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Relever le défi du désherbage

« Désherb’Expo », consacrée aux innovations en matériels de désherbage, a été organisée à Angers par les Fédérations des producteurs de semences et de plantes à parfum, aromatiques et médicinales. Au-delà des matériels existants, qui se développent, des solutions innovantes apparaissent.

Désherb’Expo a permis de découvrir de nombreux matériels de désherbage.
© V. Bargain

Pour les filières semences et plantes à parfum, aromatiques et médicinales, comme pour toutes les productions végétales, trouver de nouvelles solutions de désherbage est un enjeu essentiel. Outre une pression sociétale croissante pour réduire l’utilisation des pesticides, les solutions chimiques sont en effet de plus en plus limitées. « De 2008 à 2018, le nombre de substances actives herbicides autorisées en France est passé de 133 à 98, soit une baisse de 26 % en dix ans, indique Jean-Albert Fougereux, directeur technique de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (Fnams). Depuis les années 1980, le nombre d’adventices résistantes n’a cessé d’augmenter et devrait continuer à croître, avec en parallèle une stabilité du nombre de sites d’action herbicides. » Des leviers agronomiques existent et doivent être utilisés : diversification des cultures et des périodes de semis dans la rotation, travail du sol (labour, déchaumage, faux-semis), choix de la date de semis, pistes innovantes comme le semis direct, les cultures associées, les couverts intercultures. Les règles de bon sens doivent aussi s’appliquer : utiliser des semences propres ou certifiées, nettoyer les outils de travail du sol et de récolte, éviter la montée à graines des adventices aux abords des parcelles, arracher ou biner manuellement les adventices constituant des foyers potentiellement problématiques (vivaces notamment). Et une bonne connaissance des adventices est essentielle, avec aujourd’hui des sites comme Infloweb* pouvant aider à mieux les connaître pour mieux les maîtriser.

Matériels de désherbage intelligents

Si des améliorations sont apportées aux matériels de pulvérisation (guidage, coupure de tronçon, modulation de dose…), d’autres solutions comme le désherbage thermique ou mécanique doivent aussi être développées. Les herses-étrilles, bineuses, houes rotatives sont en plein essor et de nouveaux matériels apparaissent, comme les écimeuses qui permettent de couper les adventices dépassant de la culture avant qu’elles ne s’égrainent. Des matériels intelligents émergent également avec le développement de systèmes de guidage des bineuses par caméra, des porte-outils automoteurs et désormais des robots. « En 2018, on estime que 70 % des adventices, toutes cultures confondues, sont maîtrisées par le désherbage chimique, 20 % par les pratiques agronomiques et 10 % par le désherbage mécanique », indique Jean-Albert Fougereux. Des solutions innovantes sont aussi en développement ou à l’étude. Les progrès du numérique sont notamment prometteurs, avec le développement des technologies d’analyse d’images et d’algorithmes permettant l’identification des adventices et l’assistance au guidage (robots, éléments bineur, pulvérisation de précision). La start-up Carbon Bee a ainsi mis au point un capteur hyperspectral et un logiciel basé sur le Deep Learning (auto-apprentissage) qui permettent d’identifier et de localiser les différentes espèces d’adventices. Monté sur un pulvérisateur faisant de la modulation de dose, il pourrait permettre de piloter le pulvérisateur pour des traitements localisés et ainsi réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Autre innovation pour la pulvérisation : l’injection directe, dans laquelle la cuve du pulvérisateur ne contient que de l’eau, les produits actifs étant stockés dans d’autres petites cuves et injectés dans l’eau juste avant que celle-ci soit propulsée dans la rampe. Avantages : pas de fond de cuve et donc d’excédent de bouillie, pas d’obligation de rincer la cuve entre deux traitements, la possibilité de changer la concentration du produit et donc de moduler la dose sans changer la pression et, pour l’équipement présenté la société Diimotion, la possibilité d’utiliser des produits liquides mais aussi des poudres.

