AG d’Aprifel 2/3
Néophobie alimentaire : pourquoi certains enfants rejettent-ils catégoriquement les légumes ?
Jérémie Lafraire, chercheur en sciences cognitives à l’Institut Paul Bocuse, explique les raisons cognitives de ce phénomène de rejet alimentaire qui apparaît chez les enfants entre 3 et 6 ans, particulièrement pour les légumes. Des solutions sont à explorer pour faire aimer les légumes.
Jérémie Lafraire, chercheur en sciences cognitives à l’Institut Paul Bocuse, explique les raisons cognitives de ce phénomène de rejet alimentaire qui apparaît chez les enfants entre 3 et 6 ans, particulièrement pour les légumes. Des solutions sont à explorer pour faire aimer les légumes.
La néophobie alimentaire, c’est ce phénomène bien connu -mais mal compris- de rejet de certains aliments par les jeunes enfants, entre 2 et 6 ans. Le rejet s’observe avant même la mise en bouche de l’aliment, il repose donc sur l’aspect visuel. Mais pourquoi ce phénomène ne concerne-t-il que certaines catégories d’aliments, en particulier les légumes ?
Jérémie Lafraire, chercheur en sciences cognitives à l’Institut Paul Bocuse, a apporté des éléments de réponse lors d’un débat passionnant à l’assemblée générale d’Aprifel, l’Agence pour la recherche et l’Information en fruits et légumes, le 13 juin, autour des changements possibles des comportements alimentaires dans un monde de turbulences.
L’aspect d’un légume va changer selon comment on le cuisine, et c’est perturbant
Jérémie Lafraire et son équipe ont montré que ce phénomène s’exprimait davantage chez les enfants ayant le moins de connaissances ou des mal-connaissances sur ces aliments. « Avant 2 ans, le choix d’un aliment repose sur les indices sociaux : ce que me donne à manger papa ou maman, etc., explique le chercheur. Après 2 ans, le choix est basé sur la reconnaissance. Or l’aspect d’un fruit ou d’un légume va changer selon son mode de présentation. Les enfants présentant le plus de néophobies alimentaires sont ceux qui ont un déficit de connaissances alimentaires le plus élevé. »
Il s’agirait donc de présenter à l’enfant l’aliment sous toutes ses formes culinaires, modes de présentation et degrés de maturité. Et bonne nouvelle : ça marche aussi avec des images et des films, pas uniquement “en vrai” lors de sessions cuisine. Jérémie Lafraire a testé avec succès des sets de table éducatifs à la cantine, que les enfants pouvaient regarder en attendant l’arrivée des assiettes. « Il s’agit bien de multiplier les angles d’attaque, tout est bon à prendre ! », revendique-t-il.
Des programmes nutritionnels adaptés au contexte et des publicités “inférences”
En sachant dans quel contexte l’aliment est accepté (j’aime les huîtres mais pas au petit déjeuner), et en s’intéressant au niveau et type de connaissances qui peuvent être assimilées selon l’âge de l’enfant, on peut bâtir des programmes nutritionnels adéquats et utiles.
Par ailleurs, l’explication plutôt que l’information brute induit des changements beaucoup plus durables. « Cette application des inférences dans le domaine de la publicité fonctionne ! », approuve Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France, lors de la présentation de Jérémie Lafraire.
* L’inférence correspond à une opération logique de déduction qui consiste, à partir d’indices présents, à rendre explicite une information.