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Prune : cap sur la réduction des phytos

Le Cefel a montré qu’une réduction des pesticides de synthèse était possible en prune américano-japonaise mais avec un coût de protection bien supérieur.

Les bâches antipluies sur verger de prune américano-japonaise ont fortement diminué la production dans l'essai du Cefel.
© Cefel

« Nous avons testé pendant quatre ans la possibilité de réduire les produits phytosanitaires de synthèse sur un verger d’un hectare de prune américano-japonaise September Yummy, annonce Emile Koké du Cefel (Tarn-et-Garonne). L’indice de fréquence de traitement (IFT) chimique a pu être divisé par près de quatre en moyenne sans pénaliser le rendement. » Mais les interventions chimiques ont souvent été remplacées par des produits de biocontrôle. Plus chers et renouvelés plus souvent, ils ont augmenté le coût de la protection sanitaire. Cette expérimentation, terminée en 2018, incluse dans le projet Cap Red (Cerisier Abricotier Prunier Réduction des intrants et Durabilité des systèmes de production) comparait une modalité classique conduite en PFI (Production fruitière intégrée) et une modalité Cap Red où les intrants ont été réduits au maximum dans la gestion simultanée de plusieurs bio-agresseurs. La modalité Cap Red était couverte en filets Alt’Carpo monoparcelle, et sous confusion sexuelle contre les lépidoptères. Le désherbage et l’éclaircissage étaient mécaniques. Des barrières physiques de type argile ont été utilisées contre le psylle vecteur de l’ECA. Enfin des bâches antipluies ont été mises en place sur une partie de la modalité pour tester leur impact sur les bactérioses et les monilioses.

Les bâches antipluies ne sont pas concluantes

La diminution la plus drastique a concerné les fongicides de synthèse. Sur la modalité Cap Red, les deux fongicides réalisés habituellement sur la fleur ont été substitués par des applications de soufre complémentées par de l’utilisation de Bacillus amyloliquéfaciens (Amylo X). Aucun dégât de monilia fleurs et rameaux n’a été observé sur toute la durée de l’essai. « Même si la variété n’est pas parmi les plus sensibles, elle reste sujette au monilia sur fleurs et ces bons résultats de la stratégie au soufre sont intéressants, d’autant qu’ils se confirment sur plusieurs années », indique le technicien prune. Les bâches antipluies ont en revanche clairement donné de mauvais résultats. Elles ont été installées plusieurs années sur une partie de la modalité Cap Red pour lutter contre les criblures bactériennes et les monilioses. En 2016, elles ont été déployées après la floraison. « Il a été noté une réduction des criblures sur feuilles dans la partie sous les bâches », souligne l’expérimentateur. Mais elles ont très nettement pénalisé la productivité du verger puisque le rendement a diminué de 40 %. En 2017, pour pallier ce problème, une partie des bâches a été déployée fin juillet seulement. La production a été normale à cet endroit mais sans effet sur le monilia et les criblures.

Stratégie lépidoptères alternative intéressante

Dans la lutte contre le carpocapse des prunes et la tordeuse orientale, la stratégie de la parcelle Cap Red a montré de bons résultats en 2016 et 2017. En 2018, la très faible charge suite au gel n’a pas permis de réaliser des notations sur fruits. Sur la partie Cap Red, les filets Alt’Carpo ont été fermés après la fleur et la confusion sexuelle a été mise en place. Les pics d’éclosions ont ensuite été couverts avec des produits de biocontrôle à base de Bacillus thuringiensis ou de virus de la granulose à deux ou trois reprises sur la saison. Sur la partie PFI, la confusion sexuelle a également été mise en place à partir de 2017 et complétée par deux insecticides chimiques en moyenne. A la récolte, les résultats sont moyens en 2016 mais très bons en 2017 sur une variété tardive et donc plutôt attractive pour les lépidoptères. « La stratégie alternative sans aucune intervention chimique paraît donc intéressante, mais l’absence de témoin non traité dans ce type de dispositif nécessite de la précaution dans l’interprétation », pointe Emile Koké.

ECA : catastrophique en l’absence de pyrèthre !

« La gestion de l’ECA, transmise par le psylle, sans traitement chimique a été le plus gros échec de l’essai », continue le spécialiste. Sur la modalité Cap Red, les barrières physiques de type argile ou BNA (badigeon naturel à l’ancienne) ont été appliquées pendant les trois premières années du verger. Tandis que sur la modalité PFI, deux pyrèthres encadraient la floraison. « Après la phase de latence que l’on connaît pour l’ECA, le pourcentage d’arbres malades côté Cap Red a explosé en 3e feuille, se désole le technicien. Si on cumule les arbres arrachés pour l’ECA en 2016 et 2017, on arrive à 30 % de mortalité pour les protections en barrières physiques contre seulement 0,2 % sur la modalité traitée aux pyrèthres. » Au vu de ces résultats, en 2017, les insecticides contre le psylle ont donc été rajoutés dans la stratégie Cap Red. « La réduction des produits phytosanitaires est très dangereuse pour la gestion de l’ECA très impactant en verger de prunier japonais. Cette problématique reste par ailleurs le premier frein pour la conduite en agriculture biologique du prunier japonais », conclut Emile Koké.

Désherbage mécanique concluant

L’enherbement a été géré mécaniquement sur la partie Cap Red avec l’outil Humus Interplanet, équipé de fraises, qui réalise un travail du sol superficiel et d’une partie rotofil en complément. Aucun herbicide chimique n’a donc été appliqué hormis la première année du verger. Sur les trois années d’utilisation de l’outil, deux passages par an en moyenne ont été nécessaires. Le résultat est satisfaisant avec un rang propre à la récolte. Sur la partie PFI, deux à trois herbicides ont été réalisés chaque année. En comparaison avec la modalité Cap Red, il s’agit de 0,6 à 1 point d’IFT économisé pour cette dernière (deux à trois traitements sur un tiers de la surface du verger car seul le rang est désherbé).

En 2017, l’année la plus représentative d’une situation normale et avec de très bons résultats phytosanitaires à la récolte, l’IFT chimique était de 14 en PFI contre trois en Cap Red. En revanche, cet IFT chimique a été complété par 13 points d’IFT de biocontrôle. « Cette diminution d’IFT a été bien supportée depuis 2015 pour la gestion des adventices, des lépidoptères et du monilia, conclut Emile Koké. En revanche, elle n'est pas concluante pour la gestion de l’ECA. Avec le recul, il semble que ces applications de biocontrôle auraient pu être allégées sans grande conséquence pour le verger. »

Fertirrigation et santé du feuillage… difficile de conclure

Dans la modalité Cap Red, le verger était équipé de fertirrigation. Le premier apport d’engrais est donc intervenu en même temps que le démarrage de l’irrigation, donc plus tard et beaucoup plus fractionné que sur la modalité PFI fertilisée classiquement. D’autre part, sur la modalité PFI, un engrais foliaire a été appliqué alors que côté Cap Red, c’est un produit à base de Bacillus amyloliquefaciens préventif contre les bactéries et les champignons qui a été utilisé en foliaire. Plusieurs raisons expliquent donc les quelques différences d’aspects du feuillage. Il est ainsi difficile de conclure de l’intérêt de la fertirrigation à proprement parler.

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