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Le cannabis, potentielle culture d’avenir

Une expérimentation de médicaments dérivés du cannabis démarrera en France début 2021. Une ouverture possible vers une nouvelle filière française dans les prochaines années ? Pour le moment, la culture de la plante reste interdite, hors des variétés sans THC destinées à la valorisation de la tige et des graines.

La culture de cannabis pour un usage thérapeutique ou « récréatif » est autorisée dans quelques pays dans le monde, comme ici dans le Colorado, aux Etats-Unis (où seuls certains Etats ont légalisé le cannabis). © Cannabis Tours
La culture de cannabis pour un usage thérapeutique ou « récréatif » est autorisée dans quelques pays dans le monde, comme ici dans le Colorado, aux Etats-Unis (où seuls certains Etats ont légalisé le cannabis).
© Cannabis Tours

Un premier pas vers une production de cannabis thérapeutique en France ? Le 9 octobre 2020, le ministère de la Santé a publié un décret d’application autorisant les premières expérimentations du cannabis à usage thérapeutique en France, un an après le feu vert donné par l’Assemblée nationale. Ce texte fixe le cadre de l’expérimentation du cannabis à usage médical qui devrait débuter début 2021 pour deux ans. Pilotée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’expérimentation a été retardée par la crise sanitaire. Elle concernera au moins 3 000 patients et des indications thérapeutiques bien précises : douleurs réfractaires aux thérapies accessibles, formes sévères d’épilepsie, spasticité douloureuse de la sclérose en plaques… Les médicaments se présenteront sous forme d’huiles, de gélules et de fleurs séchées à vaporiser. D’où proviendra le cannabis utilisé pour la fabrication de ces médicaments ? Peut-être du Canada ou d’Israël (voir encadré), mais pas de France, au moins dans un premier temps. Car les autorités françaises n’autorisent que l’usage des graines et des fibres, et pas celle des feuilles et des fleurs, qui comportent les composés psychoactifs nécessaires dans l’élaboration des médicaments. La réglementation européenne, elle, autorise l’utilisation de la plante entière. Le décret du 9 octobre prévoit ainsi que des entreprises étrangères fourniront des produits finis. Seule une évolution réglementaire pourrait autoriser cette culture en France. Cette éventuelle autorisation est très attendue car elle rendrait possible l’émergence d’une filière française, dont les débouchés pourraient aller bien au-delà d’un usage médical.

Premier pays européen producteur de chanvre

Pour l’heure, la réglementation française « prévoit que toutes les opérations concernant le cannabis sont interdites, notamment sa production, sa détention et son emploi », indique le site du gouvernement d’information sur les drogues. Une dérogation à ce principe d’interdiction existe afin de permettre l’utilisation du chanvre à des fins industrielles et commerciales. La France est d’ailleurs le premier pays producteur européen de chanvre, avec 20 000 ha cultivés, une surface multipliée par cinq en 30 ans. Les variétés pouvant être utilisées à des fins industrielles et commerciales sont inscrites dans le Code de la santé publique. Seules leurs graines ou leurs fibres peuvent être utilisées, et elles doivent présenter une teneur en THC inférieure à 0,2 %. Le THC ou tétrahydrocannabidiol, considéré comme un stupéfiant, est la molécule extraite des fleurs à l’origine des effets psychotropes du cannabis pour un usage médical ou « récréatif ». Mais de nombreuses autres molécules d’intérêt peuvent être extraites des fleurs ou des feuilles, comme le cannabidiol (CBD), dont le marché « bien-être » est en très forte croissance depuis 2018.

Le marché du CBD fortement valorisé

Le CBD n’est pas un psychotrope. Les produits à base de cette molécule sont autorisés à la vente tant que la plante dont celui-ci est extrait ne présente pas plus de 0,2 % de THC et fait partie des variétés autorisées. De plus, « les produits à base de CBD sont interdits s’ils contiennent du THC, quel que soit son taux », précise le site gouvernemental. Bonbons, huiles ou chewing-gums à base de CBD contre le stress sont par exemple déjà fabriqués et commercialisés en France par la start-up Rainbow, fondée en 2019. La molécule est aujourd’hui importée des Etats-Unis, tant que l’utilisation de la fleur et de la feuille de cannabis est interdite en France. Si la situation réglementaire venait à évoluer, le marché du CBD pourrait constituer un nouveau débouché à forte valeur ajoutée pour la filière chanvre française. Selon le Syndicat professionnel du chanvre (créé en 2018), les fleurs et feuilles de chanvre pourraient se valoriser entre 2 000 et 3 000 euros la tonne. Mais le développement de la valorisation de la fleur devra être maîtrisé. Dominique Briffaud, président de l’interprofession Inter Chanvre, expliquait ainsi dans Agra en juin dernier que si une activité de transformation de feuilles et de fleurs de chanvre proliférait, il ne faudrait pas que ce soit trop loin des usines de défibrage, nécessaires à la valorisation des fibres. Or, la France n’en compte que six.

