Melon et pastèque : 12 différences essentielles
Des critères de choix variétaux à la récolte, la pastèque (« Citrullus lanatus ») et le melon (« Cucumis melo ») cultivent des ressemblances mais aussi de nombreuses différences. Le point avec quatre experts de ces productions.
Des critères de choix variétaux à la récolte, la pastèque (« Citrullus lanatus ») et le melon (« Cucumis melo ») cultivent des ressemblances mais aussi de nombreuses différences. Le point avec quatre experts de ces productions.
1 Quels sont les critères de choix pour les variétés ?
Le choix des variétés ne repose pas sur la même logique. La saison de consommation de la pastèque étant plus courte, elle n’a pas la même problématique d’étalement de la culture. « En melon, on change de variété tous les quinze jours ou trois semaines pour être toujours dans le bon calibre en fonction de la date de plantation. En pastèque, on met en général la même variété du début à la fin, c’est une stratégie du producteur », compare Lilian Pradel, spécialiste des cucurbitacées de Syngenta. « Globalement, les variétés de pastèque sont adaptées à toutes les dates de plantation », ajoute Madeleine de Turckheim, responsable pôle maraîchage et bio à SudExpé.
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Autre particularité de la pastèque, son marché est segmenté par taille et la présence ou non de pépins. Selon les clients finaux on optera pour des variétés sur le créneau 1 à 3 kilos ou 2 à 5 kilos et pourvues de pépins, micro-pépins ou sans pépins. « En melon, l’objectif est clairement le calibre 12 pour l’immense majorité des cas. Les variations de l’offre sont donc uniquement subies », souligne Xavier Dubreucq, conseiller technique et formateur en maraîchage.
La couleur de la chair de la pastèque, aujourd’hui essentiellement rouge, pourrait devenir à l’avenir un critère de choix de plus avec l’amélioration gustative des variétés à chair jaune.
2 La pastèque a-t-elle des besoins différents en sols et fertilisation ?
« La pastèque est plus flexible quant au type de sol car moins sensible aux variations d’irrigation. Les sols plus légers et sableux lui conviennent. Le melon a besoin de sols plus lourds, plus consistants, considère Xavier Dubreucq. Les ordres de grandeur en matière de fertilisation sont comparables en NPK. » Madeleine de Turckheim note que la pastèque est beaucoup plus sensible au manque d’azote que le melon. En pastèque, Lilian Pradel évoque « 50 à 100 unités d’azote en fumure de fond et en culture, 50/60 unités dont une partie après la reprise sous forme de MAP en deux fois ». Emmanuel Dorel, responsable du développement chez Prosem, souligne « qu’il ne faut pas réduire trop la potasse car ça a un impact sur le goût ».
3 Le greffage est-il une pratique commune ?
Une pastèque ou un melon se greffent sur les mêmes variétés de courge. Les objectifs du greffage sont les mêmes en melon et pastèque : meilleure reprise en condition froide pour une récolte plus précoce, meilleure vigueur, meilleure résistance aux maladies du sol, rendement supérieur. La problématique de vigueur est particulièrement importante en pastèque pour apporter du rendement, de la qualité et protéger la plante des coups de soleil, le greffage est donc un choix important. La densité de plantation sera adaptée. Lilian Pradel indique 4 500 à 5 000 plants par hectare de pastèque avec des plants greffés mais 6 500 à 9 000 plants par hectare avec des plants francs.
En pastèque, le choix a tendance à être le même du début à la fin de la saison alors qu’en melon, selon le moment de plantation, la stratégie peut être de partir en précoce sur des plants greffés sous abri ou en plein champ puis d'opter ensuite pour du plant franc.
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Un point non négligeable, signalé par Xavier Dubreucq, « le greffage de pastèque sur courge n’apporte pas d’arrière-goût végétal comme ça peut être le cas selon les contextes de production et les techniques culturales pour le melon ».
4 La pratique en matière d’abris est-elle comparable ?
Selon les données Agreste de 2024, en France métropolitaine, il y avait 12 805 hectares de melons en plein air et 495 hectares sous serre. Xavier Dubreucq indique que « la culture sous-abri existe à la marge pour la pastèque. C’est plus technique parce qu’il faut gérer la vigueur de la pastèque greffée mais on y arrive en surveillant avec attention les facteurs culturaux (eau, azote, chaleur) ».
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5 Quelles différences pour la plantation ?
Une butte aussi large en pastèque qu’en melon est préconisée. « La densité sur le rang et l’espacement entre les rangs est comparable. Les paillages utilisés sont similaires et choisis en fonction des dates de plantation, les tracteurs sont les mêmes », énonce Madeleine de Turckheim.
Elle indique que la pollinisation « est un point de vigilance pour la pastèque car son pollen est moins attractif que celui du melon ». Elle suggère de positionner 4 à 6 ruches à l’hectare.
Pour les plantations précoces, Lilian Pradel signale que « les paillages opaques cristallins sont efficace pour réchauffer et créer un environnement favorable mais ils sont plus onéreux ».
