Les oies profitent à la noix
Associées traditionnellement, noix et oies font bon ménage. La présence d’oies favorise la croissance et la production des noyers en augmentant la fertilité des sols.
Associées traditionnellement, noix et oies font bon ménage. La présence d’oies favorise la croissance et la production des noyers en augmentant la fertilité des sols.

L’association entre l’élevage d’oies et la production de noix est une tradition séculaire dans le Périgord. « La grande majorité des producteurs de foie gras de la zone d’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Noix du Périgord pratiquent cette association », indique Mohammed Bijja de l’Asseldor (Station d’expérimentation appliquée et de démonstration sur l’oie, Dordogne). Bien que marginale par rapport aux surfaces totales de noyers en France, cette alliance montre de nombreux bénéfices tant pour les noyers que pour les oies. « La présence de ces animaux augmente la croissance et la production des noyers », indique le technicien en conclusion d’un essai comparant une parcelle de noyers parcourue par 600 oies à une autre sans oie. Cet essai a été conduit pendant quatre ans, lorsque les noyers étaient âgés de 7 à 11 ans, sur un verger de la variété Franquette planté en 8 m x 8 m, enherbé avec des graminées sur l’inter-rang, non fertilisé. « La circonférence des troncs est supérieure de 10 % en moyenne sur les quatre années d’essais sur la partie très fréquentées par les oies », précise Mohammed Bijja. La production de noix augmente en présence des oies et ce dès la première année. Au bout de quatre ans, la production est deux fois plus importante dans les parties fréquentées par les oies atteignant 26 kg/arbre contre 13 dans la partie sans oie.
Augmentation des taux de N, P, K
L’une des hypothèses avancée par l’expérimentateur pour expliquer ces différences est le maintien de la fertilité des sols tant minérale que biologique sur la partie parcourue par les palmipèdes. « En l’absence d’animaux, le taux de matière organique d’un sol arboré évolue peu (5,8 %). En revanche, la présence d’oies sur le parcours entraîne une augmentation notable du taux de matière organique (5,8 % à 6,5 %)», analyse le spécialiste. La présence des oies sur un parcours arboré augmente aussi la teneur en azote du sol de manière proportionnelle à l’intensité de passage des animaux. « Ainsi sur la zone de forte fréquentation, la teneur en azote du sol augmente de 16 % en 4 ans tandis que la zone témoin, sans oie, présente des valeurs d’azote total dans le sol stables et inférieures aux autres zones pour les quatre années ». Sur la zone de faible fréquentation, les valeurs sont légèrement plus fortes que sur la zone sans animal mais elles restent stables dans le temps. « Cela suggère que sur cette zone les exportations sont similaires aux apports et que le sol est peu sensible au lessivage. La présence d’animaux sur un parcours arboré est donc favorable à la fertilité du sol et peut permettre d’éviter l’utilisation de fertilisants azotés », conclut Mohammed Bijja. Une augmentation des teneurs en phosphore et potassium est aussi observée sur les parcelles parcourues par les oiseaux tandis que les valeurs sont respectivement décroissantes et stables sur la partie sans animal. « Ce surplus sur un sol très faiblement lessivable permet une stabilité de la teneur en potassium et phosphore, ajoute le technicien. Cela n’a pas engendré de problèmes ».
Des bénéfices au-delà de la production
La présence des palmipèdes favorise aussi les vers de terre. « L’activité des lombrics est proportionnelle à l’importance de la fréquentation des animaux ». Près de la moitié des lombrics anéciques, population majoritaire représentant près de 90 % des individus, se trouvent à proximité du bâtiment d’élevage, 34 % dans la zone intermédiaire entre le bâtiment et le fond du parcours et 17 % en fond de parcours. Pour les autres animaux du sol et des strates herbacées, les résultats ont été contradictoires entre deux sites observés. « Sur l’un, le nombre d’animaux est dix fois supérieur sur la zone avec les oies (1 660 contre 177), sur l’autre, la zone sans oie compte deux fois plus d’insectes (2 383 contre 1 151) », ajoute l’expérimentateur. Du côté des oies, les noyers leur apportent une ombre très appréciée aux heures les plus chaudes. « Mais les bénéfices de cette association sont beaucoup plus larges, conclut Mohammed Bijja. Ils concernent tant la préservation de l’environnement que la vitalité rurale, la qualité des paysages ou celle du patrimoine gastronomique ».
Retrait des animaux avant la récolte
« Il nous a semblé important de vérifier que l’association animal/arbre fruitier ne génère pas de contaminations bactériologiques indésirables sur les fruits », complète Mohammed Bijja. Des analyses de Salmonelle et de E. coli ont été effectuées sur des noix issues de vergers avec ou sans oies. Les noix ont été récoltées 27 jours après l’évacuation des animaux et sur un lot de fruits en présence des animaux. « Les analyses montrent que la qualité sanitaire de tous les lots de cerneaux lavés et séchés répond aux critères de sécurité, commente le spécialiste. Il peut parfois y avoir un dépassement de ces recommandations pour E. coli sur les coques avant traitement. Mais cette situation a été observée à la fois pour les coques de noix issues de zone avec présence d’oies ou sans oie, et ce, malgré les précautions sanitaires prises lors de la récolte ». Si les noix sont récoltées en présence d’animaux, un risque sanitaire existe même si le lot de cerneaux concerné s’est révélé indemne après séchage. « Le délai de 27 jours que nous avons appliqué entre le passage des animaux et la récolte semble être un minimum », souligne Mohammed Bijja. La station de recherche sur la noix de Creysse (46) conseille un délai de deux mois.
Pour en savoir plus : article de l'Inra