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Dossier Salade : Coup d’accélérateur sur les semences bio

La gamme variétale de l’espèce ‘Laitue’ proposée par les semenciers est au centre de toutes les attentions. Clé de voûte de la construction d’une filière bio durable, autonome et crédible vis-à-vis des consommateurs, elle constitue une impérieuse nécessité face à un dispositif de dérogations exceptionnelles voué à disparaître.

Depuis 2003, le règlement européen impose aux agriculteurs biologiques l’obligation d’utiliser des semences biologiques. La définition réglementaire établit qu’il s’agit d’une semence dont le porte-graine ou la plante parentale (matériel de reproduction végétative) a été produit sans utiliser d’organismes génétiquement modifiés et, conformément aux règles de l’agriculture biologique, sur une parcelle biologique, pendant au moins une génération (ou, s’il s’agit de cultures pérennes, deux saisons de végétation). « L’utilisation de semences biologiques vise à développer une filière spécifique visant à préserver la cohérence de l’agriculture biologique et sa crédibilité vis-à-vis des consommateurs dont les exigences d’un point de vue sanitaire et environnementale ne cessent de s’accroître », explique Jean-Michel Mounier de la SARL du Tilleul à Châteaurenard.

 

 

Pour ce représentant de la 3e génération de producteurs de plants maraîchers au sein de cette société engagée depuis plus de 20 ans dans ce mode de production, l’état d’esprit de l’ensemble des acteurs de la filière serait en train de changer. « Il y a une certaine inertie mais tous les acteurs de la filière sont désormais en marche et avancent tous ensemble dans le bon sens », déclare-t-il avec optimisme. Une nécessité dans la plupart des espèces potagères pour lesquelles l’offre en semences biologiques ne permet pas de satisfaire toutes les demandes des producteurs. Pour pallier le manque de disponibilité en semences bio, un système de dérogations a été créé à l’échelle européenne en vue de permettre aux producteurs d’utiliser des semences conventionnelles non traitées. « Afin de ne pas rester sur un système de dérogations, un classement des différentes espèces en quatre catégories a été établi dès 2003. L’idée vise à aller vers plus de cohérence en rendant les filières biologiques autonomes et indépendantes des filières conventionnelles », explique Catherine Mazollier du GRAB et référente bio maraîchage PACA.

Hors Dérogation pour les principaux types de salade

On distingue ainsi les espèces dont les semences conventionnelles sont autorisées avec dérogation, celles en autorisation générale pour lesquelles les semences conventionnelles sont autorisées sans dérogation. Pour les espèces Hors Dérogation (HD), aucune semence conventionnelle n’est autorisée sauf dans deux cas, celui de l’utilisation d’une variété particulière dont l’autorisation s’avère indispensable comme le choix de variétés résistantes au froid ou à toutes les races de Brémia et celui de la mise en place d’un petit essai d’une variété pas encore disponible en semences bio. Dans ces deux seuls cas, une autorisation exceptionnelle exigeant un argumentaire technique très précis et détaillé de l’agriculteur est demandée. Pour obtenir une dérogation qu’elle soit exceptionnelle ou pas, les agriculteurs doivent faire une demande préalable sur le site www.semences-biologiques.org. La décision finale d’octroyer une autorisation exceptionnelle revient à l’organisme certificateur qui, très majoritairement, suit l’avis de la commission composée d’un groupe de consultants composé de cinq experts indépendants spécialistes du maraîchage nommés par l’Inao.

Un 4e statut appelé ‘Ecran d’alerte’ définit une période transitoire avant l’accès au statut Hors Dérogation. « L’objectif est de laisser du temps aux semenciers, aux producteurs de plants ainsi qu’aux producteurs de s’organiser et se préparer au passage au statut HD », précise Catherine Mazollier. La salade est l’une des premières espèces qui est passée en statut hors dérogation dès 2011. A ce jour, les salades type laitue beurre blonde et batavia blonde d’abri et de plein champ, les feuilles de chêne rouge et blonde d’abri et de plein champ (sauf feuilles pointues de plein champ) et les laitues romaines de plein champ, les scaroles et frisées fines sont en statut Hors Dérogation. Seules les multifeuilles et jeunes pousses, en forte hausse pour les laitues, font exception. « Au regard d’un développement important du marché des laitues produites en AB, la Commission semences et plants du CNAB a proposé le passage en statut Hors dérogation des laitues jeunes pousses au 1er janvier 2022 ; L’ensemble des laitues ‘toutes catégories’ sera hors dérogation au 1er janvier 2023 », indique Olivier Catrou, responsable du pôle Agriculture Biologique de l’Inao.

