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La pomme de terre primeur de l'île de Ré doit préserver son sol

Biocontrôle, couverts végétaux, rotations et apport de compost sont des leviers étudiés par l’Acpel pour gérer les problématiques sanitaires rencontrées par la pomme de terre primeur de l’île de Ré.

L’île de Ré concentre sur un territoire restreint plus de 180 ha en production dont 130 ha de pomme de terre primeur sous AOP. Les sols de l’île ont la particularité de se ressuyer et de se réchauffer rapidement. Ainsi, malgré un cumul élevé de pluies en hiver, les plantations peuvent débuter en janvier pour s’échelonner jusqu’au 10 avril.

Evaluer différents systèmes de culture moins dépendants

La pomme de terre primeur de l’île de Ré présente des cycles de production assez différenciés des autres productions, avec l’objectif d’obtention rapide de tubercules non totalement matures. Ainsi, les principaux enjeux sanitaires concernent la qualité du feuillage, pour assurer un développement homogène des différents tubercules, et l’absence d’altération des tubercules. Les bioagresseurs majeurs sont le mildiou, l’Alternaria et les doryphores sur le feuillage ainsi que le rhizoctone brun et les taupins pour les tubercules. Bien que peu intensive, la pomme de terre primeur connaît des problématiques sanitaires telluriques. Les principales sont liées au sol et à un historique ancien de production de pomme de terre.

« Cela fait plus de quinze ans que la rotation des cultures est pratiquée. Les effets positifs sont là, mais c’est lent et insuffisant. Le rhizoctone brun est donc problématique certaines années », commente Jean-Michel Lhote, Acpel. C’est pourquoi une étude est menée sur cinq ans, depuis 2019 par l’Acpel, afin de tester différents systèmes de culture innovants dans le contexte de Ré en intégrant des rotations, des couverts, des méthodes alternatives et de biocontrôle ou l’effet suppressif de certains composts sur les pathogènes (idée issue du projet Synergies). « Il s’agit d’évaluer différents systèmes de culture moins dépendants d’une protection phytosanitaire classique en ciblant notamment le rhizoctone brun, les taupins et les adventices », précise le technicien.

Le pois chiche plus adapté au contexte de l’île

Actuellement dans le système classique de l’île de Ré, la rotation est biennale (céréales/pommes de terre). Toutefois, il n’est pas toujours évident de faire pousser une céréale à cause des bernaches et des lapins qui détruisent des surfaces importantes. Un des objectifs de l’essai était de repérer une culture intéressante afin d’allonger la rotation. Celle-ci doit être peu appétante pour ces animaux et ne pas multiplier ni le rhizoctone brun, ni les nématodes. De plus, cette culture doit également apporter un gain financier au producteur (ce qui n’est pas le cas d’une culture de céréales actuellement). La culture de lentilles et celle de pois chiches ont été choisies pour leur tolérance au rhizoctone brun (à confirmer) malgré leur appartenance à la famille des Fabacées. Mais les essais ont montré que la lentille n’est pas adaptée au contexte de l’île de Ré (stress hydriques, désherbage complexe…).

En revanche, le pois chiche semble plus adapté au contexte de l’île car il peut supporter des stress hydriques relativement importants sans impact sur son potentiel de rendement et son cycle correspond mieux aux périodes de récolte des céréales sur l’île. Son désherbage reste malgré tout complexe. L’implantation des couverts d’été ou d’engrais peut également être plus présente après une culture de pomme de terre. Mais elle n’est réalisable qu’avec des moyens d’irrigation et une disponibilité en eau variable suivant les communes. Ces couverts donnent des biomasses intéressantes s’ils sont semés avant septembre. Il semble intéressant d’évaluer l’effet allopathique d’un couvert vis-à-vis de la présence des daturas.

