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Serres : économiser l’énergie grâce aux CEE

La forte hausse des prix de l’énergie est un coup dur pour les producteurs et impacte fortement les cultures sous serre. Le dispositif des CEE est une réponse partielle à cette problématique, en permettant de bénéficier de financements pour limiter sa consommation d’énergie.

Une trentaine d'équipements faisant l'objet de fiches CEE concernent les producteurs de légumes.
Une trentaine d'équipements faisant l'objet de fiches CEE concernent les producteurs de légumes.
© RFL

Les prix de l’énergie flambent depuis un an. Pour le chauffage des serres, le surcoût est estimé à « 60 centimes par kilo de tomates, ce qui n’est pas sans laisser de traces », souligne Pascal Rousse, secrétaire de Légumes de France, dans Direct Légumes Spécial CEE d’octobre 2021. En effet, les producteurs de légumes peuvent difficilement répercuter cette hausse sur le prix des légumes. « Le dispositif des Certificats d’économie d’énergie permet de donner une partie de réponse à ces problèmes, poursuit Pascal Rousse. C’est un exemple d’accompagnement public de nos investissements limitant notre consommation en énergie et donc également, vertueux pour l’environnement. »

Les Certificats d’économies d’énergie (CEE) sont devenus en quinze ans d’existence l’un des principaux instruments de la politique de maîtrise de la demande énergétique, notamment dans le secteur agricole. Ils ont été créés en 2006 dans le cadre du programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE), dans le but d’imposer aux fournisseurs d’énergie de diminuer le volume de leurs ventes. Ainsi, les fournisseurs d’énergie (les « obligés ») se voient dans l’obligation de réaliser des économies d’énergie auprès des utilisateurs (les « éligibles ») sur une période donnée, sous peine de pénalités financières.

Des économies d’énergie exprimées en kWh cumac

Pour respecter leur obligation, les obligés peuvent soit réaliser des actions d’économies d’énergie auprès des consommateurs afin d’obtenir des CEE ; soit acheter des CEE à des acteurs éligibles ayant eux-mêmes réalisé des actions d’économies d’énergie ; soit contribuer financièrement à des programmes CEE. Les CEE se présentent sous forme de kiloWatt-heure cumac (kWh cumac) d’énergie finale économisée. L’abréviation « cumac » provient de la contraction de « cumulés » et « actualisés » : cette unité représente l’économie d’énergie réalisable sur la durée de vie du produit tout en tenant compte de la réduction des performances au fil du temps. Le prix du kWh cumac fluctue en fonction de l’offre et de la demande sur le marché.

Le dispositif des CEE fonctionne par périodes successives de quelques années qui permettent sa montée en puissance. La période en cours (2018-2021) est la quatrième et vise un objectif de 2 133 TéraWatt-heure (TWh, soit 1 012 Watts) cumac d’économies d’énergie. Elle s’achèvera le 31 décembre 2021. La cinquième période débutera le 1er janvier 2022 et durera cinq ans, soit jusqu’au 31 décembre 2026. D’après Infos CTIFL janvier-février 2021, le secteur de l’agriculture représente 2 % des volumes de CEE. Et parmi ces 2 %, 90 % des volumes concernent les serres.

Une concertation avec les professionnels

Les équipements concernés par les CEE font l’objet de fiches publiées par arrêté ministériel, élaborées par les groupes de travail sectoriels de l’Association technique énergie environnement (ATEE), en concertation avec l’ensemble des professionnels des secteurs concernés. Légumes de France et le CTIFL font partie du groupe agriculture depuis le démarrage du dispositif et participent donc à l’identification des opérations d’économies d’énergie qui pourraient être standardisées et à l’élaboration des projets de fiches.

« Les projets de fiches d’opérations standardisées sont soumis à l’expertise de l’Ademe et du Pôle national des CEE, indiquent les auteurs de l’article « Les Certificats d’économies d’énergie dans la filière serre », publié dans Infos CTIFL janvier-février 2021. Une fois les fiches validées, elles sont examinées par le Conseil supérieur de l’énergie, arrêtées par le ministre chargé de l’énergie, puis publiées au Journal officiel. »

Les équipements éligibles aux CEE sont présentés sur le site internet de l’ATEE. Légumes de France en recense 30 qui concernent les producteurs de légumes, dont 16 qui sont classés dans le domaine Agriculture, 9 dans le domaine Tertiaire et 5 dans le domaine Industriel. Trois nouvelles fiches concernant les serres sont parues en 2021 : l’amélioration de l’isolation des parois de serre, l’installation de matériaux de couverture double paroi et le stockage d’eau pour une serre bioclimatique.

Des groupes froids plus performants

Sur chaque fiche figurent les informations suivantes : le secteur d’application, la dénomination et le numéro de la fiche, les conditions pour la délivrance de certificats, la durée de vie conventionnelle et enfin le montant de certificats en kWh cumac. Une annexe à compléter par le producteur souhaitant bénéficier de ces aides permet par la suite à l’obligé de démarrer les procédures administratives.

