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Asperge : au Japon, une technique de culture innovante pour récolter en hiver

Des techniques de culture innovantes, comme celle de Fusekomi et de la récolte totale d’asperge d’un an, témoignent de l’intérêt des Japonais pour l’asperge. Celle-ci se cultive en vert et en blanc d’un bout à l’autre de l’archipel du Soleil levant. Toute la plante y est aussi utilisée ou recyclée.

L’asperge a été introduite pour la première fois au Japon par les Néerlandais au XVIIe siècle. D’abord plante ornementale, la culture des asperges blanches a commencé sur l’île d’Hokkaidō au début du XXe siècle, principalement pour l’exportation et quelques restaurants haut de gamme au Japon. Ce n’est qu’au début des années 1970 que l’asperge verte a été largement cultivée pour une consommation qui s’est aujourd’hui démocratisée. L’asperge qui est devenue l’un des légumes les plus populaires au Japon est largement cultivée dans diverses régions du pays. Les asperges vertes sont les plus populaires auprès des consommateurs japonais, mais une tendance récente à la diversification bénéficie aux asperges blanches. Cette tendance se décline en asperges violettes et roses avec également l’introduction de mini-asperges et d’assortiments d’asperges tricolores (vert, blanc, violet).

Montée de l’asperge rose

Les Japonais utilisent les asperges de différentes couleurs de différentes manières, sous sa forme crue et fraîche pour la verte. Les pointes d’asperges sont également disponibles en différentes longueurs. Car il n’y a pas que le goût qui compte au Japon. L’esthétique joue également un rôle clé dans la cuisine du pays qui participe à l’attrait de l’asperge rose innovante. Les asperges roses sont préparées en protégeant les asperges blanches de la lumière, puis en les exposant à la lumière jusqu’à ce qu’elles prennent une coloration rose. L’asperge fraîche est vendue principalement sur les marchés de gros, les supermarchés et les magasins, et est disponible toute l’année (sauf en novembre), grâce à une combinaison de produits nationaux et de contre-saison. Depuis de nombreuses années, la production nippone est relativement stable s’établissant en moyenne à environ 30 000 tonnes par an, ce qui classe le Japon au 8e rang mondial.

L’asperge est cultivée dans différentes îles de l’archipel. La préfecture d’Hokkaidō est la grande région productrice d’asperges du Japon où sont produites environ 3 300 tonnes. Les préfectures de Saga (2 900 tonnes), de Kumamoto (2 100 tonnes) et de Nagano (2 100 tonnes) sont d’autres régions représentatives de la culture de l’asperge. Le climat de ces zones qui varie de froid à subtropical permet un large étalement du calendrier. Ramené à l’Europe, l’asperge japonaise se cultive sur une diagonale climatique qui va d’Amsterdam à Huelva. La préfecture d’Hokkaidō a un climat similaire à celui qui prévaut en Europe du Nord tandis que la préfecture de Saga et la préfecture de Kumamoto ont un climat proche de celui de la côte ouest des États-Unis. Grâce à sa grande adaptabilité, l’asperge a été et reste un excellent moyen de reconversion des rizières dans les « hautes terres » du Japon.

Fusekomi pour récolter des asperges en hiver

Pour pallier le manque de produits de contre-saison, les agriculteurs japonais ont aussi mis au point de nouvelles techniques de production d’asperges tout au long de l’année. La technique dite Fusekomi est une culture forcée. « Fusekomi est une technique utilisée pour pouvoir récolter les asperges en hiver. Unique au Japon, la technique consiste à cultiver les griffes d’asperge pendant un à deux ans en plein champ, puis de les planter sous serre dans des “lits” qui seront chauffés pour hâter la récolte », a expliqué Satoru Motoki de l’université Meiji lors International Asparagus Symposium 2022 à Cordoue (Espagne) en juin dernier. Cette technique, dont on retrouve l’équivalent chez quelques producteurs néerlandais ou belges, joue un rôle clé dans la production d’asperges du pays en hiver et au début du printemps (décembre à mars). Cependant, comme l’a souligné le chercheur, elle nécessite un gros travail de main-d’œuvre et de terrassement pour la fabrication des « lits ». Toutefois, la technique Fusakomi se développe grâce à l’intérêt commercial qu’apporte sa précocité.

