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Dans le Var, le Domaine du Jasson a fait le choix gagnant des olives et des agrumes

Dans le Var, le Domaine du Jasson produit conjointement de l’huile d’olive et des agrumes depuis 30 ans. Si ces choix de cultures semblaient insolites à l’époque de leur mise en œuvre, ils sont désormais la signature de l’exploitation.

Chez les Carra, l’arboriculture est une affaire de passion. L’histoire de cette famille, installée depuis plus de 50 ans sur la Côte-d’Azur à La Londe-les-Maures (Var), a d’abord pris racine de l'autre côté de la Méditerranée. En Algérie précisément, où le grand-père de Philippe et Anne, les actuels propriétaires du Domaine du Jasson, dirigeait le jardin botanique d’Oran au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale. « Il a transmis à mon père une grande partie de ses connaissances », raconte Philippe Carra. De retour en France, après l’indépendance de l’Algérie, la famille s’installe dans le Var, où le grand-père rachète un domaine viticole fondé en 1867. Son fils opte pour des études de pharmacie, plutôt que de s’inscrire (provisoirement) dans les pas de son père. « Mais Papa était passionné par l’agriculture, se souvient son fils Philippe. En 1976, il a réalisé son rêve en cédant son officine et en réinvestissant une partie de la vente pour financer la construction de serres où il produisait des strelitzias (Oiseau du paradis) et de grosses tomates en pleine terre ». Ce passionné d’agrumes a aussi l’idée de cultiver des kumkatiers en plein champ, que le gel de l’hiver 1986 anéantira.

Contrôler l’huile d’olives de bout en bout

Les deux années suivantes seront consacrées à replanter les arbustes aux délicieux petits fruits acides, auxquels s’ajoutent rapidement 13 ha d’oliviers plantés densément (6x4 m d’écartement), à l’emplacement des vignes, précédemment arrachées. Un second verger d’oliviers est mis en culture sur 6 ha en 2012 et 2013, avec une densité moindre cette fois (6x6 m et même 7x7 m sur les dernières parcelles), soit un total de près de 4 000 arbres, sur 19 ha de vergers. Cinq variétés sont choisies : Bouteillan, Cayon, Picholine, Grossane des Baux et Aglandau. Cette dernière, prédominante, n’a pas été choisie au hasard. Elle permet au domaine de bénéficier du label AOC Huile d’olive de Provence, gage d’une meilleure valorisation de leur production. « Le cahier des charges de l’AOC précise que l’Aglandeau doit être majoritaire dans les assemblages et représenter 25 % du total des oliviers cultivés », précise Philippe Carra. Dans la foulée, le père de Philippe et Anne lance la construction d’un moulin (toujours en activité), d’une capacité de traitement de 1 200 kg olives/heure. « L’objectif de mon père était de contrôler le pressage et la production du début à la fin, pour obtenir une qualité optimale : les olives sont broyées moins de 4 heures après la récolte, afin de garder intactes les qualités organoleptiques des fruits. Dès la sortie du pressoir, l’huile est ensuite mise à reposer en cuves inox, à l’abri de la lumière et de la chaleur, avant de procéder aux assemblages de variétés en fonction du résultat organoleptique recherché », détaille Philippe Carra.

