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ARBORICULTURE
Vers une pulvérisation de précision

Les acteurs de l’expérimentation arboricole unissent leurs forces pour adapter au mieux la dose au verger et limiter la dérive lors de l’application de produits phytosanitaires. Une meilleure optimisation des quantités appliquées est en effet un levier majeur dans l’objectif de réduction des intrants.

Les doses interceptées par la végétation varient selon le matériel utilisé et son réglage »

FLORENCE VERPONT, Ctifl

Démarré l’an dernier, le projet pluridisciplinaire Pulvarbo vise à améliorer la qualité de la pulvérisation en arboriculture fruitière, un travail au long cours prévu pour durer jusqu’en 2020. Il réunit le Ctifl, l’Irstea, les stations régionales d’expérimentation (CEHM, Cefel, la Pugère, Invenio, la Morinière), la filière cidre, les firmes phytosanitaires, l’Inra et la DGAL. Le projet joue sur deux leviers. D’une part, la limitation des pertes dans l’environnement par l’identification des moyens de limiter la dérive. Et d’autre part l’adaptation de la quantité de produits phytosanitaires utilisée par rapport au volume foliaire du verger. Le projet répond ainsi aux objectifs de diminution d’utilisation de produits phytosanitaires du plan Ecophyto. La limitation des pertes dans l’environnement nécessite dans un premier temps de caractériser la répartition de la bouillie dans les trois compartiments, air, plante et sol. En disposant des collecteurs sur des arbres témoins, et en utilisant un traceur coloré dans les pulvérisateurs, les acteurs du projet ont observé la quantité de produit déposé par unité de surface de végétal à protéger. « Les essais en cours au Ctifl de Lanxade (24) permettent de dresser plusieurs constats, annonce Florence Verpont, Ctifl, lors des rencontres techniques phytosanitaires fruits à noyau organisées en octobre dernier au centre Ctifl de Balandran (30). Tout d’abord, l’application d’une même dose de produit à l’hectare entraîne des variations significatives de doses interceptées par le végétal, suivant le matériel utilisé et ses réglages. Pour un même verger et un même stade de végétation, ces doses varient du simple au double ». Seulement 36 à 67 % de la bouillie est perçu par la canopée. Les dépôts au sol varient eux de 6 à 18 % selon le matériel et les réglages.

Tenir compte du stade de développement

Pour lever les contraintes des essais en verger qui présentent une grande variabilité, une haie fruitière artificielle devrait être conçue en 2017, pour une mise en oeuvre en 2018. Ce dispositif est équivalent à la vigne artificielle EvaSpray Viti, mise au point par l’Irstea et l’Institut français de la vigne et du vin. Il a pour but de caractériser les performances des matériels de pulvérisation, des réglages et des pratiques dans des conditions standardisées.

Dans l’optique d’adapter les doses à la végétation à traiter, il est nécessaire d’élaborer un outil d’aide à la décision fiable, facile à mettre en oeuvre, qui tient compte du stade de développement du verger. En effet, un verger n’a pas besoin du même niveau de protection phytosanitaire suivant sa surface foliaire. L’élaboration de cet outil passe aussi par un changement de l’expression de la dose, exprimée actuellement en France en litre ou kilogramme par hectare cadastral. Ce changement à venir permet également d’anticiper une éventuelle homogénéisation du mode d’expression de la dose à l’échelle européenne, ce qui constitue une volonté forte de l’ECPA (European crop protection association, association européenne de protection des cultures). Les pays du nord et du centre de l’Europe ont choisi la LWA (Leaf wall area) pour caractériser les vergers, un indicateur correspondant à une surface de végétation, exprimée en mètre carré à l’hectare. Cette mesure intègre la hauteur de canopée et l’espacement entre les rangs et tient donc compte de l’évolution de la surface de végétation. La LWA caractérise donc mieux un verger en haie mais n’intègre pas la notion d’épaisseur de végétation, ce que fait le TRV (Tree row volume, volume de haie fruitière), un autre indicateur qui correspond donc à un volume de végétation, exprimé en mètre cube à l’hectare. Des essais comparant ces deux types de mesure, ainsi que l’évaluation de capteurs (ultra-sons, laser Lidar – voir encadré –, traitement d’images photo) ont confirmé la meilleure pertinence du TRV pour caractériser les différentes formes de conduite présentes en France. En revanche, l’évaluation de la largeur de végétation est difficile à appréhender, ce qui complique le calcul du TRV. Les partenaires du projet Pulvarbo ont choisi de travailler avec la LWA, moins représentative des formes en volumes, mais plus facile à mettre en oeuvre.

