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Pomme de terre : les enjeux de la fin du CIPC

Principal anti-germinatif en culture de pomme de terre, le CIPC est désormais interdit en Europe. Le point sur les enjeux techniques et réglementaires de cet arrêt.

© M. Martin / Arvalis

Depuis le 8 août 2020, les producteurs de pomme de terre ne peuvent plus utiliser le chlorprophame ou CIPC pour le contrôle de la germination des tubercules. La décision de ne pas renouveler la molécule est européenne et est parue le 18 juin 2019 au Journal officiel. Elle fait suite aux conclusions d’un rapport de l’EFSA mettant en avant des risques sanitaires chroniques et aigus. L’interdiction d’utilisation du CIPC est une contrainte forte pour les producteurs. Elle devrait se traduire par une augmentation du coût de production, car les produits à base de CIPC étaient peu chers et offraient une souplesse d’utilisation par les différents types de formulation disponibles. « Le CIPC pouvait s’appliquer sous forme de liquide ou de poudre à la mise en stockage des tubercules ainsi qu’en cours de conservation sous forme de liquide à thermonébuliser », résume Michel Martin, ingénieur spécialisé dans le stockage et la conservation de la pomme de terre à l’institut du végétal Arvalis. Quatre solutions alternatives au CIPC sont homologuées en France (voir encadré). Parmi elles, seul l’hydrazide maléique peut s’appliquer au champ. « Mais ce produit a une rémanence plus courte que le CIPC, de quelques semaines à 2-3 mois maximum », indique le spécialiste.

Des solutions alternatives plus chères

Les autres produits autorisés s’appliquent au stockage uniquement, ce qui implique d’avoir des bâtiments suffisamment étanches. Ainsi, les producteurs qui appliquaient le CIPC à la mise en tas sur les tubercules et qui ne disposent pas de bâtiments de stockage sophistiqués (bien isolés et ventilés), sont les plus pénalisés par l’arrêt du CIPC. Ceux qui utilisaient déjà le CIPC en thermonébulisation n’ont eux pas besoin d’adapter leurs bâtiments. Les solutions alternatives sont néanmoins plus chères et n’ont pas les mêmes cadences de traitement. « Pour stocker quelques tonnes ou quelques dizaines de tonnes de pommes de terre, le plus simple est peut-être de les stocker en palox en aménageant une aire isolée avec quelques panneaux isolants et en l’équipant avec un groupe froid, suggère Michel Martin. La thermonébulisation est ainsi possible sans avoir de bâtiments sophistiqués avec un réseau de gaines d’aération pour distribuer les produits au cœur du tas ». Habituellement, l’interdiction d’un produit phytopharmaceutique pour des raisons sanitaires entraîne une limitation de la Limite maximale de résidus (LMR) au niveau du seuil de détection (0,01 mg/kg). Mais dans le cas du CIPC, les bâtiments traités sont plus ou moins pollués du fait de la rémanence de la molécule et peuvent contaminer ultérieurement les tubercules. C’est pourquoi l’Union européenne devrait fixer une Limite maximale de résidus temporaire (LMR-t), correspondant à un niveau toléré de résidus dans des tubercules ayant été stockés dans des bâtiments auparavant traités avec du CIPC.

Une LMR temporaire de 0,4 mg/kg ?

Cette LMR-t a été validée par le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (en anglais SCoPAFF) mais doit encore être publiée au Journal officiel européen. « Cette décision permet à la filière de se préparer progressivement aux risques de contamination croisée suite à l’arrêt de l’utilisation du CIPC », peut-on lire dans l’édition du 15 octobre 2020 de Pomme de terre hebdo, le journal du Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT). Fixée à 0,4 mg/kg, cette nouvelle LMR-t devrait être applicable à partir de l’été 2021. Le plan de surveillance des résidus mis en place par les acteurs de la filière au sein de l’ensemble des Etats-membres permettra à la Commission européenne de réévaluer régulièrement la situation et, le cas échéant, de réduire progressivement la LMR-t à mesure de la progression d’une meilleure méthodologie de nettoyage. D’ici l’entrée en vigueur de la LMR-t, la LMR actuelle du CIPC (10 mg/kg) reste en vigueur. « Il y a tout intérêt à bien nettoyer ses locaux de stockage pour se préparer à la baisse de la LMR et faire des échantillonnages pour connaître les teneurs en résidus de sa production après quelques mois de stockage », souligne Michel Martin.

