FRAISE
Optimiser le travail des pollinisateurs
En fraise sous serre, la pollinisation par les insectes est une étape parfois problématique de l’itinéraire cultural. Mieux comprendre le fonctionnement d’une colonie de bourdons doit permettre aux producteurs d’identifier la conduite à adopter.
En fraise sous serre, la pollinisation par les insectes est une étape parfois problématique de l’itinéraire cultural. Mieux comprendre le fonctionnement d’une colonie de bourdons doit permettre aux producteurs d’identifier la conduite à adopter.
Une colonie sans reine ne peut fonctionner que dix à quinze jours
ROSELYNE SOURIAU, Savéol Nature
Une bonne pollinisation en culture de fraise est essentielle pour obtenir des fruits bien formés et de bon calibre. On distingue trois principaux vecteurs de pollen : l’auto-pollinisation passive, par simple contact des anthères avec les stigmates d’une même fleur ; les flux d’air, qui permettent le transport du pollen en suspension dans l’air, mais qui sont très réduits sous serre ; et surtout les insectes pollinisateurs, qui assurent le transport du pollen à près de 90 % sous abri fermé. L’apport de pollinisateurs, bourdons ou abeilles, pendant la période de floraison, est donc indispensable. Largement plus répandus que les abeilles pour la pollinisation des cultures sous abris, les bourdons sont utilisés depuis plus de vingt ans. Par rapport aux abeilles, ils présentent comme avantages de sortir de la ruche à des températures plus basses, avec moins de lumière, et d’être acheminés plus facilement, par transporteur. De plus, la mise en place des ruches est plus simple que pour les abeilles, celles-ci nécessitant une disposition bien particulière. Cependant, les bourdons ont aussi l’inconvénient de ne pas visiter les fleurs sans étamines et parfois de surbutiner (voir encadré). « Après réception des ruches de bourdons, il faut les positionner à leur place définitive, à hauteur de la végétation, et attendre au moins une heure avant de les ouvrir », explique Myriam Carmentran-Délias, chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne. Mais l’ouverture ne peut se faire que s’il reste au moins deux heures de jour, afin que les bourdons aient le temps de se repérer avant la nuit. Si ce n’est pas le cas, il faut attendre le lendemain avant d’ouvrir les ruches.
Le pollen, source de protéines pour les larves
Roselyne Souriau travaille pour Savéol Nature, qui produit des colonies de bourdons et étudie leur fonctionnement, dans le but de mettre à disposition des producteurs des éléments pour évaluer leur activité. Dans une ruche, la colonie est constituée d’une reine qui pond des « couches » d’oeufs, et d’ouvrières qui ramènent de la nourriture aux larves situées dans la ruche. Quand toute une couche d’oeufs a éclos, et que les stades juvéniles ont fini leur développement, abandonnant cette couche, la reine pond une nouvelle couche par-dessus. La colonie se développe ainsi en forme de dôme. « Si le coton situé dans la ruche pour protéger le couvain se mélange avec la cire des bourdons, c’est un signe de leur activité, tout comme les coulures jaunâtre sur les parois de la ruche, qui sont les déjections des bourdons, explique Roselyne Souriau. Si le coton est blanc au bout de trois ou quatre semaines, cela traduit un déficit d’activité anormal de la ruche. Mais si le coton est déjà mélangé à la cire lors de la réception de la ruche, cela signifie que la colonie est déjà évoluée et donc qu’elle durera moins longtemps ». La reine est indispensable au fonctionnement de la colonie, qui ne peut fonctionner que dix à quinze jours sans elle. Sans reine, il n’y a plus de nouveaux oeufs, plus de larves à nourrir et donc plus de travail pour les ouvrières et plus de pollinisation. Celles-ci peuvent pondre mais uniquement des mâles, qui n’ont pas pour rôle de nourrir les larves, ce qui va entraîner la fin de la colonie. Par ailleurs, s’il y a une mortalité des bourdons adultes visible autour ou dans la colonie, c’est anormal : il y a soit une maladie au sein de la colonie, soit une intoxication chimique. Pour les bourdons, le nectar est la source principale d’énergie. Mais il leur faut aussi du pollen, qui constitue une source de protéines indispensable pour les larves de la colonie. Les fleurs stériles de début de culture sont donc à supprimer. Même si les fleurs de fraisier contiennent du nectar, il est conseillé de fournir du sirop qui constitue un apport complémentaire de sucre, et donc une sécurité en cas de manque ponctuel de nectar. Si elle manque de nourriture, la colonie sacrifie une partie de ses larves pour favoriser le développement des autres. Les larves sacrifiées sont alors éjectées de la colonie, on peut les observer dans les coins de la boîte.