Vers une harmonisation européenne

Actuellement, la réglementation européenne permet à chaque état membre de mettre en place un système de dérogation selon ses propres critères. Ainsi, si la France et l’Allemagne exigent des critères assez restrictifs, l’Italie et l’Espagne ont fait le choix d’un dispositif plus souple avec plus d’espèces dérogeables et une utilisation plus fréquente des semences conventionnelles non traitées. « Cette situation est à l’origine de distorsions de concurrence au sein de l’Europe défavorables aux producteurs français. De surcroît, elle n’incite pas les semenciers à faire évoluer leur gamme biologique alors qu’une harmonisation de la réglementation européenne permettrait de créer une vraie dynamique chez les semenciers », analyse Catherine Mazollier. Un avis partagé par Jean-Michel Mounier qui rappelle que l’harmonisation européenne sera effective en 2035. Un horizon assez lointain qui ne doit toutefois pas contribuer à ce que tous les acteurs français et les semenciers baissent la garde afin de rester dans un cercle vertueux et prêts pour cette échéance. De son point de vue, la problématique de la filière salade ne vient pas du statut Hors dérogation mais du mildiou (Brémia) et des contournements de résistances par le champignon. En vue de se préparer à cette échéance, le programme européen Liveseed regroupant 49 partenaires et couvrant 18 pays européens lancé en 2007 a pour ambition d’améliorer la transparence et la compétitivité du secteur des semences et de la sélection bio. L’objectif est d’atteindre l’utilisation de 100 % de semences biologiques de variétés adaptées à ce mode de production. Un enjeu que la plupart des semenciers ont désormais intégré…

Un site pour gérer les dérogations

Lancé en 2004 et totalement renové en 2018, le site www.semences-biologiques.org a été conçu en vue de faciliter l’application du règlement européen en matière de semences biologiques. Il s’agit d’une base de données informatisée nationale gérée par l’autorité compétente, l’Inao qui en a délégué la gestion opérationnelle au Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) qui la met à jour régulièrement. Mise à disposition sur le site www.semences-biologiques.org, cette base de données a pour but de mettre en lien les fournisseurs de semences et matériels de reproduction végétative et les utilisateurs des semences biologiques. Chaque utilisateur peut donc consulter et visualiser les variétés disponibles en qualité biologique pour la majorité des espèces utilisées en agriculture. L’outil informatique permet de saisir une demande de dérogation en cas d’indisponibilité en semences biologiques. Il permet également aux agriculteurs et maraîchers, qui ne trouvent pas les variétés adaptées à leurs besoins, de faire avant l’achat, une demande de dérogation à utiliser des semences non biologiques non traitées auprès de leurs organismes certificateurs. Enfin, via le site, les organismes certificateurs peuvent instruire, par délégation de l’Inao, les demandes de dérogations de leurs contractants. A noter que la demande de dérogation doit être antérieure au semis. Elle doit être faite la semaine avant la semaine du semis. Par exemple, si vous souhaitez une variété non disponible en AB la semaine 3, il faudra faire la demande de dérogation au plus tard le dimanche de la semaine 2. Pour les espèces classées Hors dérogation ou Ecran d’alerte, l’obtention de la dérogation est exceptionnelle car il existe un nombre suffisant de variétés disponibles en semences biologiques. Dans ces deux cas, la demande de dérogation doit être argumentée. L’argumentation est soumise à un groupe de consultants indépendants qui jugera de la recevabilité de l’argumentation du producteur et transmettra son avis à l’organisme certificateur qui prend la décision finale.

B.B.

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