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Bretagne : Jean-Philippe Lesné a converti l’exploitation légumière familiale à la bio

Installé en 2018 avec son père, Jean-Philippe Lesné a converti en bio l’exploitation familiale de 85 ha. Un choix qui a entraîné des changements dans les cultures, avec désormais près de la moitié de la surface consacrée aux couverts végétaux et aux céréales.

Située à Saint-Méloir-des-Ondes, en Ille-et-Vilaine, près de Saint-Malo, l’Earl Les Landes cultive des légumes depuis cent ans. « Mon grand-père s’est installé en 1921 sur 24 ha, avec des légumes, principalement des pommes de terre primeurs, du lait, des volailles, des pommiers et une vente en gré à gré à Saint-Malo, explique Philippe Lesné, associé avec son fils Jean-Philippe depuis 2018. En 1963, il y a eu la création de coopératives à Saint-Malo. Et en 1970, l’exploitation s’est spécialisée en légumes. »

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Alors qu’il est sur le point de prendre sa retraite, son fils, Jean-Philippe, 28 ans, est prêt à prendre la relève, avec une nouvelle orientation. Après avoir été salarié de l’exploitation pendant cinq ans, il s’est installé en 2018 et a entrepris de convertir l’exploitation à l’agriculture biologique. « Je me suis installé avec l’objectif d’assurer la continuité de l’exploitation et de la faire évoluer, souligne-t-il. Les pratiques de la bio me correspondent. J’ai toujours aimé la technicité et l’agronomie. Et la bio répond aux attentes de la société et des consommateurs. »

L’enjeu de la fertilisation

L’exploitation de 85 ha compte aujourd’hui 20-25 ha de chou-fleur d’été, automne et hiver, 9 ha de pomme de terre primeur, 5 ha de poireau d’automne et hiver, 3 ha de céleri-rave, 2 ha de brocoli et 1 ha de potimarron. « En bio, les rotations sont essentielles pour limiter les problèmes de ravageurs et de maladies, note Jean-Philippe Lesné. Pour allonger les rotations, nous implantons désormais chaque année 8 ha d’orge d’hiver et de printemps et 2 ha de blé panifiable. Nous avons aussi rajouté du brocoli, assez facile à cultiver en bio et qui se produit avec le même matériel de désherbage mécanique et de récolte que le chou-fleur, et des potimarrons dont la culture est peu mécanisée. »

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Et surtout, une trentaine d’hectares sont désormais consacrée à l’herbe et aux couverts végétaux, avec une vingtaine d’hectares de luzerne, conservée 18 à 24 mois, des trèfles cultivés pendant six à huit mois et en hiver des cultures intermédiaires pièges à nitrate à base de vesce-avoine cultivées pendant quatre à cinq mois. « La fertilisation est un enjeu majeur pour produire des légumes bio, souligne le maraîcher. Nous avons choisi de consacrer une part importante des surfaces aux légumineuses qui piègent l’azote atmosphérique, ce qui implique toutefois d’avoir assez de surface. Les couverts préparent aussi le sol pour l’implantation des légumes. »

Les couverts végétaux répondent désormais aux deux tiers des besoins en azote des légumes, le complément étant apporté par des composts de déchets verts et du fumier de bovin composté, notamment pour les poireaux. « Mais nous ne pouvons utiliser que des composts et fumiers normalisés, signale Jean-Philippe Lesné. Et désormais, la ressource en fumier se fait plus rare, car la méthanisation en utilise beaucoup. »

