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Assises Juridiques de l’Alimentation
Les Assises Juridiques de l’Alimentation débattent des réussites et échecs d’Egalim

Alors que EGalim 2 est en discussion, face à la complexité de Egalim 1 et du projet de loi Egalim 2, les débats sont revenus sur les échecs et les ambitions et sur les freins déjà à venir sur le nouveau projet de loi. Un rappel du droit de la concurrence a aussi été fait.

Louison Camus (responsable du service juridique d’Interbev), Jean-Baptiste Moreau (député de la Creuse et rapporteur du projet de loi Egalim) et Samuel Crevel, avocat associé au cabinet Racine tirent un bilan décevant d’Egalim 1, lors des Assises Juridiques de l’Alimentation le 29 septembre.
© Julia Commandeur - FLD

Les Assises Juridiques de l’Alimentation et des filières agroalimentaires le 29 septembre ont été l’occasion de revenir sur Egalim. Alors que EGalim 2 est en discussion, face à la complexité de Egalim 1 et du projet de loi Egalim 2, il fallait bien au moins une matinée de débats pour échanger sur le sujet. Quel bilan tirer de Egalim 1 ? Quels objectifs, quelles applications ? Qu’est-ce qui pourrait changer avec Egalim 2 ? Les intervenants ont fait le point sur la complexité d’interprétation et de mise en application, et un focus sur le droit de la concurrence a aussi était fait.

Catherine Chapalain, directrice générale de l’Ania, a conclu les débats : « On est tous d’accord sur la stratégie générale afin de regagner notre souveraineté alimentaire. On est tous d’accord pour plus de transparence au sein des filières mais attention, l’excès de transparence peut avoir un effet pervers car peut pousser à un effet d’alignement [lors des négociations]. Et la loi ne peut pas tout : il faut que les entreprises s’en saisissent et que les filières se structurent. Vous juristes, vous n’allez pas chômer dans l’interprétation et l’accompagnement du dispositif législatif. »

Egalim 1 et ses contrats écrits et ses indicateurs : des difficultés de mise en œuvre, beaucoup de naïveté, mais un début

Louison Camus, responsable du service juridique d’Interbev, souligne : « L’ambition d’Egalim était très forte avec la mise en place d’une contractualisation et d’une structuration du monde agricole qui n’existait pas. Il a fallu convaincre la filière [viande] de l’intérêt d’une contractualisation écrite. Le côté volontaire n’a pas fonctionné. Nous l’avons donc rendu obligatoire sur la filière poulet Label Rouge avec des modèles de contrats et des indicateurs. Ça a été très compliqué car ça demander un consensus entre l’ensemble des opérateurs d’une filière. »

Samuel Crevel, avocat associé au cabinet Racine : « Le bilan est plus nuancé que ce qu’on veut le croire. Comme vous j’ai pu dénoncer la complexité -les contrats écrits par exemple- et la naïveté de cette loi -comment croire qu’un producteur sait écrire un contrat de vente, l’inefficacité des indicateurs (coûts de revient et coûts de production ne reviennent pas du tout au même). Mais cette loi a ouvert une porte technique inédite, un peu au dépend du droit de la concurrence, et un état d’esprit favorable à une meilleure reconnaissance du travail du producteur.»

Raphaèle-Jeanne Aubin-Broute, maître de conférences en droit privé (Université de Poitiers) : « Loi Sapin, rapport Papin… Nous sommes dans un contexte de vrai engouement pour les démarches triparties. Les opérateurs font preuve de créativité et il y a fort à parier que l’échec d’Egalim fera émerger des solutions alternatives dans ces démarches triparties. »

Marie Buisson, responsable juridique à l’Ania : « Pour la rédaction de leurs CGV, les industriels sont favorables aux indicateurs car ils permettent de justifier les prix. Mais soit il n’en existe pas, comme dans le bio, soit les interprofessions ne les dévoilent pas. Dans la filière laitière où les contrats sont obligatoires, ils existent et cela semble fonctionner : la filière laitière va vers plus de valeur et d’inflation, peut-être parce qu’elle est très médiatisée. »

Jacques Davy, directeur des affaires juridiques et fiscales de la FCD, a rappelé que chaque filière ou produit pouvait être une exception : « La filière f&l ne s’adapte pas toujours aux contrats écrits par exemple. Avec autant d’exceptions on se demande si c’est un pas en avant ou en arrière. » « Egalim, les contrats écrits, les indicateurs, c’est en marche. Il reste à traduire cela par plus de transparence. »

