupe a donc visité des agriculteurs bio et testé des méthodes de désherbage mécanique, avec l’objectif de trouver des solutions reproductibles. « Ce que nous testons dans le réseau Dephy avec des agriculteurs volontaires doit être réalisable par les autres agriculteurs », insiste le professionnel. Le groupe travaille donc aussi sur le labour, le décalage des dates de semis et l’allongement de la rotation. « Sur ce point, l’idée est de montrer qu’il est possible une année donnée de faire une culture à moindre valeur ajoutée comme le pois, pour gagner sur l’enherbement et les phytos durant les autres années. »

Pas de nouvelle baisse depuis 2015

Baisser les phytos et tout particulièrement les herbicides est en tout cas un travail de longue haleine. « 2016 a été catastrophique, avec de la pluie, davantage de traitements fongicides et un retour de l’enherbement, rappelle Pascal Lacofrette. Le manque d’eau qui a suivi à l’automne a pénalisé la levée des colzas et des couverts. Les mauvaises herbes ont repris le dessus et il a fallu traiter à nouveau derrière… Les IFT n’ont pas baissé depuis cinq ans. » Mais le professionnel est loin de désespérer pour autant. Il mise beaucoup sur le développement du désherbage mécanique.

La herse étrille pour remplacer un traitement d’automne

« Nous avons fait une douzaine d’essais avec la herse étrille depuis un an et demi sur du désherbage tout de suite après le semis, à l’aveugle, avant la levée des céréales, décrit Pascal Lacoffrette, Axéréal. Ce sont des pratiques sur lesquelles il n’y a pas de références. » Les essais montrent que 60 % des adventices peuvent être éliminées au stade filament. « Avec un deuxième passage à trois feuilles, on monte à 80 % d’efficacité, signale le spécialiste. Un programme plus léger à l’automne apparaît possible, avec un passage de herse étrille en prélevée suivi d’un traitement de post-levée, ce qui élimine un produit. » L’ingénieur a étudié la faisabilité d’une telle pratique en termes de jours disponibles : « sur les 20 dernières années, sur Bourges, Châteauroux et Nevers, nous avons constaté qu’une année sur 10, le passage de herse étrille à l’aveugle n’est pas possible. Et 3 années sur 10, celui de novembre n’est pas jouable. Il y a donc de la marge ».

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