Récolte totale des plants d’un an

Satoru Motoki et ses collègues ont également mis au point la méthode “whole harvest cultivation method for one-year-old plants” qui consiste à récolter la totalité de la production d’asperge sur une seule année. La culture est mise en place en année 1, puis récoltée dans sa totalité en année 2. Selon les concepteurs, l’un des avantages de cette méthode est sa brièveté. L’asperge devient une culture bisannuelle, alors que les autres techniques de culture nécessitent plusieurs années de mise en route et d’exploitation. « Un autre avantage de cette technique est qu’elle limite le risque de maladies et de ravageurs », a précisé Satoru Motoki. De plus, “whole harvest cultivation method for one-year-old plants” nécessite moins de technicité de conduite de la culture. Lancée en 2016, cette technique se répand actuellement rapidement à travers le Japon grâce aux efforts conjugués du gouvernement, des coopératives agricoles japonaises (Zen-Noh) et des entreprises privées. La méthode a fait l’objet de plusieurs programmes télévisés et d’articles de journaux et de magazines qui ont attiré une attention croissante. Depuis 2020, les chercheurs de l’université Meiji étudient la sélection de cultivars/lignées adaptés à la récolte complète en coopération avec Walker Brothers, Inc. des États-Unis.

"La culture est mise en place en année 1 puis récoltée dans sa totalité en année 2." Satoru Motoki de l’université Meiji

Réutiliser toutes les parties de plantes

Des chercheurs japonais ont également exploré des moyens de rendre la production plus durable et économe en ressources en utilisant les parties de la plante d’asperge qui sont normalement jetées, notamment son feuillage. Ceux-ci estiment que l’aspergeraie japonaise en produit environ 130 000 tonnes par an, seule une petite fraction est utilisée, le reste est soit gaspillé soit retourné au sol. Des études ont montré que la rutine, molécule aux propriétés bénéfiques, est plus abondante dans le feuillage et dans les griffes d’asperges. Cet antioxydant joue un rôle dans la prévention du vieillissement cutané avec des propriétés « anti-âge », mais aussi avec une action bénéfique sur le système veineux pour une bonne circulation sanguine. La protodioscine, aphrodisiaque présumé, est également abondante dans l’asperge, plutôt dans les bourgeons et les parties souterraines. Toutes les parties de la plante offrent donc un grand potentiel en tant que sources d’éléments de nutrition. Ce qui motive certains producteurs à récupérer tous les ans le feuillage, mais aussi les racines lors de la fin de la culture. À défaut, pour réduire l’effet inhibiteur de croissance qui se dégage des racines d’asperge, les asparagiculteurs japonais utilisent du charbon actif.

Les importations font le yo-yo

Au début du boum de la consommation, les manques d’asperges locales pendant la contre-saison avaient incité l’importation d’asperges en provenance du Mexique, d’Australie, du Pérou, des États-Unis, de Thaïlande et des Philippines. Ainsi, les volumes d’asperges en provenance de l’étranger ont augmenté régulièrement au cours des années 1990 sur le marché nippon. Pour plus que doubler en volume en l’espace d’une décennie. Environ 12 000 tonnes au début en 1990, elles ont culminé au tournant du millénaire à environ 25 000 tonnes. Depuis lors, les volumes n’ont cessé de baisser, tombant en dessous de 10 000 tonnes en 2020. Le Japon importe également des asperges préparées ou conservées, principalement de Chine, du Pérou et des États-Unis, pour une valeur de 4,14 millions de dollars US en 2020 (données OEC, sans compter les asperges congelées ou marinées).

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