Désherbage laser, génétique, biocontrôle

Et d’autres innovations sont à l’étude, comme la technologie laser, qui consiste à tuer l’adventice en détruisant son méristème grâce à un rayon laser. A Angers, un consortium associant trois laboratoires de recherche (Laris, IRHS, Moltech Anjou) et une entreprise (Ez-Wheel, spécialisée en roues autonomes) travaille sur une plateforme se déplaçant seule entre les rangs, n’ayant pas à faire demi-tour car symétrique, pouvant identifier et localiser les adventices et pouvant les détruire grâce à un laser. Des premiers résultats ont déjà été obtenus sur la discrimination des adventices en conditions peu denses, sur la navigation autonome et sur un prototype de pointage laser. En Autriche, la société SPL teste actuellement sur carotte un robot, Jäti, monté sur chenilles, qui est doté d’une caméra et d’un algorithme permettant d’identifier les adventice. Celles-ci sont ensuite détruites par laser. Autre piste encore : le désherbage par l’électricité. La société germano-suisse Zasso a mis au point l’Electroherb, qui associe un groupe électrogène embarqué fonctionnant sur la prise de force du tracteur et deux rangées d’électrodes à l’avant du tracteur (pôles + et -). La circulation du courant à travers les adventices tue la plante, avec une largeur de travail de 2,6 m et une vitesse de 3 à 5 km/h. D’autres solutions pourraient également être apportées par la génétique, avec la sélection de variétés à fort pouvoir couvrant ou la réduction des populations d’adventices par le génie génétique (technique de gène dirigé rendant les adventices stériles). Enfin, des pistes apparaissent pour le biocontrôle des adventices. Actuellement, seules 14 substances de biocontrôle, extraites surtout de micro-organismes, sont commercialisées dans le monde pour le désherbage, avec des spectres très étroits et une efficacité au champ aléatoire. Mais des solutions prometteuses sont explorées, avec notamment des assemblages de micro ARN perturbant le développement de populations multi-espèces d’adventices, couplés à une pulvérisation de précision. Un projet est développé en France par la start-up Micropep, avec des applications envisageables d’ici huit à dix ans. « En 2030, les prévisions sont que la maîtrise des adventices se fera à 35 % par les pratiques agronomiques, à 30 % par le désherbage mécanique, à 25 % par le désherbage chimique et à 10 % grâce aux nouvelles technologies », conclut Jean-Albert Fougereux.

* site créé par Terres Inovia, Acta, Agro Sup, Arvalis, Fnams, Inra, Itab, ITB

3 innovations pour le désherbage

1 - Les robots

Les robots de désherbage se multiplient depuis quelques années. Les plus présents sont ceux de Naïo Technologies : Oz (100 robots), utilisé en maraîchage diversifié, pépinière et production de PAM, et Dino (10 robots), pour la salade, poireau et oignon. S’y ajoutent Ecorobotix, robot solaire de pulvérisation localisée, testé en légumes industries et grandes cultures, Centeol (AgreenCulture), robot polyvalent expérimenté à grande échelle, Pumagri (Sitia), en phase d’industrialisation, ou encore Anatis (Carré), en phase de développement.

2 - Les porte-outils automoteurs

Les porte-outils électriques automoteurs avec ou sans autoguidage permettent d’emporter différents outils sans avoir à se soucier de l’avancement de la machine. A Désherb’Expo, on trouvait notamment le Culti’track de Terrateck, avec une version pour le maraîchage diversifié et une version plein champ plus puissante permettant d’installer une bineuse jusqu’à 6 m de large. Autre solution présentée : Toutilo (Touti Terre, 20 en service), matériel autoporté qui enjambe les planches, sur lequel une ou deux personnes peuvent s’allonger pour désherber, récolter… et qui peut être équipé de différents outils.

3 - L’auto-guidage par caméra

L’auto-guidage des éléments bineurs par caméra, plus précis que le guidage RTK, permet de s’approcher au plus près du plant. Stecomat présentait la dernière version de la bineuse Steketee, équipée d’une caméra haute définition aux capacités d’analyse très poussées permettant de biner plus tôt et plus tard. Novaxi présentait la bineuse Garford, avec guidage par caméra vidéo couleur, avec une version grandes cultures très rapide (15 km/h) et une version maraîchage permettant de biner entre rangs et entre plants (98 % de la surface travaillée).

Un enjeu crucial pour les semences et PPAM

L’enjeu du désherbage est particulièrement important pour les producteurs de semences et de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Comme toutes les filières agricoles, elles sont soumises à une pression sociétale forte poussant à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. De nombreuses cultures sont par ailleurs en situation d’usages mineurs et certaines risquent de se trouver dépourvues de solutions de désherbage chimique dans les années à venir. « Or, en production de semences, il y a une obligation de résultats en matière de désherbage afin de fournir des lots de semences indemnes de graines d’adventices, a souligné Jean-Noël Dhennin, président de la Fnams. C’est une exigence réglementaire et une attente des utilisateurs. Les techniques de triage, en pleine phase d’innovation avec les progrès du tri optique, ne permettront pas de trier toutes les adventices. La maîtrise du désherbage reste donc une préoccupation majeure. » L’enjeu est également crucial pour les producteurs de PPAM. « Les consommateurs et donc nos clients sont demandeurs de production sans pesticide, constate Laurent Martineau, président de l’Institut technique des filières de plantes aromatiques, médicinales et à parfum (Iteipmai). Les contraintes sont fortes avec des analyses fines et les moindres traces sont détectables. » La problématique est d’autant plus importante que les PPAM lèvent lentement et que certaines adventices très communes, comme le séneçon commun, riche en alcaloïdes, sont bannies. « L’innovation mécanique doit permettre de maîtriser les adventices pour des productions de qualité. Nous attendons des innovations notamment dans l’imagerie et l’automation. » Les PPAM étant très variées et limitées en surface (38 000 ha pour une centaine d’espèces), les constructeurs sont toutefois peu intéressés par ce secteur. Des entreprises locales développent cependant quelques matériels spécifiques et l’autoconstruction est assez répandue. Dans le Sud-est, la filière lavande teste aussi l’enherbement des inter-rangs, avec la nécessité de nouveaux outils pour maîtriser le couvert (tondeuses, rouleaux Faca, broyeurs).

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