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La filière fruits et légumes communique sur ses pratiques

Les professionnels de la filière fruits et légumes ont décidé de ne plus subir mais d’agir. A travers les vergers et serres ouvertes, leur présence dans les médias et dans le métro, ils prennent la parole pour communiquer positivement.

Dans quelques jours, le Salon international de l’agriculture ouvrira ses portes. Rendez-vous annuel entre agriculture et citoyens, il est l’occasion depuis quelques années pour les professionnels des fruits et légumes de communiquer positivement sur leurs pratiques. Objectif : rassurer, expliquer, déconstruire les idées reçues. « Pendant longtemps à Interfel, nous nous sommes concentrés sur des actions d’encouragement à la consommation de fruits et légumes, explique Valérie Sené d’Interfel. La crise du concombre en 2011 a été un électrochoc. Nous avons compris la nécessité de répondre aux attentes sociétales ». Et la première inquiétude sociétale est l’utilisation des pesticides. « Le contexte est compliqué avec des médias à charge et des scientifiques absents des débats, tout comme les pouvoirs publics, analyse la directrice marketing et communication d’Interfel. Les producteurs se sont souvent sentis incompris, acculés et impuissants à répondre ». La profession se devait donc de réagir en prenant la parole. « Avec le label vergers écoresponsables, nous avons décidé de sortir de la réaction et de la justification aux attaques et d’aller dans la communication positive », résume Josselin Saint-Raymond, de l’ANPP. « Avec la communication informative, on adopte une posture d’ouverture et de responsabilité », continue Valérie Sené.

Des serres et des vergers ouverts

Dans les halls du Parc des expositions de Paris, on ne parle donc plus juste de produits. Des entreprises comme Savéol ou le groupe Pink Lady proposent aux visiteurs des parcours retraçant les étapes de production. Si tous les visiteurs ne prennent pas le temps de lire les panneaux, certains s’arrêtent pour échanger avec les producteurs présents. « Tous les échanges sont positifs, témoigne Robin Clavier, producteur de pomme sur le stand de Pink Lady. Les premières questions sont : pourquoi est-ce si cher ? Et est-ce vraiment si traité ? » En deux jours, ce sont 18 000 personnes qui sont passées sur ce stand en 2017. En 2018, le label vergers écoresponsables, porté par l’Association nationale pommes poires (ANPP) y aura aussi un espace ludique et pédagogique. Mais pour expliquer comment produire des fruits dans un verger, rien de mieux que d’y entrer. L’opération « vergers ouverts », aussi à l’initiative de l’ANPP, existe depuis 2010. « Nous accueillons près de 10 000 personnes par an sur une cinquantaine d’exploitations », résume Sandrine Gaborieau, de l’ANPP. L’AOPn tomate et concombre de France a repris le concept depuis 2016 avec ses « serres ouvertes ». Près de 2 400 visiteurs, grand public et scolaires, ont été accueillis dans une vingtaine de serres de tous types (A lire aussi : Serres ouvertes : faire découvrir la production sous serre).

Sincérité et transparence

Le constat est unanime : ces actions sont très positives. Tous les visiteurs en sortent heureusement surpris. Ces actions ont un vrai aspect pédagogique auprès d’un public qui ne connaît pas la production agricole mais qui est tout de même renseigné, avec beaucoup d’idées reçues ou de déformation de la réalité. « Cela permet aussi de lever des objections des riverains en jouant la transparence », renchérit Sandrine Gaborieau. Pour rassurer les producteurs qui se lancent dans ces journées portes ouvertes, Interfel et l’ANPP proposent des formations de media training. « L’objectif est de préparer au mieux les producteurs qui craignent de se faire piéger, ajoute la chargée de communication de l’ANPP. Tout ce que les producteurs font se justifie ». Ces formations permettent aussi d’avoir un langage commun à la portée du public. Pour les adhérents de l’ANPP les plus à l’aise dans l’exercice, ils deviennent « Ambassadeurs » et participent aux débats télévisés. « Quand on touche à des questions de production, il vaut mieux que ce soit un producteur qui réponde car son discours est plus légitime », ajoute Josselin Saint-Raymond.

