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Dossier Poireau : l’enjeu capital du plant

Si le plant est un enjeu essentiel pour tous les producteurs de poireau, les pratiques varient selon les bassins. Le manque de solutions de désherbage rend la production de plants de plus en plus difficile en France et amène à en importer.

Pour les producteurs de poireaux, le plant est un enjeu capital. Sa qualité assurant une bonne reprise à la plantation conditionne en grande partie la réussite de la culture. Si les plants d’arrachis restent majoritaires, on trouve aujourd’hui des plants en mottes compressées et en mini-mottes.

Avoir des plants homogènes

Semés en plaques alvéolées souvent posées sur des grilles ou des tables pour limiter le risque fusariose, les poireaux en mini-mottes sont élevés sous serre ou grands abris. La part croissante des plants achetés marque une autre évolution. « Environ 65 % des surfaces sont aujourd’hui cultivées à partir de plants achetés », estime Alexis Garreau, responsable plants chez Graines Voltz. Outre qu’il permet l’approvisionnement en plants de contre-saison, l’achat évite la prise de risque liée à la pépinière. Avec la généralisation des hybrides, dont la semence est très coûteuse, la réussite de la pépinière est en effet devenue primordiale. « La prise de risque, acceptable en variété population, l’est beaucoup moins en hybride », souligne Christophe Fleurance, de la Chambre d’Agriculture du Loir-et-Cher. L’achat permet aussi d’avoir des plants homogènes, de bonne qualité sanitaire, de choisir la longueur selon la technique de plantation, de suivre plus facilement un planning de plantation. Et il évite la phase de production du plant. Une pépinière implique en effet du temps pour la préparation de sol, le semis, l’irrigation, la surveillance… Puis pour l’arrachage et le tri des plants, chantier qui doit être mené en même temps que le chantier de plantation (voir encadré).

Maroc et Espagne pour les créneaux primeurs

L’achat mais aussi l’importation se développent donc, pour les producteurs mais aussi les pépiniéristes. « Pourtant, il y a des risques à importer des plants, souligne Bruno Pitrel. On peut y retrouver des résidus de produits phytosanitaires non homologués en France. Il y a aussi un risque d’importation de problèmes sanitaires comme les fusarioses, le souchet ou des nématodes. Mais pour relocaliser davantage la production de plant en France, il faudrait des solutions de désherbage adaptées ». Les pratiques varient selon le créneau, le mode de plantation et la disponibilité en main-d’œuvre. En région nantaise, spécialisée en poireau primeur, les plants sont majoritairement achetés en mini-mottes au Maroc, une petite partie en Espagne. « Le Maroc fournit des plants de 70-75 jours très développés, avec une semaine de précocité par rapport à l’Espagne et alors qu’il faut 90 à 110 jours pour produire des plants en France pour ce créneau », indique Serge Mével, du Cddm. En Ille-et-Vilaine, 50 % des producteurs de Terres de Saint-Malo produit leurs plants, 8 % utilise uniquement des plants d’arrachis des Pays-Bas (80 %) ou de Normandie (20 %), 32 % ayant les deux pratiques. Le semis est assuré en prestation par la coopérative. Les graines sont semées en plaques plastiques de 500 trous en mars-avril pour des plantations de mi-juin à mi-juillet. L’élevage se fait surtout en hors-sol sous tunnel, les plaques étant posées sur une bâche neuve. Depuis deux ans, face notamment au risque fusariose, deux autres techniques se développent également. En 2017, 6 % des producteurs a élevé leurs plants sous tunnel sur 5 cm de compost, le compost protégeant les racines du dessèchement et renforçant ainsi la résistance aux maladies. 17 % a adopté une technique mise au point par des producteurs bio consistant à poser les plaques au sol en extérieur, avec éventuellement une bâche P17 ou Mikroclima. « Les plants ont alors un système racinaire plus développé et se rapprochent des plants d’arrachis, sans le souci du désherbage », souligne Jean-Philippe Stien. Dans les deux cas, la reprise est améliorée. Dans un essai en 2016-2017, les pertes n’ont été que de 10 % sur compost et sur sol extérieur, contre 40 % en hors-sol.

