Noix : la gamme variétale va s’élargir
Trois nouvelles variétés françaises de noix sont actuellement en phase d’inscription au catalogue européen et seront disponibles dans quelques années.
Trois nouvelles variétés françaises de noix sont actuellement en phase d’inscription au catalogue européen et seront disponibles dans quelques années.
L’offre variétale de noix va s’enrichir de trois nouveautés. En effet, la station expérimentale nucicole de Creysse, dans le Lot, a lancé récemment une démarche d’inscription européenne pour trois variétés, après un processus de sélection de longue haleine. Elles sont issues des travaux de création variétale de l’Inra de Bordeaux, initiés à la fin des années 1970. En effet, depuis sa création en 1987, la station de Creysse implante les hybrides de l’Inra pour les étapes suivantes de la sélection variétale (voir encadré). Seize sont actuellement au niveau 2 sur la station. « Le niveau 2 correspond à une observation de leur comportement en situation de verger, explique Eloïse Tranchand, ingénieure chargée d’expérimentation à Creysse. Une trentaine d’arbres est implantée pour chaque variété. Cette étape nous permet de déterminer la meilleure conduite possible pour chacune. » Les trois variétés retenues pour le processus d’inscription sont également plantées chez une vingtaine de producteurs demandeurs, sur les deux principaux bassins de production français. La Senura assure le suivi chez les producteurs du bassin du Sud-est. Les variétés ne possèdent pas encore de noms autres que leur numéro de sélection : 118-13 est issue d’un croisement Fernor x Chandler ; 99-108, Franquette x Chandler et 131-61, Fernor x Shinrei (variété japonaise, issue des prospections réalisées par Eric Germain à l’Inra).
Un potentiel de production entre 4 et 5 t/ha
Ces trois variétés ont été sélectionnées pour répondre aux besoins spécifiques des producteurs français. « Nos principaux critères de sélection sont le niveau de précocité au débourrement, la productivité (au moins 4 t/ha) et la tolérance aux maladies, énumère Eloïse Tranchand. On recherche des variétés au débourrement assez tardif pour éviter les risques de gel à la floraison en cas de gel de printemps, comme ça peut être le cas pour les variétés américaines qui sont adaptées au climat californien. L’idéal est d’avoir un débourrement qui intervient entre celui de Lara et celui de Franquette. On vise aussi une récolte pas trop tardive, pour avoir de meilleurs prix et des conditions de récolte pas trop compliquées. » Parmi les critères plus secondaires, il y a le calibre, idéalement gros pour le marché de la noix coque, ainsi que la facilité de casse et le rendement en cassage (poids du cerneau/poids total à l’origine) pour le marché du cerneau. Mais aussi la couleur du cerneau, qui doit être le plus clair possible pour mieux se vendre. Enfin, la rapidité de mise à fruit de l’arbre doit être de préférence plus proche de celle de Lara, trois ans, que de celle de Franquette, sept à huit ans. Sur tous ces critères, les trois variétés se comportent plutôt bien. Elles montrent tout d’abord un bon potentiel de production, respectivement 4 t/ha, 4,5 t/ha et 5 t/ha. Mais ces chiffres sont à prendre avec précaution car ils ont été obtenus au niveau 1 de la sélection, c’est-à-dire à partir de seulement trois arbres par variété. Leur tolérance aux maladies est bonne, avec au pire une sensibilité moyenne pour certaines maladies.
Une mise à fruit rapide de même type que Lara
Concernant la précocité, les trois ont des physiologies différentes, « ce qui est intéressant pour disposer d’une gamme variétale en verger », note l’ingénieure de la station Creysse. 131-61 a un cycle plutôt long. Son débourrement a lieu assez précocement, en même temps que celui de Lara, mais elle se récolte plutôt tardivement, en même temps que Franquette. Les deux autres variétés sont plus tardives. 99-108 débourre et se ramasse environ quatre jours après Franquette. 118-13 a un cycle très intéressant. Son débourrement est calé sur celui de Franquette, mais sa récolte a lieu cinq à sept jours avant elle. Elle est donc moins sujette au risque de gel de printemps, tout en étant présente tôt sur le marché de la noix. Les trois variétés ont une mise à fruit rapide, de même type que Lara. Au niveau des fruits, 131-61 et 118-13 montrent plutôt des gros calibres bien adaptés au marché de la noix de table, avec respectivement 95 % et 88 % de +32. Le calibre de 99-108 est quant à lui moyen, tout en étant plus gros que celui de Franquette. On compte environ 75 % de +32. Cette variété montre un bon rendement en cassage de 47 %, ce qui peut l’orienter vers le marché du cerneau. La couleur des cerneaux est bien claire pour les trois hybrides avec plus de 80 % de cerneaux extra. « Bien qu’elle soit un peu moins productive et plus précoce que 118-13, je souhaite attirer l’attention sur l’apparence de 131-61. Cette noix a un plus sur l’aspect visuel, note Eloïse Tranchand. Elle est bien ovale et bien lisse et se nettoie facilement. Je pense qu’elle peut vraiment plaire au consommateur sur le marché de la noix coque ». 118-13 a un aspect plus bosselé et rugueux. 99-108 est de forme plus classique, elle ressemble à la fois à Franquette et Chandler. Si ces trois variétés sont très prometteuses, il faudra encore être patient pour pouvoir les planter. La démarche d’inscription au catalogue officiel des espèces et variétés est à peine entamée et durera encore quatre à cinq ans. L’examen de DHS (Disctinction, homogénéité, stabilité) est en cours en Espagne.
Une station pour la sélection
Parmi les deux stations nucicoles françaises, Senura (Isère) et Creysse (Lot), la première est plus spécialisée dans la recherche et l’expérimentation sur les problèmes phytosanitaires, tandis que la deuxième travaille spécifiquement sur le matériel végétal. Les responsables professionnels du Sud-ouest ont créé la station de Creysse en 1987 afin d’accompagner la relance des plantations en variétés traditionnelles, et à terme des nouvelles variétés. La station a permis d’implanter dès 1988 les premiers hybrides issus du programme de création variétale engagé par l’Inra de Bordeaux en 1977, sous la direction d’Eric Germain. En trente ans, 2 600 hybrides de noyers ont été créés dans le cadre de ce programme. En 2009, après le désengagement complet de l’Inra sur la création variétale de noix, la profession s’est mobilisée pour que la station de Creysse continue à travailler sur la sélection, via une demande de l’AOP Dynamic Noix. La dernière vague d’hybrides de l’Inra a été récupérée en 2016 et implantée en 2017 à la station. « La station de Creysse est un des rares pôles de recherche variétale dans le monde, et le seul en Europe, indique Eloïse Tranchand. Son existence est cruciale pour trouver des variétés adaptées à nos conditions de cultures (pédo-climatiques, réglementations, configuration des exploitations, etc.) puisque nous constatons que les variétés californiennes, issues des travaux du plus grand pôle de recherche sur la noix au niveau mondial, sont très mal adaptées à nos conditions. »