6 Est-ce que l’on raisonne la couverture de la même façon ?
La pastèque est frileuse, soulignent tous les experts interrogés. « En condition froide, elle va vite se bloquer et si elle commence mal, elle finit rarement correctement », prévient Emmanuel Dorel. Il pointe que si le melon a besoin de 18° C pour germer pour la pastèque c’est plutôt proche de 30 °C. « Nous ne sommes donc pas à l’abri d’avoir des soucis de germination. » La gestion de la température est donc un travail particulièrement crucial en pastèque. « La première phase avant floraison, il faut obtenir le maximum de végétation pour accompagner et protéger les fruits du soleil. La Sugar baby, avec sa couleur noire, est particulièrement sensible aux coups de soleil. Il faut vraiment suivre un protocole d’accompagnement pour faire de la végétation. Cela évite par la suite d’avoir beaucoup de seconds choix », développe Emmanuel Dorel.
« Pour la couverture, le niveau de thermicité se gère en fonction de la date de plantation. Il faut des plastiques de performance thermique supérieure pour la pastèque qui est plus exigeante en chaleur que le melon », abonde Xavier Dubreucq.
Attention toutefois aux dangers de brûlure sous couverture. « En cas de fort rayonnement lumineux, même en mars-avril il faut passer pour ouvrir les plastiques pour ventiler lorsqu’il y a un trop plein de chaleur à l’intérieur de la chenille et ce, assez rapidement après la plantation. Une chaleur trop importante sous le plastique de protection peut déshydrater le plant et le tuer », expose Lilian Pradel. Arceaux ou pas ? Il estime qu'en mars (très précoce), en précoce et en mi saison, en melon et en pastèque, la pose d'arceaux est obligatoire. Plus tard, « en pastèque on peut poser directement car elle court au sol et elle est moins gênée que le melon », remarque Madeleine de Turckheim.
Lilian Pradel note que dans l’Ouest, on peut ne pas couvrir en plein été mais pas dans le Sud-Est, « pour cause de protection sanitaire face à la menace des virus MWMV et WMV, car une barrière mécanique protège des pucerons qui véhiculent ces virus. ».
7 Quels points communs pour la gestion de l’irrigation ?
La pastèque a besoin de 3 000 à 4 000 m3 d’eau par hectare sur la durée de culture. « Le melon est plus délicat en termes d’irrigation. La recette d’arrosage est complexe avec un risque de vitrescence, fente, perte de sucre en cas d’irrigation pour un retour au confort hydrique après une période de rationnement, explique Xavier Dubreucq. La pastèque répond mieux aux écarts d'arrosage. » Emmanuel Dorel considère qu’il faut de l’eau jusqu’à la nouaison et qu’ensuite, il en faut moins.
« Les besoins au départ sont les mêmes pour favoriser le développement racinaire », pose Lilian Pradel. Il recommande d’intégrer le fait que la pastèque démarre doucement son cycle de grossissement après que la fleur a été fécondée puis accélère fortement sur la fin. Cette période de grossissement des fruits est sensible. « Un excès d’eau amènera un éclatement des fruits. C’est beaucoup plus fréquent en pastèque qu’en melon », prévient Madeleine de Turckheim.
Réduire fortement l’irrigation avant récolte est pratiqué pour la pastèque pour avoir une chair d'une bonne tenue, plus goûteuse et une bonne conservation. « Ça n’est pas conseillé pour le melon », considère Madeleine de Turckheim.
8 La pastèque est-elle plus résistante à la chaleur ?
On pourrait imaginer la pastèque plus résistante à la chaleur compte tenu de ses origines, mais c’est à relativiser. Pour Xavier Dubreucq, l’été 2025 a illustré une différence importante entre les deux cucurbitacées dans un contexte de très forte chaleur. « Avec les deux épisodes de canicule, on a eu beaucoup plus de cas de coups de soleil en pastèque qu’en melon. La pastèque y est beaucoup plus vulnérable, il faut être vigilant. Nous avons des solutions, le talc et l’argile donnent de bons résultats ».
Madeleine de Turckheim rappelle que face au stress hydrique, qui arrive en juillet-août, « la capacité de résistance du plant dépend de sa qualité avant, notamment de la qualité d’implantation. C’est tout le travail antérieur qui va compter ». Elle indique que ce stress peut induire des fruits farineux.
Comme en melon, quand les nuits et journées sont chaudes, le cycle de la pastèque se raccourcit. « En fonction des variétés, la pastèque plantée en mars aura un cycle de 85 jours, mais en été on passe à moins de 70 jours. C’est identique en melon », informe Lilian Pradel. Un cycle plus court limite les risques sanitaires.
9 La pastèque rencontre-t-elle les mêmes problèmes sanitaires ?
Pour Xavier Dubreucq, « la pastèque est moins sensible au mildiou mais plus à l’alternaria que le melon. Elle est très sensible aux pucerons. Aucune variété disponible n’est tolérante alors que le melon dispose de nombreuses variétés tolérantes permettant de réaliser des traitements anti-pucerons plus occasionnels ». Il alerte également sur le fait qu’elle « est hypersensible aux acariens. Le Sud-Ouest et le croissant méditerranéen sont particulièrement touchés. Il faut être très vigilant. Nous attendons des homologations de produits car l'usage est mal pourvu ». Les acariens sont favorisés par les conditions sèches, la poussière et l’air très sec.