Caractériser différentes espèces et formes fruitières

Une LWA de référence a été définie, d’une valeur de 15 000 m2. « Près de 90 % des vergers français est en dessous des 15 000 m2 de surface foliaire », précise Marie Charreyron, responsable du programme d’expérimentation pommier à la Pugère, pour justifier cette référence. Au-dessus de cette valeur, on applique la pleine dose. En deçà, la dose est corrélée linéairement à la surface foliaire (voir encadré). Pour tester l’efficacité de la méthode, un essai sur Granny Smith a été mis en place en 2016 sur différents sites expérimentaux partenaires. Ont été testées une référence pleine dose, une dose adaptée selon la méthode LWA décrite précédemment, une demi-dose et trois quarts de dose (pour des parcelles où LWA > 15 000 m2). A la Pugère (13), pour cette première année, le verger présente de faibles dégâts à la récolte, malgré la réduction de doses. Concernant la tavelure, « on observe sur pousses un léger décrochage de la modalité témoin sans traitement (7 %) qui ressort statistiquement, présente Marie Charreyon. La dose adaptée et même la demi-dose n’ont pas décroché ». Sur d’autres stations, la demi-dose a présenté une efficacité moindre que les autres modalités testées. Le projet va se poursuivre, notamment pour acquérir d’autres références sur les estimateurs de la végétation sur les différentes espèces fruitières (pommier, poirier, prunier, pécher, noyer…) et formes fruitières (haie fruitière, gobelet, drilling). D’autres techniques d’application sont actuellement testées par le Ctifl et certaines stations régionales : la pulvérisation fixe sur frondaison (Casdar PulVéFix, 2016-2018), et la micro-injection (Preamisse, 2015-2018).

Calculer sa LWA et la dose correspondante

La LWA se calcule en multipliant la hauteur de la haie fruitière par deux (pour chacune des deux faces), et en divisant cette valeur par la distance entre rangs. Le résultat est ramené à l’hectare en multipliant par 10 000. Ainsi, un verger de 2,2 m de hauteur avec un interrang de 3,5 m présente une LWA de : (2 x 2,2) / 3,5 x 10 000, soit 12 571 m2 de surface foliaire à l’hectare.

Si cette LWA est inférieure à la LWA de référence de 15 000 m2, la dose est corrélée linéairement à la surface foliaire. Ainsi, pour un produit homologué à 2 kg/ha cadastral, la dose à appliquer sera de (12 571 / 15 000) x 2, soit 1,676 kg/ha.

Trois dispositifs pour évaluer la qualité de la pulvérisation

Quali’Drop

Développé par Syngenta, Quali’Drop est un dispositif permettant d’évaluer la répartition verticale de la pulvérisation pour faciliter le contrôle du réglage du pulvérisateur. Il est constitué d’un assemblage de plaques en polyéthylène noir, d’une hauteur de 4,5 m. Le pulvérisateur est rempli de bouillie de talc ou d’argile, ce qui permet d’observer en direct les impacts. Le dispositif se nettoie facilement et est réutilisable immédiatement. En revanche, pour les vergers en gobelet, la pénétration dans la végétation ne peut pas être évaluée.

Banc d’essai Salvarini

La société Chabas à Charleval (13) a fait l’acquisition d’un autre modèle de banc d’essai, de marque Salvarini. Les papiers hydrosensibles sont remplacés par des plaques carrées disposées verticalement qui recueillent le liquide et l’envoient dans des éprouvettes, avant analyse par un logiciel. Le constructeur prévoit de faire de la prestation de service mais n’a pas encore défini sa politique tarifaire pour ce banc qui n’est pas encore agréé.

Colorants

En verger, pour observer la répartition de sa pulvérisation sur toute la profondeur et la hauteur d’un rang et observer la dérive sur les rangs adjacents, il est possible d’utiliser plusieurs colorants. La fluorescéine est une matière fluorescente, elle se visualise avec de la lumière noire de nuit. Elle est à doser à un gramme par litre dans l’eau de pulvérisation. Bayer commercialise un indicateur de traitement bleu IC001 à doser à 0,25l/hl. La tartrazine, un colorant jaune peut aussi être utilisé à 5g/l.

Lidar, caractériser le verger par laser

Le Lidar (Light detection and ranging, détection et localisation par la lumière), est un capteur utilisé pour caractériser très précisément la végétation d’un verger. Cette technologie envoie une pulsation laser vers la végétation et détermine la distance entre le capteur et la haie à partir du temps que met le rayon à revenir au capteur après avoir rebondi sur la végétation. Elle permet de reconstituer la haie fruitière sous forme de nuages de points, et donc de caractériser l’épaisseur et la porosité de la végétation, et leur évolution au cours du cycle végétatif. L’utilisation de Lidar dans le cadre de Pulvarbo a permis de comparer les critères LWA et TRV dans leur efficacité à caractériser la végétation des vergers.

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