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PASCALE CROC, 120 hectares, quatre salariés à temps partiel, présidente du cercle d’échange de matériel, de main-d’œuvre et de services Cemes-Cesam en Charente
Améliorer son management pour augmenter sa rentabilité

Le management des salariés est une compétence souvent oubliée dans les fermes. Pourtant avec une meilleure gestion de son personnel, les gains de temps et de charges peuvent être considérables.

On connaît tous une exploitation où le pulvérisateur est déjà sorti deux fois dans une même journée : le matin par le salarié et le soir par le chef d’exploitation. C’est souvent une fois de trop et la preuve que la communication et l’organisation du travail sont des points importants dans la gestion d’une exploitation », évoque Antoine Carret, chargé de mission relations humaines à Trame. La communication, le nerf de la guerre, est indispensable lorsqu’on travaille en équipe. « C’est aussi le cas entre associés. Bien souvent, les agriculteurs parlent de choses concrètes, ils n’expriment pas leurs besoins, alors chacun pense qu’il fait bien. Chacun pense à la place de l’autre et fait comme il pense que l’autre aurait fait… Bref, finalement ils ne savent même pas ce que l’autre fait et chacun a l’impression d’être celui qui prend le plus en charge l’exploitation, ce qui est source de tension », illustre Claire Lagrost, conseillère ressources humaines (RH) à la chambre d’agriculture du Cher. Pour les salariés aussi, c’est important. « La communication doit s’effectuer dans les deux sens, mais beaucoup de salariés n’osent pas exprimer leurs besoins ou leurs envies à leur patron, et ils ont tort », résume Christian Grégoire, vice-président de l’association des salariés agricoles des Hauts-de-France.

Se connaître pour mieux comprendre l’autre

Ce n’est pas toujours chose aisée de bien s’entendre avec son salarié. Chacun a son caractère et ses valeurs, ce qui est propre à la relation humaine. « Selon le MBTI, il existe seize grands types de personnalités avec chacune leur point de divergence, ce qui crée des incompréhensions », explique Frantz Caron, conseiller RH à la chambre d’agriculture du Cher. L’outil de développement personnel MBTI donne des éléments sur la personnalité de chaque individu et aide à comprendre son style de travail et son impact sur les autres. Cette méthode est utilisée par la chambre d’agriculture du Centre, qui a instauré un groupe de travail appelé Gehodes (gestion des hommes et développement économique et social des entreprises). Grâce à un questionnaire, des échanges de groupe, des travaux sur des cas concrets, des exercices, le participant apprend à mieux se connaître. « Les incompréhensions peuvent être relatives aux ordres donnés par l’employeur ou à sa posture vis-à-vis des autres », ajoute Antoine Carret. Il illustre en expliquant qu’il est très différent de dire « j’ai l’impression que lorsque je te parle, tu ne me comprends pas » que de dire « tu ne comprends jamais rien ». Mais tout n’est pas dans la communication au quotidien, « parler c’est bien, c’est nécessaire au bon déroulement des tâches, mais parler en bout de champ n’est pas suffisant. Il est important de se poser pour avoir une discussion sur la stratégie de l’entreprise et sur les projets professionnels et personnels de chacun, et ce, à long terme », ajoute Claire Lagrost. D’où l’importance d’effectuer de vrais entretiens annuels. C’est le moment de s’asseoir autour d’une table, de porter un regard sur l’année écoulée et d’échanger sur les projets des années à venir. De plus, il est important d’avoir un projet commun et partagé entre l’employeur et l’agriculteur. « Il est difficile d’imaginer une exploitation bio embauchant un salarié antibio », illustre Antoine Carret. C’est également une manière d’anticiper les changements et ainsi d’être plus réactifs. « Gérer c’est anticiper la ressource technique, économique bien sûr mais aussi humaine », martèle Frantz Caron.

Souvent montré du doigt, le manque de formation en management des chefs d’exploitation peut provoquer des situations de crise entre employés et employeurs. « Être manager, ça ne s’improvise pas, ça demande une phase d’apprentissage », ajoute Antoine Carret. Ainsi, un employeur qui n’est pas formé au management peut très vite perdre sa place de patron. « Pour mener à bien nos tâches, il nous faut un cadre. Il faut établir des règles afin que l’employeur ne se laisse pas envahir par son salarié d’une part mais il ne doit pas être trop rigide d’autre part », tempère Christian Grégoire. C’est donc tout l’art de trouver le juste milieu. « Il faut professionnaliser la ressource humaine, il ne suffit pas d’avoir un bon employé, il faut également être un bon employeur », ajoute Frantz Caron.

De la reconnaissance pour plus d’implication

L’employeur doit être capable de déléguer des missions à son employé. « C’est une façon de montrer la confiance et la reconnaissance qu’il a envers lui », remarque Antoine Carret. D’autant plus que les salariés sont davantage qualifiés et capables de gérer un atelier. La reconnaissance est donc un point à ne pas négliger et elle se réalise autant dans le sens " employé-employeur » que dans celui « employeur-employé ». Cela permet également au salarié d’être impliqué dans ce qu’il fait et donc de progresser. « Exprimer sa satisfaction ça fait beaucoup et en plus cela crée une bonne ambiance. Mais attention, ce n’est pas le patron qui distribue des bons points, c’est une relation d’homme à homme. Par exemple, choisir une moissonneuse-batteuse avec son salarié est une forme de reconnaissance. Mais un salarié qui propose une solution à son employeur peut également en être une. Bien sûr, c’est quelque chose à travailler et qui demande d’être un minimum attentif à l’autre », insiste Antoine Carret. Même si c’est une chose qui peut paraître évidente, la bienveillance est source de bonne entente. Être à l’écoute du ressenti, repérer les signaux faibles, évite de nombreuses tensions. « Si le salarié ne va pas bien ou si le patron n’a plus de patience, il faut entrer dans la brèche pour éviter que ça se dégrade et apporter des solutions », préconise le conseiller Trame. Le management, même s’il peut paraître futile, est un levier pour anticiper les changements dans l’exploitation et pour gagner en efficacité et en temps. Et comme dit le proverbe : "Le temps… c’est de l’argent".

