Les Voix agricoles : « L’objectif de l’association est de faire émerger des témoignages individuels d’agriculteurs pour dépolariser le débat »
Marine Colli, consultante engagée en faveur de l’agriculture durable, a cofondé l’association Les Voix agricoles, avec les agriculteurs Bruno Dufayet, Phillippe Collin et Alexandre Merle. Elle nous explique le fonctionnement et le but de cette association.
Marine Colli, consultante engagée en faveur de l’agriculture durable, a cofondé l’association Les Voix agricoles, avec les agriculteurs Bruno Dufayet, Phillippe Collin et Alexandre Merle. Elle nous explique le fonctionnement et le but de cette association.
Reussir.fr : Vous êtes cofondatrice de l’association Les Voix agricoles créée en juillet, expliquez-moi sa genèse ?
Marine Colli : L’association est née d’un projet que j’ai lancé en janvier 2025 en tant que consultante indépendante avec le soutien de la Fondation européenne pour le climat. Et ce en partant d’une intuition. Je trouvais que le débat public autour de l’agriculture est très polarisé avec le sentiment qu’une des raisons était le fait qu’on entend beaucoup d’organisations agricoles avec en face des ONG, les médias mettant en scène leur affrontement.
Je trouvais que le débat public autour de l’agriculture est très polarisé
A côté de ce débat polarisé je voulais faire émerger plus de témoignages individuels pour évoquer les pratiques agroécologiques testées par des agriculteurs, ce qui marche chez eux et ce qui ne marche pas, leurs attentes et leurs demandes d’accompagnement. L’idée de base était de recruter une promotion de 15 agriculteurs, avec une diversité de profils, des jeunes et des moins jeunes, voire en transmission, des éleveurs, des polyculteurs, des conventionnels et des bios. La promotion a été recrutée en décembre 2024 avec l’engagement de participer à un programme de formation (une réunion en visio un mercredi soir sur deux soit sur la prise de parole avec comme coach Pascal Bertholot, ancien journaliste radio, soit sous forme de sections de dialogues avec des intervenants comme Maxime Costilhes, directeur général de l’Ania, ou Michel Biero ancien vice-président de Lidl France). Les agriculteurs s’engagent aussi à suivre deux séminaires par an.
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Ce projet s’est transformé avec la création d’une association, quel est son objectif ?
En juin, des agriculteurs de la première promotion ont eu envie de pérenniser le projet en fondant une association (reconnue depuis loi 1901). J’en suis la cofondatrice avec les agriculteurs Bruno Dufayet, Philippe Collin et Alexandre Merle, qui en est le président. On tiendra notre première assemblée générale le 12 novembre. Notre objectif n’est pas d’influencer les agriculteurs, nous n’avons pas de ligne éditoriale. L’objectif de l’association est de faire émerger des témoignages individuels d’agriculteurs pour dépolariser le débat. On devrait élargir la gouvernance à un conseil d’administration dès le 12 novembre.
En quoi vous distinguez-vous d’une organisation comme FranceAgritwittos ?
Je pense que l’objectif est à peu près le même. Nous aidons les agriculteurs à prendre la parole. La différence est peut-être que nous fonctionnons comme une école avec un programme de formation.
Nous fonctionnons comme une école avec un programme de formation.
Nous allons bientôt lancer l’appel à candidatures pour la promotion 2, les agriculteurs devront envoyer une lettre de motivation ou une vidéo. La promotion sera de 25 agriculteurs, avec un budget financé par des fondations, parmi lesquelles notamment la Fondation européenne pour le Climat et la Fondation Crédit mutuel.
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Quel est votre rôle dans cette association aujourd’hui ?
J’en suis l’animatrice, et j'en serai salariée à temps partiel à partir de janvier prochain.
Est-ce que le débat très clivant autour de la loi Duplomb a été un élément déclencheur de votre initiative ?
L’idée a émergé avant la séquence liée à la proposition de loi Duplomb. C’est plus lié à mon expérience professionnelle. J’ai exercé pendant plusieurs années comme lobbyiste pour Interbev et la fédération nationale bovine (FNB). Dans le cadre de ce travail je voyais des consensus possibles qui n’apparaissaient jamais dans les débats publics ou à l’Assemblée nationale par exemple. Quand je parlais aux éleveurs j’entendais plein de témoignages de mises en pratiques de la transition agroécologique que l’on n’entendait pas forcément dans le message très politique des organisations agricoles qui s’éloignent d’un discours très terrain.
Qui va pouvoir rentrer dans l’association ?
Ce sera une des questions soulevées lors de notre assemblée générale. Est-ce que ce seront uniquement les agriculteurs des promotions ? On voit que l’initiative plait à d’autres agriculteurs. L’association va-t-elle travailler en réseaux ? Par exemple nous travaillons déjà avec le Shift Project et nous ferons une conférence le 4 décembre prochain sur le format d’un dialogue entre des agriculteurs et Jean-Marc Janvocivi. En parallèle nous organisons des évènements dans les fermes des agriculteurs de la première promotion avec un débat avec des experts sur place. Comme la semaine dernière chez Benoît Drouin, sur le thème « moins et mieux d’élevage et de viandes ».
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La formation de la première promotion a donné lieu à quels types de prises de paroles ?
En leurs noms propres (et non en celui de l’association) des agriculteurs ont signé une tribune sur les taxes Trump ou encore contre l’accord UE-Mercosur, qui met tous les agriculteurs de la promotion d’accord contre lui. Cette semaine quelques agriculteurs des Voix agricoles vont cosigner avec des agriculteurs allemands une tribune adressée aux ministres de l’Agriculture allemand et français sur l’accord UE-Mercosur. Mais il n’y aura pas le logo de l’association dessus, ce n’est pas son objectif.
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Un des agriculteurs a aussi accepté de répondre à Hugo Clément pour un numéro de Sur le front intitulé « Libre-échange : c’est notre nourriture qui trinque » qui sera diffusé le 10 novembre. N'est-ce pas un peu risqué ?
Nous commençons à être connus et je reçois la sollicitation des médias que je transmets aux agriculteurs sur une boucle WhatsApp. Benoît Merlo, qui produit des lentilles, a accepté de recevoir l’émission chez lui pour parler de la concurrence avec le Canada. Il a eu avant des cours collectifs et un coaching individuel de prise de parole.