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Nourrir les villes en 2050 : une équation complexe

Les fermes verticales font le buzz dans l’actualité et dans la filière. Mais, face au développement de la population urbaine en 2050, ce n’est peut-être pas la solution la plus pertinente.

Selon le département des Affaires économiques et sociales (Desa) de l’ONU, 2,5 milliards de personnes supplémentaires habiteront dans les villes d’ici 2050, soit deux habitants de la Terre sur trois. En France, selon une étude de l’Insee datant de 2017, d’ici 2050, la population augmenterait dans toutes les régions (hormis en Guadeloupe et en Martinique), la population parisienne intra-muros devrait se situer entre 2,1 et 2,2 millions d’habitants, et il est prévu que 6,7 millions de personnes résident dans la petite couronne. Comment alors assurer l’approvisionnement alimentaire de telles mégapoles ? L’agriculture urbaine se veut être une réponse à la question. Les projets, souvent portés par les municipalités, se multiplient. Ainsi, une ferme urbaine va être aménagée sur le toit du futur Pavillon 6 du Parc des Expositions de la porte de Versailles à Paris en cours de reconstruction. Avec une surface de 14 000 m2, cette « méga ferme », prévue pour le courant 2020, proposera la vente directe de fruits et légumes, un restaurant et à terme, la livraison de paniers et l’approvisionnement de la restauration collective. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres dans la capitale.

Ne pas négliger l’agriculture périurbaine

Côté projets, y aurait-il un risque de surchauffe, d’autant plus que les investissements peuvent être conséquents ? « Quel que soit le modèle économique adopté, il faut qu’il soit robuste. Il faut éviter de s’emballer. Je ne suis pas convaincu de la viabilité au long terme de serres urbaines produisant des micropousses à 100 €/kg. Certains projets sont séduisants pour un ingénieur, mais l’agriculture urbaine reste un métier qualifié », prévient d’emblée Nicolas Brulard, expert-conseil Agricultures urbaines et Smart City pour Les Jardins de Gally.

Les difficultés rencontrées par le projet tourangeau des Jardins perchés (776 m2 sur le toit d’une nouvelle résidence) à trouver un maraîcher professionnel pour le gérer en sont un exemple. On peut aussi s’interroger lorsque certains projets parisiens de serre en hydroponie annoncent des rendements supérieurs à l’agriculture traditionnelle. « Certaines villes engagent des projets de serres urbaines, hypertechnologiques, alors qu’une agriculture périurbaine existe à une dizaine de kilomètres. C’est limite dangereux pour la filière. Et surtout, cela risque de déconnecter projets urbains et agriculture traditionnelle », poursuit Nicolas Brulard.

Si les fermes verticales se développent en Asie, c’est parce que la production agricole périurbaine y est quasi inexistante, ce qui n’est pas le cas pour les métropoles françaises.

Impact sur les pratiques d’achat

Les Jardins de Gally sont engagés dans plusieurs projets d’agriculture urbaine et Nicolas Brulard reconnaît la complexité de la mise en œuvre. « Le sujet est à la fois simple sur le papier, mais compliqué à mettre en œuvre, pour des raisons réglementaires, financières…, ce qui est souvent dissuasif. L’idée est de développer des guides de bonnes pratiques, fondés sur les expériences et le coaching des parties prenantes. Pour 2020, nous accompagnons quatorze projets pilotes dans toute la France. Par exemple, le projet Symbiose à Nantes, dont les travaux viennent de débuter, consiste en l’installation d’une serre de 400 m2 sur le toit d’un immeuble de vingt-quatre logements dans le nord de la ville. La serre permettra de chauffer l’eau chaude sanitaire. Nous participons aussi à un projet à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) d’une installation de 360 m2 sur le toit d’un immeuble de bureau, une serre à vocation 100 % production. »

Jardins de Gally est aussi impliqué avec la distribution. En Rhône-Alpes, un supermarché va installer cette année une serre horticole de 400 m2 directement dans la zone de vente. Les équipes fruits et légumes du magasin vont suivre une formation spécifique. Cette serre produira tomates et verdures, se démarquant d’autres réalisations similaires du type InFarm. Et Nicolas Brulard de préciser : « Dans cette serre, des variétés locales seront cultivées et un partenariat avec des producteurs locaux sera initié. C’est une démarche qui peut avoir un impact sur de nouvelles façons de penser les achats au quotidien ».

« Engager des projets de serres urbaines, hypertechnologiques, alors qu’une agriculture périurbaine existe à une dizaine de kilomètres, c’est limite dangereux pour la filière » : Nicolas Brulard (Jardins du Gally)

L’Europe se penche sur les serres urbaines

Le programme européen des Serres sur les toits pour réduire les émissions de CO2 développe une approche pour diminuer les émissions de CO2 dans les secteurs du bâtiment et de l’agriculture en combinant le partage d’énergie et la production alimentaire locale. L’idée est d’utiliser la chaleur non consommée par l’immeuble qui supporte une serre de toit pour la production de légumes. « C’est un peu l’opposé de la ferme verticale qui ne vise pas une valorisation totale, en utilisant par exemple des LED, chères et peu environnementales », note Nicolas Brulard.

Quatre pilotes sont en cours d’expérimentation. Il s’agit aussi de réduire les obstacles à l’accès aux marchés (règles d’urbanisme, règlements techniques, assurances, etc.). Les résultats sont partagés avec les communautés cibles (autorités publiques, PME et grandes entreprises, centres de recherche).

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