Passage au désherbage mécanique

Une autre évolution importante au niveau des pratiques porte sur le désherbage. « La protection contre l’enherbement se fait désormais par binage, passage de herse-étrille et buttage pour les pommes de terre, avec parfois un complément de sarclage manuel, mais le moins possible, explique Jean-Philippe Lesné. Pour cela, nous nous sommes notamment équipés d’une bineuse Carré à 80 cm d’écartement, que nous utilisons en chou-fleur, brocoli et pomme de terre, et d’une herse-étrille Grégoire Agri de 6 m de large. Une évolution notable est aussi que nos tracteurs sont désormais équipés d’un guidage GPS pour une plus grande précision du désherbage mécanique. » La protection contre les ravageurs (noctuelles, piéride du chou, mouche du chou… en choux, teigne et mouche mineuse en poireau…) passe par l’observation, les piégeages, l’utilisation de filets anti-insectes, la lutte biologique, des répulsifs, l’adaptation des dates de plantation pour échapper aux pics de ravageurs…

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Et contre les maladies, le choix variétal est essentiel. « L’Organisation bretonne de sélection (OBS) propose de plus en plus de variétés résistantes aux maladies, indique Jean-Philippe Lesné, qui fait partie des administrateurs de l’OBS. Pour tous les légumes, nous choisissons aujourd’hui les variétés les plus résistantes. » La baisse de densité, notamment en poireau, permet aussi de limiter les problèmes. « Produire en bio est très technique, admet le maraîcher. Je bénéficie heureusement de l’appui de deux techniciens de la coopérative Terres de Saint-Malo et du partage d’expérience avec les autres producteurs dont certains produisent en bio depuis vingt ans. »

Chou-fleur : répondre à la demande

 

 
Les filets sur les choux-fleurs d’été protègent la culture des insectes et réchauffent aussi les jeunes plants qui sont plantés en mars. © V. Bargain
Le chou-fleur reste une culture essentielle de l’exploitation. Et alors que les maraîchers n’en produisaient auparavant qu’en automne et hiver, ils cultivent désormais 1,5 ha de chou-fleur d’été, planté en mars, ce qui leur permet de récolter du chou-fleur 11 mois sur 12. « Alors qu’avant, le chou-fleur ne se consommait qu’en automne et hiver, il y a aujourd’hui de la demande toute l’année », constatent-ils. Les producteurs ont aussi adapté le stade de récolte pour répondre à la demande en bio. « En conventionnel, il se vend surtout des choux-fleurs de calibre 6, les plus gros. En bio, la demande porte sur des choux-fleurs plus petits, de calibre 8. En récoltant plus tôt, le risque sanitaire est également moins élevé. »

 

Passer le cap des deux années de conversion

 

 
L’Earl produit une grande partie de ses plants, ce qui lui donne plus de souplesse et limite les coûts d’implantation. © V. Bargain

L’Earl Les Landes vend ses légumes en bio depuis le 1er mars 2020. « Mais il a fallu auparavant passer le cap des deux années de conversion, où nous produisions en bio, avec des surfaces de légumes presque divisées par deux, sans bénéficier des prix des légumes bio, souligne Jean-Philippe Lesné. Nous sommes quatre permanents, mon père, moi et deux salariés, auxquels s’ajoutent des saisonniers qui représentent 2 ETP, soit au total 6 UTH. Et nous voulions conserver toute cette main-d’œuvre. »

En plus des aides à la conversion de l’Etat, l’Earl a pour cela bénéficié d’un accompagnement de la marque lors de la conversion. L’objectif de Prince-de-Bretagne étant de passer de 10 % des volumes en bio actuellement à 20 % en 2030, les trois coopératives regroupées au sein de la marque (Sica Saint-Pol de Léon, Maraîchers d’Armor, Terres de Saint-Malo) ont en effet mis en place un accompagnement technique et financier des maraîchers se convertissant à la bio. Philippe et Jean-Philippe Lesné se sont aussi impliqués dans les essais de production de choux-fleurs « Cultivés sans pesticide », officiellement commercialisés par Prince-de-Bretagne en 2021, et qui pourraient permettre de mieux valoriser les choux-fleurs produits pendant la période de conversion.

 

Parcours

2012 : Bac pro horticulture

2013 : salarié de l’exploitation

2018 : installation en Earl avec son père

2018 : début de conversion

2020 : certification AB

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