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Framboise : dans l'Eure, la SCEA du Framboisier mise sur la transformation

Jean-Baptiste Prévost et Véronique Thibout sont à la tête de la SCEA du Framboisier, au cœur du département de l’Eure. Leur production de plein champ est récoltée mécaniquement, surgelée puis transformée sur place.

Le domaine du Framboisier, installé au cœur de l’Eure, à Mesnil-en-Ouche, est atypique à plus d'un titre. Ses 18 ha plein champ de framboisiers sont récoltés mécaniquement et transformés sur place. La passion de la famille Prévost pour la petite baie rose débute, grâce à une opportunité, au début des années 1990. « Un industriel de spiritueux cherchait, dans le département, des agriculteurs qui voulaient se lancer dans la framboise. Mon père, Jean-Jacques, était intéressé, avec deux autres agriculteurs », se souvient Jean-Baptiste Prévost.

L’exploitation en polyculture compte également un verger de pommiers basse tige. En 1993, il est décidé de consacrer 4 ha à la variété Meeker choisie par l’industriel. Cette variété, non remontante, a une période de récolte, mi-juillet à mi-août, qui s’intercale bien dans le planning des autres travaux. « Deux ans plus tard, lors de la première récolte, l’industriel fait marche arrière, mais il accompagne les agriculteurs pour les aider à trouver d’autres clients », poursuit le producteur. Jean-Jacques Prévost mise alors sur la vente directe de barquettes de framboises fraîches.

Un pétillant sans alcool

A l’époque, Jean-Baptiste Prévost a une quinzaine d’années et il se passionne pour la framboise. « Je suis tombé dedans quand j’étais petit », résume-t-il avec humour. Alors, en 2005, lorsqu’il s’agit de s’installer avec son père et de dégager un revenu supplémentaire, le jeune homme décide de créer de la valeur ajoutée en transformant les framboises. Il commence par un pétillant de framboise sans alcool, une façon de se démarquer. La boisson remporte d’ailleurs, en 2011, une médaille d’or au concours général agricole dans la catégorie jus de fruits et nectar. La gazéification est réalisée par une conserverie voisine.

« Ensuite, nous avons sorti au moins un nouveau produit par an, même si parfois c’était simplement une variété de confiture », souligne Véronique Thibout, cogérante et compagne de Jean-Baptiste Prévost. « Avec l’idée de voir ce qu’il était possible de faire avec le matériel que nous possédons », poursuit Jean-Baptiste Prévost. Aujourd’hui, 50 à 60 tonnes de framboises sont récoltées sur 15 ha, puis surgelées en conditionnement d’1 et 10 kilos, au rythme de 3,5 à 4 tonnes par jour. Puis c’est le stockage sur place dans trois cellules. Environ 60 % du volume est transformé en une large gamme de produits, du plus classique au plus original.

L’imagination du couple de quarantenaires ne semble pas avoir de limite. « La confi’de Marie » compte plus d’une dizaine de déclinaisons : Framboise avec ou sans pépins, associée à l’amande, le cacao, le chocolat blanc, la noix de coco… S’y ajoutent des pâtes de fruits, un coulis, une compote pomme-framboise, une pâte à tartiner, des guimauves, un sirop, un vinaigre ainsi que des apéritifs. « Une vingtaine de tonnes servent à produire du pétillant ; une dizaine de tonnes les confitures », précise Jean-Baptiste Prévost.

L’augmentation des volumes a compensé la hausse des charges

« Nous nous sommes longtemps demandé ce que nous pourrions faire des pépins », rebondit Véronique Thibout. L’idée surgit récemment avec des produits cosmétiques : un savon et un gel douche. Une exception, la version alcoolisée du pétillant, souvent demandée, est restée en suspens jusqu’à présent, en raison de contraintes réglementaires. Les produits du domaine du Framboisier sont vendus, à 70 %, en épicerie fine, caves à vin, magasins de producteurs, essentiellement sur les cinq départements normands, ainsi qu’en Île de France, dans le Centre et en Bretagne. « Nous assurons nous-mêmes les livraisons, précise Jean-Baptiste Prévost, nous y consacrons trois à quatre journées par mois ».