Il ne suffit pas d’avoir un bon employé, il faut également être un bon employeur

Bien définir les règles pour mieux manager

Pour garder de bonnes relations dans le travail, Antoine Carret, chargé de mission relations humaines à Trame, cite quelques points sur lesquels il faut être vigilant.

Une attention toute particulière doit être portée à la rédaction du contrat de travail. Les tâches, missions à effectuer, l’organisation ou le référent doivent être explicites.

Les règles de fonctionnement au quotidien doivent être établies et rédigées. Ainsi les horaires, les manières de fonctionner sont connues de tous. « Au début de la prise de poste, on ne porte pas trop attention aux horaires, on a la tête dans le guidon, puis un changement sur le plan personnel apparaît et là les horaires peuvent être un sujet de conflit », raconte Frantz Caron. « La différence d’âge joue beaucoup, à 25, 47 ou 55 ans, la façon d’appréhender les enjeux et les projets est différente. S’ils ne sont pas exprimés, cela crée des frustrations et des incompréhensions », ajoute-t-il.

Le pouvoir du manager doit être reconnu et partagé, un dernier point qui n'est pas sans importance. « Dès lors que le chef d’exploitation embauche une personne, ses compétences de manager sont sollicitées. Il faut savoir prendre sa place de patron au sens noble du terme, c’est-à-dire, avoir de l’autorité sans autoritarisme. Beaucoup de patrons ne savent pas faire cela », constate Antoine Carret.

Trame sensibilise les employeurs au management

Pour sensibiliser les employeurs au management, un groupe de travail a émergé au sein de l’association Trame. Salariés et employeurs se sont mobilisés pour réaliser des vidéos de témoignages, pour préparer une pièce de théâtre et pour organiser des conférences. Lors des formations, des jeux de rôles sont proposés aux participants. « Nous simulons, par exemple, des entretiens d’embauche. L’un est employeur, l’autre est candidat et le troisième est observateur et les rôles tournent à chaque fois. C’est très formateur, on analyse les questions posées, et les participants se prennent au jeu », illustre Antoine Carret, animateur chez Trame.

Il ne faut pas tomber dans la facilité

Pascale Croc cultive 120 hectares en Charente, dont 28 en vigne. Avec son mari, elle adhère à un groupement d’employeurs et emploie quatre salariés à temps partiel. Elle est aussi présidente du groupe de travail Cemes-Cesam, cercle d’échange de matériel, de main-d’œuvre et de services en Charente. Il y a deux ans, elle a effectué une formation "relations humaines" avec ses salariés.

Comment organisez-vous le travail avec vos salariés ?

Depuis un an, nous avons mis en place à chaque début de campagne, une journée stratégie où nous parlons de la vision à long terme de l’exploitation. Ensuite, nous enchaînons sur des entretiens individuels. Ce sont des occasions pour sortir la tête du guidon et pour connaître les aspirations de chacun. De plus, chaque lundi, nous effectuons une réunion d’une demi-heure afin de déterminer les tâches à réaliser. Et au début de chaque mois, avec mon mari, nous définissons un planning, cela nous permet de prendre du recul face au travail qui nous attend. Le quotidien ne doit pas prendre le dessus. Parfois on peut aller trop vite, on se concentre sur l’opérationnel mais on oublie de mettre en perspectives notre travail.

De plus, je suis très attachée à la communication, tout doit être formulé, rien ne va sans le dire. Quand on est satisfait, il faut le dire mais quand on ne l’est pas, il faut bien le dire. Il faut savoir s’écouter, prendre du recul et se parler. Il ne faut pas tomber dans la facilité, c’est-à-dire, se mettre en colère en pensant que nous avons toujours raison.

Pourquoi avoir suivi une formation « relations humaines » ?

J’étais déjà convaincue des effets du management. En ayant suivi des formations sur le développement personnel au sein du groupe de travail Cemes-Cesam, j’ai pu découvrir l’impact de la qualité des relations humaines sur le travail. Même si nous sommes bien outillés, il est important d’avoir un regard extérieur et de revoir ceux qui sont à notre disposition. Il faut d’abord bien se connaître pour travailler ensemble. Tous les salariés n’étaient pas enthousiastes : « on va perdre du temps », « le management c’est un truc de femme », mais ils sont revenus emballés et sont demandeurs. Pour moi, il est important de rester en veille et de savoir se remettre en question.

Quels résultats avez-vous remarqué ?

Depuis que j’ai suivi les formations avec mes employés, je ressens une vraie cohésion d’équipe, nous sommes tous dans le même bateau et allons tous dans le même sens. J’aurai bien du mal à chiffrer le bénéfice en euros, mais lorsque je vois mes salariés arriver le lundi matin avec la banane, je sais qu’ils seront efficaces. En agriculture, on parle toujours de quantité de travail mais jamais de la qualité. Le bien-être au travail conduit à une vraie implication des salariés dans leurs tâches. Tout le monde participe à une meilleure organisation du travail et chacun se mobilise pour que les tâches les plus ingrates soient effectuées rapidement afin d’avoir plus de temps pour réaliser celles à forte valeur ajoutée.

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