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Bassines dans les Deux-Sèvres : les questions qui se posent après la manifestation

Que s’est-il passé ce week-end à Rochénard dans les Deux-Sèvres autour de l’enjeu des retenues d’eau qualifiées de « méga-bassines » pour leurs détracteurs ? Explications.

Manifestation contre une bassine le 26 mars dans les Deux-Sèvres
A l’appel du collectif Bassines non merci !, de la Confédération paysanne ou encore des Soulèvements de la Terre, quelque 4200 manifestants, selon la préfecture, se sont rassemblés le 26 mars à Rochénard dans les Deux-Sèvres pour protester contre les « méga-bassines ».
© Les Soulèvements de la Terre

A l’appel du collectif Bassines non merci !, de la Confédération paysanne ou encore des Soulèvements de la Terre, quelque 4200 manifestants, selon la préfecture, 6000 selon les organisateurs, se sont rassemblés le 26 mars à Rochénard dans les Deux-Sèvres pour protester contre les « méga-bassines ». Une mobilisation sous tension sur laquelle nous revenons à travers un rapide questions-réponses.

Quel projet était visé ?

Les manifestants ont symbolisé dans un champ de blé la place que prendrait la future retenue d’eau (ou bassin de substitution) d’Epannes dont les travaux doivent débuter d’ici la fin de l’année. « Ce projet fait partie des 16 retenues prévues sur le sud du département des Deux-Sèvres sur le bassin d’alimentation du Marais poitevin. Il devrait pouvoir recueillir l’hiver de 210 000 à 220 000 m3 d’eau pour 5 exploitations comptant 7 agriculteurs, souvent en polyculture élevage (bovin viande) », explique Thierry Boudaud, président de la Coop de l’Eau et agriculteur sur 100 hectares de céréales avec un peu de tabac et bientôt une culture de CBD. Il réfute le qualificatif de « méga-bassine » utilisé par le collectif Bassines non merci ! et précise que le projet est associé à des améliorations agroenvironnementales.

Qui manifestait ?

Annoncé à la base comme un évènement festif et familial, le « printemps maraîchin » a rassemblé des militants du collectif Bassines non merci !, des Soulèvements de la Terre, mais aussi de la Fédération nationale de l’agriculture biologique, de la CGT, de Solidaires 79, d’Attac, des Amis de la Terre, de LPO France ou encore d’EELV, et de la France Insoumise. Des manifestants venus de différentes régions de France et « assez peu de locaux », selon Thierry Boudaud qui pointe la présence « de professionnels de la désobéissance civile habillés en cotes bleues et masqués aux pratiques radicales ».

Pourquoi la Fnab y participait ?

« Nous sommes sensibles à la question de l’eau, c’est la première fois que l’on souhaite se rendre sur place lors d’une manifestation contre les bassines », explique Philippe Camburet, président de la Fnab. « Le système de réserve d’eau n’est pas le problème ce qui nous déplait sur cette région c’est la multiplication de projets toujours plus grands, toujours plus impactants pour la ressource en eau dédiée à la biodiversité », poursuit-il estimant ne pas avoir de garanties suffisantes sur l’utilisation de l’eau stockée dans ces bassins. « Une eau qui devrait être destinée en priorité à l’alimentation humaine, ou à l’alimentation animale locale », selon le président de la Fnab. A noter que Philippe Camburet a condamné le 28 mars les atteintes aux biens survenues durant cette manifestation.

Quels dégâts a causé la manifestation ?

« Les manifestants déambulaient vers une retenue en construction et les services d’ordre les ont dissuadés. Ils ont donc représenté la bassine d’Epannes dans le champ de blé puis certains sont allés saccager un local d’irrigation et ont cassé un peu plus loin une canalisation d’irrigation », affirme Thierry Boudaud. Photos et vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux illustrant ces actes de dégradation. Selon la Confédération paysanne, « l’action ciblait l’ancien système de pompage d’un agriculteur intensif et qui n’irrigue plus depuis la reprise de l’exploitation il y a 6 ans mais qui retrouverait dans la bassine plus de volume d’eau que ce dont il bénéficiait entre 2007 et 2016 ».

 Qui sont les victimes des dégâts ?

Le président de la Coop de l’Eau l’affirme le champ de blé dans lequel les manifestants sont rentrés et le local d’irrigation appartiennent à deux agriculteurs bio Ludovic Vassaux et Guillaume Raynaud qui ont porté plainte hier. La Coop de l’Eau s’est aussi constituée partie civile. Ces deux agriculteurs sont à la tête d’une exploitation de 170 hectares, élèvent des vaches maraichines, une race locale, et commercialisent en vente directe. Ludovic Vassaux a posté sur Facebook ce week-end une vidéo dans laquelle il exprime son écoeurement face aux actions de ce qu’il qualifie « d’escrolos ». « Je défend l’agriculture et l’environnement et je fais partie d’une bassine parce que j’en ai besoin » explique-t-il confiant que cette bassine prélèvera l’eau réceptionnée l’hiver dans les nappes superficielles.

La canalisation en partie détruite appartient quant à elle à un céréalier, selon le président de la Coop de l’Eau.

Quelle est la position de la Confédération paysanne ?

Contacté par Reussir.fr, Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, reconnaît que la canalisation et l’emplacement de la future retenue d’eau étaient bien visés. En revanche, il condamne la dégradation du local d’irrigation de Ludovic Vassaux, affirmant que le syndicat l’avait appelé pour prendre de ses nouvelles. Le représentant syndical pointe une « gestion hasardeuse des forces de l’ordre et un « gazage » d’une partie du cortège » qui auraient conduit à ces débordements. S’il reconnait que des agriculteurs bios et même certains adhérents de la Confédération paysanne peuvent se trouver intéressés par ces projets de retenues d’eau, selon Nicolas Girod ces profils d’agriculteurs constituent une minorité parmi les bénéficiaires. « Tout n’est ni blanc ni noir, ce n’est pas si simple », nuance-t-il soulignant que la Confédération paysanne conteste c’est le stockage au travers de « mégabassines ». « Nous avons d’autres exemples en Haute-Loire avec des retenues collinaires moins importantes qui se réfléchissent avec un partage de l’eau plus efficace », affirme le porte-parole du syndicat minoritaire. La Confédération paysanne met aussi en avant le fait que ces retenues doivent être associées à un changement de modèle agricole et non à l’ « implantation de haies symboliques ».

Quelles suites ?

Le procureur de Niort va être saisi dans cette affaire. Il enquête déjà sur d’autres dégradations de retenues d’eau. « On demande aux instances judiciaires d’accélérer » commente Thierry Boudaud, président de la Coop de l’eau. Selon lui « cet épisode risque de laisser des traces » dans le monde agricole.

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