Des téléspectateurs plus optimistes

Premier pas de la filière sur les plateaux télé mais aussi dans des émissions scientifiques. En 2017, l’Aprifel (Agence pour la recherche et l’information en fruits et légumes) a parrainé un programme court inédit « E = M6 Spécial Nutrition », animé par Mac Lesggy. Dans le cadre de ce programme en 20 épisodes, des experts et des professionnels de la filière ont été interrogés. « L’objectif était de répondre à des questions simples que se posent les consommateurs par l’intermédiaire d’un professionnel et d’un scientifique », explique la chargée de communication d’Interfel. Le programme a été apprécié. La population qui l’a regardé est plus optimiste sur la consommation de fruits et légumes que celle qui ne l’a pas visionné. Selon Valérie Sené, l’opération sera réitérée en 2018. « Cela nous a aussi permis de mobiliser la profession. Une partie des producteurs a été contente et soulagée de cette prise de parole sur leur métier qui valorise leur savoir-faire ».

Des agriculteurs dans le métro

Beaucoup d’autres initiatives fleurissent bien au-delà du monde des fruits et légumes pour rendre l’agriculture plus visible. Ainsi, le syndicat des jeunes agriculteurs avait envahi les murs des couloirs du métro avec leur campagne « Nourrir le futur » affichée à l’occasion du salon de l‘agriculture l’année passée. « L’objectif était d’incarner l’agriculture avec des personnes jeunes et modernes », explique Célia Faure des JA. Plus de 7,8 millions de personnes ont été touchées par cette campagne.

« L’objectif des media training est de préparer au mieux les producteurs qui craignent de se faire piéger », Valérie Gaborieau, ANPP.

A savoir

Pour se former au media training

L’ANPP fait deux à trois sessions par an dans les régions pour les producteurs participant à l’opération Vergers ouverts - Contact Sandrine Gaborieau : s.gaborieau@pommespoires.fr – 05 62 72 44 44

Vous pouvez également contacter Interfel

Pour mieux connaître la communication d’Aprifel auprès du grand public :

Chaîne YouTube Aprifel « Graines de Savoir »

Les raisons de la peur

« L’écart entre la perception du risque et la réalité scientifique ne concerne pas seulement l’utilisation des produits phytosanitaires », analyse Eric Birlouez, sociologue de l’agriculture et de l’alimentation lors du débat citoyen, organisé lors du Sival par Interfel. Les humains, explique-t-il, surestiment le risque quand il leur est imposé, les effets sont différés, le risque est incertain et ils ont le sentiment de pas le maîtriser. Tout cela s’applique aux produits phytosanitaires. « L’alimentation n’a jamais été aussi sûre. Il n’y a plus d’intoxication alimentaire, continue le sociologue. Mais à mesure que les risques diminuent, le risque résiduel devient de moins en moins accepté. Notre société française est risquophobe. Les consommateurs regardent plus les risques que les bénéfices ».

Rémy Foissey, producteur de pommes dans le Gard

« On a le fond, ce qui nous manque c’est la forme »

« Je participe aux vergers ouverts depuis sept ans. C’est un vrai moment d’échanges : expliquer aux consommateurs nos méthodes de production Vergers Ecoresponsables mais aussi écouter leurs attentes vis-à-vis de notre activité. Pour moi, ça fait partie de notre métier ! Quand on voit l’émerveillement des personnes et leurs commentaires étonnés sur la technicité utilisée, ça fait plaisir et on a le sentiment de rétablir une vérité. La plupart des personnes qui viennent ont une certaine ouverture, au début ils doutent, ils s’interrogent mais ils sont très agréablement surpris de ce qui est mis en place. On a le « fond » pour toutes les réponses posées. Ce qui nous manque souvent, c’est la « forme ». Les sessions de formation Media training nous permettent de dédramatiser, de prendre conscience des pièges et des erreurs à éviter surtout pour une interview avec les médias ».

Jean-Luc Olivier, producteur de tomates sous serre en Loire-Atlantique

« Je rappelle que je suis avant tout maraîcher »

« J’ai commencé à ouvrir mes serres il y a plus de 10 ans avec la coopérative Océane. La première visite s’est faite avec la classe de ma fille lorsqu’elle avait 6 ans. J’avais amené une ruche en classe et l’institutrice m’a demandé si elle pouvait venir visiter la serre. Depuis, j'ouvre mes serres tous les ans, au début surtout auprès des scolaires. Depuis que c’est organisé avec l’AOPn tomate et concombre, le public s’est élargi. Je fais visiter mes serres, j’explique les nouveaux postes que l’on a créés, comme les observateurs de plantes. Je montre ma centrale de cogénération, le recyclage de l’eau, je parle de l’histoire de l’entreprise que j’illustre avec des photos. Et je rappelle à la fin que je suis avant tout maraîcher malgré toute cette technologie. Les visiteurs sont très surpris et conquis. Il faut parler avec des mots simples. Mais on connaît tellement bien notre métier qu’il n’y a pas de question piège. De toute façon, on n’a rien à cacher."

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