L’intérêt de différentes stratégies de protection (biocontrôle et composts) en « traitement » du sol, vis-à-vis du rhizoctone brun (Rhizoctonia solani) a également été évalué (voir encadré). Il semble désormais judicieux de tester les applications conjuguées de Prestop et de Rhapsody pour savoir si ces moyens de biocontrôle peuvent permettre une synergie pour lutter contre le rhizoctone brun. Un autre axe prioritaire concerne les variétés avec pour objectif de faire évoluer la liste variétale (voir encadré). « Mais la démarche est longue, car le contexte est plus complexe qu’on ne pourrait le penser à première vue », commente Jean-Michel Lhote.

Evaluation de composts et de moyens de biocontrôle

 

L'allongement de la rotation avec l'intégration de nouvelles cultures ou de couverts végétaux fait partie de leviers d'amélioration testés sur cinq ans. © Acpel

Le rhizoctone brun (Rhizoctonia solani) est un champignon qui affecte la qualité et la productivité de la pomme de terre par des attaques sur tiges et sur tubercules. Le champignon se maintient sous forme de sclérotes qui adhèrent à l’épiderme des tubercules, il peut survivre de très nombreuses années dans le sol (quatre à cinq ans, voire beaucoup plus) et contaminer directement les tubercules fils, produits par des plants sains. Le sol et les tubercules destinés à la plantation sont les sources d’infection. Sur l’île de Ré, dans un contexte de contamination importante des sols, le traitement des plants s’avère très insuffisant. La vie biologique et les différents équilibres dans le sol doivent être pris en compte.

Des composts semblent suppressifs

C’est pourquoi un essai visant différents leviers écologiques, composts et moyens de biocontrôle, a été mis en place pour maîtriser le rhizoctone brun. L’objectif était d’évaluer l’intérêt de différentes stratégies de protection (biocontrôle et composts) en « traitement » du sol. « En 2021, dans les conditions d’une première année d’essai (attaque importante du rhizoctone brun et malgré un apport tardif du compost), on peut souligner que les composts Biomazor et Fertil Mixte semblent être suppressifs vis-à-vis du rhizoctone brun. Ils montrent un léger intérêt contre ce bioagresseur », mentionne le compte rendu d’essai précisant que « ce type d’essai ne pourra exprimer son total intérêt qu’après quelques années d’apports. Les résultats sur la culture de pomme de terre en 2023 seront éclairants sur ce point ».

 

En quête de variétés

 
Les producteurs de l'île de Ré recherchent des variétés précoces pouvant s'adapter à leurs conditions de culture très particulières. © Acpel

La production de pomme de terre primeur de l’île de Ré sous AOP répond à un cahier des charges précis qui liste notamment les variétés utilisables. Parmi elles, Alcmaria et Charlotte sont très couramment utilisées. « Alcmaria est une variété très précoce produite en partenariat avec son obtenteur uniquement pour les producteurs de l’île de Ré », précise Jérôme Poulard, responsable technique de la coopérative Unire. Si elle donne satisfaction, les producteurs souhaiteraient disposer d’autres variétés pour ce créneau. « Nous recherchons une variété précoce, à cycle court pouvant s’adapter à nos conditions très particulières de production, notamment la plantation qui débute dès la fin janvier après une prégermination », explique le spécialiste.

Une commission officielle de dégustation

A cela s’ajoute un intérêt pour les moindres sensibilités ou tolérances au rhizoctone brun, aux taupins, aux nématodes et mildiou. De plus, la variété doit être dans le type oblong court à oblong moyen à peau claire et chair jaune. « Des variétés ont été testées, sans résultats probants. Seule Zen a retenu notre attention et est encore en essai », précise-t-il. Car outre les qualités agronomiques, la variété doit également satisfaire aux qualités gustatives qui font la typicité de la pomme de terre de Ré. Celles-ci sont évaluées par une commission officielle de dégustation, ce qui allonge le temps d’intégration d’une nouvelle variété à la charte de production et nécessite donc quatre à six ans.

 

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