Soulager des périodes déjà très chargées

Dans la Manche, un tiers des plants sont auto-produits, essentiellement pour les plantations de juin-juillet. Les graines sont semées sur des sols légers, portants à cette époque et qui limitent le risque d’enherbement. Le reste est acheté essentiellement en plants d’arrachis aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne et en France. En Sologne, où les producteurs ont beaucoup de travail au printemps avec l’asperge et la fraise, l’essentiel des plants est désormais acheté, principalement aux Pays-Bas. Les poireaux sont plantés à trou (60-70 %) ou à bande de mi-mai à fin juillet pour des récoltes de fin août à avril. En Rhône-Alpes, les producteurs étant très occupés au printemps avec l’implantation et le début de récolte des salades et des choux, 95 % des plants est aujourd’hui acheté aux Pays-Bas ou en Belgique. Dans le Nord, la majorité des producteurs achètent désormais tous leurs plants, beaucoup à cette période étant occupés par d’autres cultures (salades, choux…). Certains continuent toutefois à produire leurs plants. Les poireaux sont semés de mi-mars à mi-avril au semoir de précision, en général partagé entre plusieurs producteurs, puis recouverts d’un P17 ou P19 pour garder l’humidité. « Mais leur nombre diminue chaque année du fait des problèmes de désherbage et de la disponibilité en temps », constate Florence Couloumies. Pour les productions de juillet à septembre, les plants sont achetés en Espagne, au Maroc ou aux Pays-Bas. Les plantations se faisant à la Grégoire-Besson du fait des sols très lourds, tous les plants sont achetés en racine nue.

La pépinière est dans l’impasse

« Beaucoup de producteurs arrêtent la pépinière par manque de temps et surtout face aux impasses techniques du désherbage », constate Florence Couloumies, du Pôle Légumes Nord. En effet, avec le retrait du Totril et du Linuron, les solutions de désherbage en pépinière de poireau sont aujourd’hui très réduites. Le Lentagran reste utilisable mais peu efficace sur adventices développées. En 2017, une dérogation a aussi été obtenue pour Emblem, sans certitude pour 2018. D’autres solutions sont possibles, comme le binage, après le stade 3 feuilles, le désherbage thermique, la désinfection vapeur, la solarisation… « Mais pour une pépinière de plein champ, les techniques de gestion du risque adventices non basées sur l’utilisation d’herbicides augmentent le coût de production et n’apportent pas toujours un niveau de réussite suffisant, souligne Bruno Pitrel, du Sileban. Par ailleurs, ces techniques ne sont pas mobilisables dans toutes les situations et l’échec ou la difficulté à produire le plant amènent de plus en plus à un choix de prestation extérieure ». L’autoproduction permet en revanche plus de souplesse pour les plantations et est en général moins coûteuse. « Des plants produits à la ferme économisent 1 000 €/ha par rapport à des plants d’arrachis étrangers », calcule Jean-Philippe Stien, de Terres de Saint-Malo. La rentabilité toutefois est aléatoire. « Pour être rentable, le taux de germination doit dépasser 80 % », rapporte Florence Couloumies.

Plants homogènes et de qualité

Les qualités recherchées pour les plants sont l’homogénéité, la fraîcheur, l’absence de pathogène (fusariose, thrips, mineuses, nématodes…), un diamètre crayon, un système racinaire développé et des racines coupées à 2 cm pour faciliter la plantation et la reprise. La longueur varie de 20 à 26 cm selon la profondeur de plantation. En primeur, la plantation se faisant en jours croissants, les plants doivent aussi être les plus jeunes possibles pour limiter le risque de montaison. Enfin, le respect des dates et heures de livraison est essentiel pour le suivi des plannings de plantation.

 

 

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