Le marché thérapeutique beaucoup plus limité

La culture du cannabis thérapeutique, destiné à une extraction du THC, est potentiellement plus proche de productions de légumes sous serre, car elle est difficilement envisageable autrement qu’en conditions très contrôlées. D’une part, car une culture sous serre du cannabis à visée thérapeutique permettrait d’éviter des contaminations entre variétés, notamment entre celles contenant du THC et les autres. D’autre part, car la production de THC devra respecter des normes sanitaires très strictes, exigées lors de l’élaboration de médicaments. Mais ce serait aussi un marché beaucoup plus limité que le marché bien-être du CBD. Il suffirait « d’une surface équivalente à un centre commercial » pour cultiver le chanvre nécessaire, indiquait en juin Yves Christol, directeur d’InVivo Food and Tech (filiale innovation d’InVivo, qui a arrêté son activité à la fin de l’été 2020), à nos confrères d’Agra. Si une filière de production de cannabis thérapeutique devenait un jour possible en France, les producteurs élus seraient peu nombreux.

La réglementation française n’autorise pas l’utilisation des feuilles et des fleurs de chanvre ou de cannabis.

La production de cannabis psychoactif dans le monde

 

 
L’Uruguay est devenu en 2013 le premier pays au monde à autoriser la production, la distribution et la vente de cannabis à usage récréatif. D’autres pays d’Amérique latine ont légalisé l’usage thérapeutique uniquement depuis 2015 (Chili, Colombie, Argentine, Mexique…)

 

 

 
Le Canada a légalisé la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis en 2018, après avoir légalisé son usage thérapeutique en 2001. Ce pays est le premier exportateur mondial de cannabis à usage thérapeutique. Les producteurs, transformateurs et vendeurs de cannabis doivent détenir une licence fédérale. Mais le marché noir tient encore une place très importante.

 

 

 
En Israël, l’usage thérapeutique du cannabis a été légalisé dès 1999. Une dizaine d’exploitations agricoles, autorisées par le ministère de la Santé, produisent du cannabis dans le pays. Le pays, qui se rêve aujourd’hui en leader mondial du cannabis thérapeutique, a autorisé cette année les producteurs et transformateurs israéliens à exporter.

 

Une plante, deux appellations

 

 
© DR
Qu’on l’appelle chanvre ou cannabis, il s’agit de la même plante, Cannabis sativa. Les cultures à destination de l’industrie (tissus, construction, cosmétiques…), à très faible teneur en THC, sont plus souvent désignées par le terme de chanvre. Celui de cannabis est plutôt réservé à l’usage psychoactif (thérapeutique ou « récréationnel »), dont les variétés contiennent du THC.

 

La Creuse est prête

Des élus et producteurs creusois militent depuis plusieurs années pour que la culture de cannabis thérapeutique soit autorisée en France. Ils veulent faire de la Creuse un territoire pilote en la matière en créant une filière départementale complète. Surtout, ils souhaitent que la France ne dépende pas des importations nord-américaines pendant l’expérimentation et après. « Dès qu’on a le feu vert, la Creuse est en mesure de fournir 4 tonnes de cannabis thérapeutique en 9 mois », affirmait en juin 2019 Eric Correia, Président de la Communauté d’agglomération du Grand Guéret, devant les experts réunis par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour préparer l’expérimentation du cannabis thérapeutique. Selon l’élu, 2 000 m² de serres permettraient de fournir 1 g de fleur séchée à 11 000 patients. Un pôle d’excellence autour du cannabis thérapeutique est même prévu sur un ancien terrain militaire creusois. Le site servirait aussi de lieu de formation, de recherche et développement et accueillerait une pépinière d’entreprises, d’après Jouany Chatoux, agriculteur et président de ce projet de pôle d’excellence.

Les Pays Bas expérimentent la culture légale

Une dizaine de producteurs néerlandais vont pouvoir produire légalement du cannabis à usage récréatif pendant quatre ans pour approvisionner les « coffee-shops ».

 

 
Aux Pays-Bas, les « coffee-shops » s'approvisionnent via des réseaux illégaux, car la production de cannabis est interdite. © DR
De nombreux pays européens autorisent des dérivés de cannabis pour un usage thérapeutique et certains tolèrent une consommation « récréative ». Mais la culture de cannabis psychoactif (pour extraction du THC) n’est légale que dans une poignée de pays dans le monde, et pas en Europe. Cette situation pourrait changer dans les années à venir, car les Pays-Bas débutent cette année une expérimentation sur la culture de cannabis. Pendant quatre ans, le gouvernement va tester une production légale de cannabis à usage récréatif, destinée à approvisionner les « coffee-shops ». Car le cannabis a un statut ambigu aux Pays-Bas. La consommation est décriminalisée et tolérée, ainsi que la vente de petites quantités dans les « coffee shops ». Mais comme la production et la distribution sont interdites, ceux-ci sont obligés de s’approvisionner via des réseaux illégaux. Ceci pose des problèmes d’ordre public et de sécurité, de santé publique et de lutte contre la criminalité. Actuellement en phase préparatoire, l’expérimentation en cours doit permettre « de déterminer s’il est possible ou non de réglementer un approvisionnement en cannabis de qualité contrôlée aux « coffee shops » et d’étudier les effets de cette chaîne d’approvisionnement ». Un maximum de dix producteurs seront autorisés par le gouvernement à cultiver et vendre du cannabis pendant l’expérimentation, dans les « coffes shops » de dix municipalités. Les candidatures, déposées en juillet 2020, devaient présenter le « business plan » envisagé : expérience du candidat en agriculture, disposition du site prévu pour la culture, nombre de variétés qui seront cultivées, moyens de contrôle de la qualité de la production, moyen de livraison du produit aux « coffee shops »…

 

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