 

En complément, les ventes en ligne sont assurées, notamment par le site Internet et une plateforme de groupements de producteurs. « Nous utilisons également Direct market ». La plateforme met en relation producteurs et commerçants de tout horizon (grande distribution, restauration collective…). « Nous avons ainsi travaillé avec l’enseigne Cora, à Evreux, en fruits frais », se réjouit Jean-Baptiste Prévost. Du côté des prix, « on n’a dû augmenter ceux des pétillants et des apéros que de 50 centimes d’euros en 20 ans », précise le producteur qui se refuse à dépasser certains seuils. L’augmentation continue des volumes de production à compenser jusqu’ici la hausse des charges. « Nous rognons aussi sur nos marges ».

Une marge de 20 centimes d’euros sur un pot de confiture

Les fruits non transformés sont destinés à des artisans et transformateurs de taille intermédiaire, à la recherche d’un fruit avec un taux de sucre élevé. « Notre plus grosse commande s’élève à 3 tonnes », précise le producteur. « Si nous voulions, nous pourrions vendre par avance nos quatre prochaines récoltes complètes à des artisans », remarque Jean-Baptiste Prévost. Une possibilité qui aurait certains attraits. « Quand on intègre notre temps de travail, ce qu’il me semble important de faire pour pouvoir embaucher quelqu’un si l’un de nous deux a un problème, constate Véronique Thibout, la marge doit être de 20 centimes d’euros sur un pot de confiture ». Mais, pour le couple, la vente auprès de particuliers est une composante essentielle de leur métier.

Parcours

1993 Implantation par Jean-Jacques Prévost de 4 ha de framboisiers en vue d’un contrat industriel
1995 Lancement de la vente directe de framboises fraîches

2005 Installation de Jean-Baptiste Prévost et lancement de l’atelier de transformation puis installation de Véronique Thibout
2011 Médaille d’or au concours général agricole pour le pétillant de framboise
2020 18 ha de framboisiers. Lancement d’une culture de myrtilles.

Main-d’œuvre et mécanisation

 
Côté transformation, on trouve une chaîne d’embouteillage/étiquetage (800 bouteilles/heure), un cuiseur à confiture (400 à 500 pots par jour), une épépineuse. © Aletheia Press / LB

« Nous réalisons un chiffre d’affaires annuel moyen de 300 000 euros », relève Véronique Thibout. Outre les deux gérants, deux salariés se partagent sur la SCEA du Framboisier et la structure regroupant les grandes cultures. « Les salariés sont, aux deux tiers, sur la SCEA du Framboisier », note le chef d’entreprise. 10 à 12 saisonniers travaillent, de mi-juin à début août, pour la récolte, ainsi que pour la taille, durant deux à trois mois sur la moitié des framboisiers. Une petite partie de la récolte se fait à la main, mais l’essentiel est mécanisé.

« Nous utilisons deux machines américaines Korvan achetées d’occasion, il y a trente ans, entre 150 000 et 200 000 euros. Elles peuvent traiter 4 ha par jour. Nous assurons l’entretien régulier. Récemment, nous avons changé le système de tapis pour 25 000 euros. Nous avons eu une panne cet été sur l’une d’elles. La pièce nécessaire était uniquement disponible aux Etats-Unis avec un délai de six semaines. Nous avons dû récolter avec une seule machine ». En ce qui concerne les plantations, « nous avons fait des essais mécanisés, mais c’est à la main que les conditions sont les meilleures pour les plants ».

 

Sécuriser, diversifier et certifier

 
Le domaine du Framboisier étend sa gamme chaque année, comme récemment avec des produits cosmétiques. © Aletheia Press / LB

Gel au printemps 2021, sécheresse cet été… Les deux dernières récoltes ont été décevantes et pointent une forme de dépendance de l’exploitation à la culture de framboises. « Cette année, 8 ha ont complètement grillé », constate Jean-Baptiste Prévost. Les solutions pour irriguer sont limitées sur l’exploitation. « On a testé le paillage qui s’est avéré compliqué quand la culture vieillit, avec une concurrence des mauvaises herbes ». Face à des épisodes de ce type de plus en plus fréquents, « nous allons devoir trouver des solutions pour nous adapter ».

En particulier, le domaine du Framboisier produit de petits volumes de rhubarbe, de cassis et de mûroise. Il a également démarré, en 2020, à titre d’expérimentation, la culture de la myrtille. Des difficultés qui n’empêchent pas l’exploitation de s’inscrire dans des démarches de certification. « Nous sommes certifiés HVE, niveau 3, depuis deux ans », note le producteur. « Nous nous sommes également engagés dans une conversion bio pour la production de framboises ».

 

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