Entre 60 et 120 ouvrières par colonie
Sur ces bases de fonctionnement, Roselyne Souriau préconise des éléments à vérifier à la réception d’une ruche pour estimer si la colonie pourra polliniser efficacement. Ainsi, une bonne colonie doit comporter une reine-mère, entre 60 et 120 ouvrières (selon la taille de l’abri, la culture concernée et son stade), si possibles assez grosses ; des stades juvéniles équilibrés et réguliers (oeufs, larves jeunes, cocons jaunes, cocons noirs) ; une poche de sirop ; une couche de coton propre pour protéger le couvain ; un système de ventilation de la colonie ; et un système permettant de contrôler la fréquence des sorties. En revanche, certains indices sont des signes d’un mauvais fonctionnement de la colonie. Si la colonie contient des reines filles ou des mâles adultes, c’est qu’elle est en fin de vie. Les reines filles et mâles adultes participent peu à la pollinisation et pas au développement ni à l’entretien de la colonie. Une colonie mal alimentée présente beaucoup de larves éjectées et/ou comporte principalement des ouvrières de petite taille. A l’inverse, s’il y a trop de pollen dans la ruche, sous forme de pâte ou de pelotes, cela signifie que la colonie n’a alors pas un besoin immédiat de ressource et ne sortira pas polliniser tout de suite.
Il est indispensable de faire attention à la compatibilité des traitements phytosanitaires avec les colonies de pollinisateurs. La majorité des fongicides sont compatibles mais nécessitent d’être appliqués en fin de journée, pour éviter un éventuel effet sur la viabilité du pollen. L’utilisation de nombreux insecticides est proscrite pendant le positionnement des ruches et même deux à trois semaines avant ce positionnement en raison de la rémanence des produits. Il faut donc être très attentif aux indications sur les emballages, qui citent généralement l’incompatibilité avec les abeilles, souvent similaire à celle des bourdons. Certains produits peuvent être utilisés mais nécessitent de retirer la ruche pendant le traitement. Il faut alors fermer les ruches, grâce au système de contrôle des sorties qui permet seulement l’entrée dans la ruche, et les déplacer pour les mettre au frais et à l’abri de la lumière.
Le surbutinage, qu’est-ce que c’est ?
Lorsque la ressource en pollen est insuffisante pour les bourdons, ceux-ci « s’acharnent » sur les fleurs et les font vibrer en secouant les anthères pour faciliter le détachement des grains de pollen. Ce comportement, appelé surbutinage, entraîne un bourdonnement caractéristique. Il abîme les organes reproducteurs des fraisiers et peut être à l’origine d’une déformation des fruits, voire d’un avortement des fleurs. Le surbutinage peut être causé par un nombre trop important de bourdons par rapport au nombre de fleurs, ou par une ressource trop élevée en nectar, ou en sirop de sucre, par rapport à la quantité de pollen disponible. Le risque de surbutinage est plus élevé en début de floraison et en période de mauvais temps, lorsque peu ou pas de nouvelles fleurs s’épanouissent. On peut limiter les risques en fermant les ruches pendant deux ou trois jours durant une période de mauvais temps. Un système permettant de contrôler la fréquence des sorties de la ruche contribue aussi à limiter le surbutinage.
Trois autres facteurs clés de la pollinisation
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1 La qualité des fleurs
Des fleurs bien formées sont un prérequis à une bonne pollinisation et donc à des fruits de bon calibre et non déformés. Les fleurs bien formées possèdent de nombreuses étamines, généralement entre vingt et quarante, gonflées et bien jaunes. En revanche, des fleurs mal formées présentent soit des étamines blanches ou noires, ce qui signifie que le pollen n’est pas viable, soit pas d’étamine du tout.
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2 La période de pollinisation
La fleur de fraisier est réceptive sept à dix jours après son ouverture. Il n’est donc pas essentiel que la pollinisation ait lieu immédiatement après l’ouverture. Les ruches doivent commencer à être positionnées lorsqu’on a une fleur pour cinq mètres linéaires. Il est conseillé d’étaler les introductions de ruches au cours de la floraison.
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3 L’environnement
Certaines caractéristiques de l’environnement sont défavorables à la viabilité du pollen et/ ou au travail des insectes : une hygrométrie trop forte (supérieure à 90 %), des températures inférieures à 12°C ou supérieures à 30°C, une luminosité trop faible, une absence ou une trop faible présence de rayonnement ultraviolet.
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