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Agriculture périurbaine : « Ne pas rester seul face aux incivilités dans la plaine »

En zone périurbaine, incivilités et dégradations des parcelles sont usantes. L’action collective permet de ne pas se décourager et de mener des actions de communication efficaces.

Face aux dégradations, Cécile Ruèche, agricultrice à Bailly dans les Yvelies, a installé des panneaux pour expliquer le rôle des bandes enherbées et en interdire l'accès. Ces zones tampons sont désormais mieux respectées.
Face aux dégradations, Cécile Ruèche, agricultrice à Bailly dans les Yvelies, a installé des panneaux pour expliquer le rôle des bandes enherbées et en interdire l'accès. Ces zones tampons sont désormais mieux respectées.
© G. Omnès

Des parcelles vallonnées entrecoupées de haies et de bosquets, et sillonnées de chemins. À quelques encâblures du parc du célèbre château, la plaine de Versailles, zone classée, a tout d’un petit paradis. Mais la situation est devenue infernale pour les agriculteurs.

Cécile et Alexandre Ruèche, installés en bio à Bailly dans les Yvelines, sur une exploitation en grandes cultures (180 ha dont 20 en prairies pour des pensions de chevaux), en savent quelque chose. « Notre ferme est à proximité immédiate des zones urbaines de l’Ouest parisien, explique Cécile. Depuis quelques années, le nombre de promeneurs augmente, mais la fréquentation a explosé avec le premier confinement. »

La plaine, encastrée entre des communes densément peuplées (Noisy-le-Roi, Fontenay-le-Fleury, Bois-d’Arcy, Saint-Cyr-l’École…), a été prise d’assaut par les citadins oppressés en quête de respiration, ravis de trouver ce petit coin de verdure dans leur périmètre autorisé pendant la crise sanitaire.

Des champs transformés en terrains de jeu et de pique-nique

« Les conditions de travail se sont nettement détériorées, raconte Cécile Ruèche, et nous avons dû adapter notre activité. Il est devenu compliqué de circuler en tracteur le dimanche, nos champs se sont transformés en terrains de jeu et de pique-nique… » Les comportements inadaptés des randonneurs et conducteurs d’engins en tout genre, motorisés ou non, ont mis le monde agricole sous pression. « Tout n’a pas un impact sur la production, mais c’est psychologiquement très dur de voir son travail foulé aux pieds par des gens qui s’en fichent, avoue l’agricultrice. Et, accessoirement, c’est une propriété privée. »

Les conséquences peuvent aussi être très concrètes, tels les parkings sauvages improvisés le long des chemins qui barrent l’accès aux champs. Parfois, la confrontation entre « visiteurs » et monde agricole se durcit. « Nous subissons d’énormes dégâts de pigeons et de corvidés, et la seule solution pour préserver nos cultures est de faire appel à des chasseurs, dans des conditions très encadrées, explique Cécile Ruèche. Mais l’hostilité à la chasse est telle que cette solution est de plus en plus difficile à mettre en œuvre. Un cycliste est allé jusqu’à crever les pneus de la voiture d’un chasseur ! »

Au sein de l’association de la Plaine de Versailles, qui regroupe agriculteurs, élus, riverains et amoureux de la nature, Marie Martinez confirme la montée en tension. « Nous avons constaté un envahissement portant préjudice aux champs et à la biodiversité, avec plus de 1 000 personnes par week-end à certains endroits, rapporte l’animatrice. L’accumulation des incivilités, voire des insultes, est usante pour les agriculteurs. Certains sont venus nous voir en situation de détresse, prêts à jeter l’éponge. »

 

 
Agriculture périurbaine : « Ne pas rester seul face aux incivilités dans la plaine »
« Les néoruraux ne connaissent pas l’agriculture ni ses contraintes, mais lorsqu’on leur explique la conséquence de leurs actes, la plupart comprennent et acceptent certaines interdictions, abonde Marie Martinez, de l'association de la plaine de Versailles © G. Omnès

 

Cécile Ruèche s’est fait une raison. « Je n’y vois plus des attaques personnelles, car il s’agit d’un problème de société. Mais il ne faut pas rester isolé face à cela, ou la charge peut devenir insurmontable. » Jouer collectif lui a semblé d’autant plus pertinent qu’elle a constaté que la pédagogie pouvait faire changer les comportements. Exaspérés par la dégradation de bandes enherbées réglementaires installées le long de cours d’eau – avec le risque de perdre une partie des aides PAC, Cécile et Alexandre Ruèche ont planté des panneaux expliquant le rôle de ces zones tampons, et pourquoi ils en interdisaient désormais l’accès aux promeneurs, cavaliers et deux-roues. « Cela a marché, ces bandes sont désormais respectées », se réjouit Cécile.

Expliquer aux visiteurs les conséquences de leurs actes

« Les néoruraux ne connaissent pas l’agriculture ni ses contraintes, mais lorsqu’on leur explique la conséquence de leurs actes, la plupart comprennent et acceptent certaines interdictions, abonde Marie Martinez. Le problème, c’est que les agriculteurs peuvent expliquer à une ou deux personnes. Au bout de la cinquième, difficile de ne pas s’agacer, au risque d’alimenter l’antipathie. »

Épaulée par la chambre d’agriculture et Passion Céréales, l’association de la Plaine de Versailles s’est attelée à élaborer des outils de communication pour soulager les agriculteurs. Au cours de l’été, des groupes de travail ont élaboré des écriteaux présentant la charte des promeneurs, une cartographie signalant les chemins autorisés, des panneaux expliquant les cultures… En décryptant ainsi le territoire que les promeneurs ont sous les yeux, l’association espère faire comprendre que « la nature » n’est pas un décor, mais bien souvent des champs, un outil de travail, et que s’il est possible de s’y promener, c’est parce que les agriculteurs entretiennent le territoire.

Malheureusement, de telles associations n’existent pas partout. « Dans ce cas, on peut aller voir les organisations agricoles, les élus, et éventuellement créer une structure, encourage Marie Martinez. Cela incitera les acteurs à agir, en essayant de rester positif. Il sera ainsi plus facile de dénoncer, d’informer, et c’est au sein du collectif que naissent les idées et les initiatives. Surtout, cela permet de parler, d’échanger, et de voir que l’on n’est pas seul. »

Rodéos au champ : ne pas jouer aux cow-boys

En zone périurbaine, les rodéos sauvages sont un autre désagrément courant. Face à ces pratiques dévastatrices pour les cultures, « mieux vaut ne pas intervenir soi-même, au risque de se mettre en danger », conseille Marie Martinez, de l’association Plaine de Versailles. En revanche, prendre des photos puis aller déposer une plainte est recommandé.

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