Madeleine de Turckheim note qu’en bio, on arrive mieux à gérer le puceron dans un contexte de biodiversité avec des plantes auxiliaires mais qu’il n’y a pas grand-chose pour lutter efficacement contre l’acarien.
Comme le melon, la pastèque craint l’oïdium. « En melon nous avons des résistances génétiques. En pastèque nous avons la résistance Px 1 tandis qu’en melon on a 1, 2, 3, 3.5 et 5 pour ce qui est des races officielles. » Dans la liste des problèmes sanitaires potentiels, il cite aussi la bactérie Xanthomonas, la fusariose, les virus WMV et MWMV et la verticilliose sur sols froids. Xavier Dubreucq observe que « la pastèque est très sensible à la fusariose alors que pour le melon, il y a consensus pour constater qu'elle est moins un sujet qu’avant, même avec des variétés sensibles sur des terroirs à risque ».
S’il y a inversement un problème que rencontre le melon mais pas la pastèque, c’est la grillure physiologique. « Ce problème non parasitaire est favorisé lorsque la plante ne trouve pas en instantané du calcium dans sa sève, elle va le puiser dans les feuilles. Certaines variétés sont plus armées vis-à-vis de ce risque. L’équilibre se rétablit par la fertilisation au sol et en foliaire. »
10 Tenir le calibre, est-ce plus difficile en melon ou pastèque ?
Les experts interrogés estiment qu’en pastèque, les variétés sont plus stables en termes de calibres et donc qu’il est plus facile qu’ils soient homogènes. Lilian Pradel rappelle « qu’un excès d’irrigation peut avoir avoir une incidence sur le calibre, de même qu’en greffant une pastèque nous pouvons avoir un calibre plus fort ».
11 Au moment de la récolte, quelles distinctions ?
Le rendement à l’hectare peut être jusqu'à deux fois plus élevé en pastèque qu’en melon. « Il est très variable en fonction, par exemple, du calibre de la variété, du créneau de plantation, du mode opératoire (greffé ou franc) », relève Lilian Pradel.
Les signes de maturité les distinguent. Pour la pastèque c’est la vrille que l’on surveille. « Bien récolter la pastèque n’est pas si simple que ça. Nous pouvons avoir comme sur le melon des signes de maturité avec la vrille et la petite feuille qui se dessèchent. Selon les variétés, la vrille doit être à 50 % sèche pour d‘autres, à 100 %. Mais au sud de la France, avec les fortes chaleurs, les signes de maturité sont faussés. La vrille n’est pas sèche mais la maturation du fruit a été accélérée par la forte température », prévient Emmanuel Dorel. L'autre repère est le point de contact avec le sol qui devient jaune.
Une fois mûre, la pastèque peut attendre sur pied. Elle peut être récoltée une fois par semaine là où le melon requiert des passages quotidiens ou tous les deux jours.
12 Leurs conditions de conservation sont-elles identiques ?
Après récolte, il faut isoler la pastèque du melon. D’abord parce que leurs températures de conservation se distinguent : pour la pastèque, 15 à 16 °C et pas en dessous de 9 °C, ce qui altérerait la chair ; pour le melon, 6 à 9 °C. Autre raison, la pastèque n’a pas de crise climactérique c’est-à-dire de dégagement d’éthylène, à la différence du melon. À noter que la pastèque à pépins se conserve moins bien, pointe Lilian Pradel, « car les pépins produisent de l'éthylène, qui est l'hormone du mûrissement. Les sans pépin se gardent 15 jours mais on les teste sur 21 jours de conservation. Les micro-pépins c’est entre les deux ». Madeleine de Turckheim signale que « les variétés de melon les plus performantes se conservent jusqu’à dix jours maximum. En pastèque, c’est trois semaines ». Est-ce un avantage pour faire face à des périodes de faibles demandes ? Pas forcément. « Si le marché plante plusieurs semaines, ça ne résout rien », constate-t-elle.
En pastèque, ce qu’implique le choix du sans pépins
Opter pour du sans pépins suppose de trouver une solution pour la pollinisation car les variétés sont triploïdes et stériles. « On les pollinise avec des variétés spécifiques appelées pollinisatrices qui ont des fruits non comestibles mais qui produisent pléthore de fleurs mâles ou bien avec des variétés autofertiles avec pépins ou micro-pépins qui seront récoltées et vendues elles aussi. Il y a les deux écoles », résume Lilian Pradel. En découlent des problématiques d’espace et d’organisation de la récolte. Il faut prévoir un plant tous les quatre plants ou un rang de variété pollinisatrice pour trois rangs. « Un pollinisateur qui ne fait que polliniser, ça prend de la place. Ça demande beaucoup plus de vigilance pour ne pas avoir des problèmes de lots », pointe Madeleine de Turckheim.