« Certaines opérations ont été particulièrement intéressantes avec la hausse du prix des certificats, indiquent les auteurs de l’article d’Infos CTIFL. Par exemple, la fiche AGRI-TH-104, récupération de chaleur sur groupe froid hors tank à lait, a permis de largement contribuer à l’achat d’un nouveau groupe froid plus performant sur les exploitations. Cette opération s’accompagne également des fiches sur la régulation du groupe froid par haute pression flottante ou basse pression flottante (AGRI-UT-104 et AGRI-UT-103) qui permettent d’optimiser l’installation. Les producteurs d’endives ainsi que les exploitations qui disposent d’installations pour le stockage et le conditionnement de produits ont largement utilisé ces fiches au cours de ces derniers mois » (voir Avis de producteur).

D’après Direct Légumes Spécial CEE et Infos CTIFL n°368 - Les Certificats d’économies d’énergie dans la filière serre (Ariane Grisey, CTIFL, Alice Richard, Légumes de France et Nicolas Tonnet, Ademe)

90 % du volume des CEE du secteur de l’agriculture concerne les serres.

En pratique

Le financement d’un double dispositif de chauffage pour une serre de 1 ha est estimé à 24 050 € selon Légumes de France (montant calculé à partir d’une estimation marché du taux entre juin 2021 et 2022, soit 0,65 € HT/kWh cumac).

Avec cette même estimation, le financement d’écrans thermiques latéraux est de 2 730 € pour une serre de 1 ha et celui d’un système de déshumidification avec l’air extérieur est de 26 650 € pour 1 ha.

Trois exemples de fiches CEE pour les serres

Double écran thermique

 

© CTIFL
La fiche « double écran thermique » vise la mise en place, au-dessus des cultures d’une serre chauffée, d’un double écran thermique ou d’un second écran en complément d’un premier existant. Pour cet équipement, le montant de certificats délivrés est de 410 kWh cumac par m² de serre équipée (serres maraîchères). Pour des serres horticoles, il est de 280 kWh cumac par m² de serre équipée.

 

Stockage d’eau chaude

 

© RFL
Cette fiche concerne la mise en place d’un dispositif de stockage d’eau chaude de type « Open Buffer » pour le chauffage de serres maraîchères. La réutilisation d’un ballon d’eau chaude existant en dispositif de type « Open Buffer » n’est pas éligible dans le cadre de cette opération standardisée. La mise en place de cet équipement permet d’obtenir 140 kWh cumac par m² de serre chauffée par le dispositif.

 

Déshumidificateur thermodynamique

 
© CTIFL
Cette fiche traite de la mise en place d’un déshumidificateur thermodynamique pour gérer l’hygrométrie. Le ratio R, défini comme la capacité de condensation à 20 °C et 80 % d’humidité divisée par la puissance électrique absorbée, doit répondre aux conditions suivantes : si le déshumidificateur est installé à l’extérieur de la serre avec gaines, R ≥ 0,4. S’il est installé à l’intérieur sans gaines, R ≥ 0,2. Le montant du gain est de 430 kWh cumac par m² de serre équipée.

 

Le montage du dossier

Le registre national des CEE, EMMY, est une plateforme qui permet de déposer des dossiers de demande de certificats et de rentrer en contact avec des acheteurs ou des vendeurs. Il permet également d’avoir mensuellement le prix moyen et le volume déposé.

Légumes de France propose également un service sur mesure aux producteurs de légumes qui souhaitent valoriser des CEE, à savoir un accompagnement lors du montage de dossier et une valorisation des CEE au meilleur prix par le producteur. En effet, le montage d’un dossier CEE pour obtenir les primes est une démarche administrative précise, qui implique le respect d’une procédure rigoureuse. Elle débute par l’établissement d’un devis par un professionnel et la vérification de l’éligibilité des travaux au dispositif des CEE, étape qui permet d’estimer le volume des CEE potentiellement généré et le montant de la prime CEE. Vient ensuite l’étape de la signature de la convention de valorisation, qui doit impérativement intervenir avant la commande des travaux. Une fois les travaux achevés, une attestation sur l’honneur est signée par le bénéficiaire et le professionnel, puis l’obligé dépose le dossier auprès de l’Etat pour validation. Le dépôt des dossiers au Pôle national des CEE doit intervenir dans les douze mois suivant la fin des travaux.

 

Avis de producteur : Philippe Brehon, producteur d’endives

« Je connaissais déjà les CEE mais je ne savais pas que Légumes de France proposait un service d’accompagnement. Quand j’ai su cela, j’ai demandé à la chargée de mission énergie-environnement de Légumes de France de s’en occuper pour moi. Elle a pris contact avec mon frigoriste. Moi, en fait, je ne me suis occupé de rien. J’ai juste transmis le devis du frigoriste à Légumes de France. Nous avons fait installer un récupérateur de chaleur pour supprimer les chauffages électriques dans la salle de conditionnement.

On les a remplacés par un système de chauffage qui récupère les calories du frigo pour, premièrement, dégivrer le frigo en lui-même (dégivrage à l’eau chaude) et deuxièmement, chauffer la salle de conditionnement avec le surplus. La démarche a été un peu longue mais à partir de l’établissement de la facture, le paiement est arrivé très rapidement. Pour notre endiverie, les CEE nous ont permis de réaliser un investissement à moindre coût, nécessaire à la préservation de la qualité de nos racines d’endives. Surtout avec le prix de l’énergie en ce moment, grâce à la récupération de chaleur on consomme moins pour chauffer les bâtiments et la facture d’électricité diminue. »

 

Témoignage paru dans Direct Légumes spécial CEE

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