De Egalim 1 à Egalim 2 : le revenu continue de baisser, les charges ont augmenté

L’objectif de la loi Egalim était de rétablir le rapport de force entre l’amont et l’aval avec une meilleure répartition de la valeur, en poussant la contractualisation et une meilleure fixation des prix. « Force est de constater que cela n’a pas fonctionné et donc avec Egalim 2 on pousse encore plus loin », déplore Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse et rapporteur du projet de loi Egalim. Egalim 2, qui passe en Commission mixte paritaire cette première semaine d’octobre, prévoit donc la contractualisation écrite obligatoire et la non-négociabilité des produits agricoles. « Je suis un peu pessimiste, admet Jean-Baptiste Moreau. Si on n’a pas de solidarité au sein des filières, ça ne fonctionnera pas malgré toutes les lois du monde. On parle de nains qui ne font la concurrence pour traiter avec des géants de l’agroalimentaire et de la distribution. Le législateur ne peut pas tout. Il faut une structuration de l’amont agricole avec une mise en place d’organisations de producteurs pour être plus forts et pour mettre en phase l’offre et la demande. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges et président du groupe de suivi de la loi Egalim au sein de la Commission des affaires économiques du Sénat, plussoie : « Est-ce que Egalim 2, c’est un effet d’affichage pour rassurer le monde agricole pour l’horizon 2022 ou une vraie prise en compte d’un changement nécessaire ? Egalim 2 veut traiter du revenu sans prendre en compte l’aspect recettes/dépenses. Egalim 1 est un échec car le titre II a apporté des charges supplémentaires aux agriculteurs -les charges ont augmenté de +8,1 % depuis le début de l’année- et les revenus ont continué à baisser, les prix ont augmenté pour les consommateurs et nous continuons à perdre des parts de marché -n’oublions pas que nous sommes dans un espace européen. Enfin, n’oublions pas le coût que va représenter la mise en œuvre de Egalim 2 ; il faudra l’étudier avec une grande lucidité. »

Egalim 2 : est-il encore temps de changer ce qui ne va pas ?

« Faut-il retoucher Egalim 2 tant qu’il est encore temps ? C’est la vraie question car le texte présente certaines failles et manque d’ambition en termes de transparence, il n’est pas simple et pas équitable pour l’ensemble des acteurs de la chaîne : sa complexité va favoriser les plus grosses entreprises et sera difficile à appliquer pour les PME » : Olivier Leroy, avocat associé au sein du département Droit concurrence-distribution au cabinet CMS Francis Lefevre Lyon Avocats, et Gilles Rota, directeur juridique Commerce-Distribution chez ITM Les Mousquetaires, ont expliqué leurs réserves.

Réserves notamment quant à la sanctuarisation des produits agricoles dans les négociations commerciales, nouveauté introduite dans les discussions d’Egalim 2 et qui signifie que les négociations de prix ne peuvent pas porter sur la part de la valeur des produits agricoles dans un produit fini (option 1), mais pas non plus sur la hausse du coût des matières premières (option 2). « Mais la hausse du coût des matières premières est forcément prise en compte dans l’établissement du prix. Donc l’option 1 est suffisante. L’option 2 apporte trop de complexité, elle est surabondante », estime Gilles Rota. Olivier Leroy s’interroge lui sur la prise en compte des matières premières de la même façon (sel, citrons, épices…).

Où est le droit de la concurrence ?

Jean-Louis Fourgoux, directeur associé chez Fidal, a rappelé qu’avec cette réforme, « c’est la protection d’une filière qui est moteur et non le droit de la concurrence ». Ce qui effraie les acteurs de la chaîne quant aux possibles sanction si mauvaise lecture des textes.

Jean-Louis Fourgoux a en effet rappelé « l’importance des sanctions de la filière alimentaires et du niveau des amandes infligées. En moins de 10 ans, on a presque une décision marquante chaque année ! » Il a évoqué l’affaire des endives (12-D-08 du 6 mars 2012 avec une amende de 3,9 M€), « où les rapports entre le droit agricole et le droit de la concurrence et l’OCM ont été tranchés plutôt en faveur d’une vision peu orthodoxe de la concurrence » ; l’affaire des farines (12-D-09 du 13 mars 2012 à 242,4 M€) ; celle des compotes (19-D-24 du 17 décembre 2019 à 58,3 M€) ; l’affaire du poulet (15-D-08 du 5 mai 2015 à 15,2 M€) ou celle des produits laitiers (15-D-03 du 11 mars 2015 à 192,7 M€), le cartel du jambon (20-D-09 du 16 juillet 2020 à 93 M€) « qui a montré l’étendue du pouvoir des enquêteurs de l’Autorité qui ont eu accès aux relevés téléphoniques privés des parties prenantes », l’affaire des sandwich MDD (21-D-09 du 24 mars 2021 à 24,5 M€).

Il a aussi souligné « la crainte de déréférencement qui poussent les fournisseurs à ne pas dénoncer leurs clients et leurs pratiques abusives. Avec le droit de la concurrence on veut protéger les PME mais on les plafonne dans leur concurrence. »

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