Une collection d’agrumes rares

En parallèle, son père (récemment décédé) poursuit la plantation d’agrumes, dont il a transmis la passion à son fils. Si les espèces les plus rustiques sont cultivées en plein champ, l’essentiel est réparti dans les 2 500 m2 de serres multichapelles, situées face à l'espace de vente. A l’abri du froid, près d’une vingtaine d’espèces et de variétés de yuzus, pomelos, combawas, mandarines, cédrats, citrons… -dont certaines très rares en France- s’y épanouissent en pleine terre. Cette étonnante collection suscite d’ailleurs invariablement l’étonnement des clients, surpris de découvrir, dans le Var, une telle collection d’agrumes en provenance d’Asie, mais aussi de lieux plus inhabituels comme l’Océanie ou l’Amérique du Sud. La santé de ses sols est devenue, depuis 2016, une préoccupation majeure pour Philippe Carra. « Nous avons utilisé pendant des années du glyphosate pour traiter les adventices entre les oliviers. Je ne m’en cache pas », explique Philippe Carra qui a depuis opéré un virage concernant les modes de traitement phytosanitaires, sur l’exploitation (voir encadré). « Nous nous interrogions, avec mon père, sur le phénomène d’alternance de « petites et grosses années » en termes de volumes », se remémore-t-il. « Nous avons questionné sur ce sujet un technicien, qui nous a conseillé de pratiquer une analyse des sols. Les résultats ont fait apparaître une grande pauvreté de la vie microbienne. Nous avons alors pris la décision d’en réintroduire, avec des matières organiques et des stimulants. » En 2016, du Guanito est ainsi épandu sur les 19 ha de vergers, « pour tester ». « L’année suivante, un nouvel essai est cette fois effectué en début de printemps avec de l’engrais organominéral à décomposition lente, très bien adaptée au système racinaire de l’olivier », détaille Philippe Carra.

« La conversion vers la bio n’est pas à l’ordre du jour »

Philippe Carra a évolué sur la question de l’enherbement entre les arbres : une partie des adventices, les plus invasives, sont désormais arrachées manuellement. Le reste est régulièrement coupé à la débroussailleuse. Un choix que Philippe Carra ne regrette pas. « Il faudra plusieurs années pour évaluer un éventuel changement significatif sur les rendements, qui restent encore inégaux d’une année à l’autre. La vie microbienne n’est d’ailleurs qu’un des paramètres sur lesquels on peut agir, avec la gestion de l’irrigation et la taille. Mais je constate déjà, en revanche, une meilleure santé des arbres, de leur feuillage… », résume-t-il. Si son approche des traitements phytos a changé (il traite désormais ses vergers d’oliviers et ses agrumes avec des produits utilisés en agriculture bio, comme la kaolinite calcinée pour la mouche de l’olivier), il prône un certain pragmatisme. « La conversion vers l’agriculture bio n’est pas à l’ordre du jour : nous souhaitons garder la liberté d’utiliser des produits phytosanitaires de synthèse si nécessaire », tranche Philippe Carra.

 

Des jeunes chefs emballés par ses agrumes

Plutôt que de vendre sa production en direct ou via un metteur en marché, Philippe Carra préfère en transformer une partie en « Agrulives », un mélange issu du broyage et du malaxage d’un mélange d’agrumes et d’olives, produit sur le domaine. L’essentiel de la récolte est quant à lui transformé en confitures et en biscuits par des prestataires d’une part et sous forme de fines tranches de fruits déshydratés, d’autre part. L’ensemble est commercialisé à 90 % en vente directe sur le domaine et dans quelques épiceries paysannes et/ou « locavores ». Une partie des agrumes non transformés est enfin destinée à de grandes tables gastronomiques de la région, comme celle de Philippe Bacquié dont le restaurant du Castellet (Var) affiche trois étoiles Michelin. A Marseille, les saveurs inattendues de sa gamme d’agrumes (non traités) émerveillent aussi une nouvelle génération de jeunes chefs cuisiniers « bistronomes et locavores ». L’incroyable collection d’agrumes emballe aussi les papilles de Guillaume Ferroni, créateur de la Maison éponyme, qui les utilise pour aromatiser ses gammes de vodkas, de rhums ou de vieux alcools. « Les chefs sont sensibles à notre travail, à la typicité de nos produits et leurs goûts », résume sobrement Philippe Carra, qui préfère évoquer ses projets : la mise en culture de nouvelles variétés d’agrumes qui viendront grossir sa collection.

 

1976 : premières cultures d’agrumes

1987-1988 : replantation d’agrumes (gel 1986) et plantation 13 ha d’oliviers

2012-2013 : plantation 6 ha d’oliviers

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