Les quatre solutions encore disponibles

L’hydrazide maléique a été ré-homologué jusqu’en 2032, avec une LMR relevée à 60 mg/kg. Le produit doit être appliqué au champ sur une végétation non sénescente et non stressée, hors période de forte chaleur, lorsque 80 % des tubercules ont un calibre d’au moins 25 mm et au moins 2 à 3 semaines avant le défanage. Cette substance apparaît comme la seule solution à terme pour les bâtiments non adaptés aux thermonébulisations ou diffusions gazeuses. Cependant, sa rémanence antigerminative dans le stockage est variable (conditions d’application, repos végétatif de la variété, conditions de conservation). Pour les conservations de longue durée, des traitements complémentaires en cours de conservation sont nécessaires à des doses le plus souvent réduites.

L’huile essentielle de menthe (Biox M), figurant sur la liste des produits de biocontrôle et autorisée en AB, est appliquée par thermonébulisation ou évaporation à froid. Elle nécrose les germes déjà présents à la surface des tubercules. Il est recommandé d’intervenir lorsque le germe est au maximum au stade point blanc. L’utilisation du système évaporatif Xedavap délivrant de petites doses très régulièrement permet de détruire les jeunes germes dès leur émission. Ce produit n’est pas soumis à LMR, mais il est conseillé d’entreposer les palox traités dans un espace aéré pendant quelques jours avant le conditionnement pour réduire l’odeur sur les tubercules.

L’éthylène, autorisé en AB et non soumis à LMR, est diffusé sous forme gazeuse dans l’ambiance du stockage soit à partir d’une catalyse d’éthanol dans un générateur placé in situ (procédé Restrain), soit à partir de bouteilles de gaz comprimé (procédé Biofresh safestore). Le produit freine la germination et ralentit l’élongation des germes qui adhèrent peu aux tubercules. Sa concentration doit être maintenue à 10 ppm dans l’ambiance du stockage après une montée progressive (procédure slow start) lorsque les tubercules sont secs. Il est recommandé de maintenir la teneur en CO2 en dessous du seuil de 0,5 % durant toute la durée de conservation.

Le 1,4 DMN (produit Dormir commercialisé depuis 2017) est thermonébulisé dans le bâtiment. Il maintient le tubercule dans un repos végétatif et doit donc être appliqué assez tôt après la rentrée des tubercules, une fois que ceux-ci sont parfaitement secs et cicatrisés. Attention aux conditions d’application sur tubercules à peau fine (type chair ferme) : il faut homogénéiser au mieux la température du tas avant traitement et réduire la dose d’application. Les traitements suivants doivent se faire avant l’apparition du stade point blanc, dès qu’un éclaircissement des yeux est constaté. La LMR est fixée à 15 mg/kg avec un délai avant commercialisation de 30 jours. Les écarts de tri ne doivent pas être orientés vers l’alimentation animale.

Source : Arvalis

Pour en savoir plus

Arvalis a organisé durant l’été trois webinaires sur « l’après CIPC », que l’on peut retrouver sur la chaîne Youtube de l’institut, ArvalisTV : « Comment nettoyer son bâtiment de stockage ? », « Alternatives au CIPC : de nouvelles stratégies à bien appréhender » et « L’hydrazide maléique : un allié pour la conservation des pommes de terre ». De plus, Arvalis a publié sur son site internet un article détaillant de nombreux éléments réglementaires et techniques sous forme de questions/réponses : « L’après CIPC : comment s’organiser ».

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