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Dossier Melon : trouver des solutions contre la bactériose

L’extension des épidémies et le manque de solutions pour contrer le développement de la maladie font de la bactériose un problème sanitaire majeur en melon. Plusieurs solutions sont à l’étude.

Le caractère brutal des attaques, les conséquences graves sur la culture et le manque de solutions font de la bactériose l’un des problèmes sanitaires majeurs les années fraîches.
© Acpel

Apparue au début des années 1990, la bactériose du melon, liée principalement à la bactérie Pseudomonas syringae pathovar aptata (Psa), s’étend aujourd’hui à l’ensemble des régions de production. Le Centre-ouest, du fait de conditions souvent humides et d’une part importante de production sous chenilles et bâches, et le Sud-ouest, sont particulièrement concernés. Le Sud-est n’y échappe pas non plus, avec des épidémies parfois sévères comme cela a été le cas en mai-juin 2018. « Les bactéries phytopathogènes sont une problématique émergente et/ou en recrudescence ces dernières années, en lien en particulier avec le climat, constate Marie-Lisa Brachet, du CTIFL. Et le melon, avec Pseudomonas syringae pv. aptata, est une des principales cultures concernées avec le kiwi et le noyer. » Le risque est important notamment lorsque, pendant quatre jours successifs, la température minimale est inférieure à 12-13°C, la température moyenne inférieure à 20°C et l’amplitude thermique inférieure à 17°C. Les dégâts peuvent toucher les feuilles, les tiges et les fruits. Sur feuille, la bactériose se manifeste par de petites taches huileuses, vert sombre, devenant chlorotiques et nécrotiques et pouvant conduire au dessèchement de secteurs entiers du limbe. Sur tige, la maladie se manifeste par des chancres. Sur fruit, Pseudomonas syringae provoque des taches huileuses plus ou moins étendues et noirâtres, notamment des taches en dépression s’accompagnant de pourritures internes plus ou moins profondes. « Les attaques sur feuilles entraînent un affaiblissement de la plante et une baisse du taux de sucre, indique David Bouvard, de l’Acpel. Mais le principal problème est lié aux attaques sur fruits qui peuvent provoquer une forte chute du rendement. Et le suivi est rendu encore plus compliqué par le fait qu’il peut y avoir des attaques sur fruits sans qu’il y en ait eu sur les feuilles. Parfois même, les dégâts ne se voient sur les fruits que quelques jours après la récolte, ce qui peut alors entraîner des refus de lots. »

Quelles solutions autres que le cuivre ?

La seule spécialité autorisée pour la bactériose sur melon est la bouillie bordelaise qui constitue la base de la protection. Elle est utilisée pour protéger préventivement les cultures en périodes froides et pluvieuses, pendant tout le cycle de culture. Son efficacité est toutefois limitée, de 30 à 40 % sur feuillage et parfois moins encore sur fruit. De plus, la diminution des quantités de cuivre utilisables rend urgent le fait de trouver d’autres solutions. Des pratiques préventives permettent de limiter les risques : techniques réduisant l’humidité au sein de la parcelle et évitant la présence d’eau stagnante sur la surface des feuilles (privilégier l’irrigation par goutte-à-goutte, pas d’aspersion), limiter les excès d’azote qui rendent les plants plus fragiles, bien nettoyer le matériel de culture et de récolte entre deux parcelles et finir par les parcelles présentant des risques de bactériose… Un modèle de prévision des risques bactériose (CTIFL, Acpel, Cefel) existe également, basé sur les températures basses et moyennes et sur l’amplitude thermique. « Ce modèle, actuellement peu utilisé, pourrait peut-être être amélioré », estime David Bouvard.

Sensibilité variétale et biocontrôle

Un levier essentiel est celui des sensibilités variétales. « La recherche de résistances à la bactériose sur melon est rendue complexe par le fait qu’il y a des différences dans une variété entre la sensibilité observée sur feuille et tige et celle observée sur fruit, constate David Bouvard. Aucune variété n’est actuellement résistante. Mais des différences de sensibilité des variétés vis-à-vis de la bactériose sont observées. » En 2018, des essais de sensibilité variétale à la bactériose des variétés de référence dans le Centre-ouest ont donc été engagés à l’Acpel, avec la participation de la plupart des semenciers. « Ces essais, dans un contexte d’attaque de bactériose limitée, ont montré des différences de sensibilité, révèle l’expérimentateur. Ils devront être poursuivis pour pouvoir à terme orienter le choix des producteurs vers des variétés ayant un bon comportement à certains bioagresseurs. » Une autre piste encore est celle des produits de biocontrôle, déjà homologués ou non pour d’autres usages, ou de produits alternatifs (dolomite, extraits de plantes…). « L’idée serait de pouvoir réduire les doses de cuivre en l’associant à un produit de biocontrôle ou alternatif. » Les essais réalisés à l’Acpel depuis 2010 montrent notamment l’efficacité du Bion 50 WG, qui devrait être autorisé pour l’usage bactériose sur melon en 2020 et qui s’avère également intéressant contre d’autres bioagresseurs.

Améliorer le diagnostic

En 2017-2018, 30 échantillons de feuilles et de fruits présentant des symptômes faisant penser à la bactériose ont été prélevés dans les différents bassins de production puis analysés. « En France et en Europe, la bactériose sur melon est principalement liée à Pseudomonas syringae pv. aptata, précise Marie-Lisa Brachet. Mais dans le monde, d’autres bactéries peuvent s’attaquer au melon. Or, depuis plusieurs années, des symptômes bactériens atypiques par la nature de la tache ou les conditions d’expression sont observés en France. Les hypothèses étudiées dans ces analyses étaient soit la présence de Pseudomonas syringae pv. aptata avec des symptômes peu communs, soit la présence d’Acidovorax citrulli, bactérie encore jamais décrite sur le territoire mais présente aux Etats-Unis. » Sur les 30 échantillons, plus de 200 souches bactériennes différentes ont été isolées. Neuf échantillons seulement étaient positifs à P. syringae pv. aptata, zéro à Acidovorax citrulli et cinq liés à des souches pathogènes « non identifiées », dont deux appartenant à l’espèce P. syringae. « Le fait qu’il n’y ait pas d’échantillon positif à Acidovorax citrulli est rassurant, rapporte Marie-Lisa Brachet. Mais 50 % des échantillons restent sans diagnostic et sont peut-être liés à un champignon. Il faudrait reposer le problème du diagnostic de la bactériose sur melon. »

La piste prometteuse des peptides antimicrobiens

Des produits de biocontrôle de la bactériose basés sur des peptides antimicrobiens ont été évalués et sont potentiellement utilisables à l’avenir.

Depuis de nombreuses années, des recherches ont été engagées au niveau mondial sur les peptides antimicrobiens, molécules courtes de 10 à 50 acides aminés produites par des micro-organismes (bactéries, champignons…) ou d’origine synthétique. Des travaux sont menés notamment dans le domaine médical dans le cadre des recherches sur la résistance aux antibiotiques. En Nouvelle-Zélande, de gros travaux ont également été engagés pour la lutte contre la bactériose du kiwi. Plus de 400 molécules ont été testées in vitro, puis pour certaines sur plantules (100 molécules) et enfin en verger (3 molécules). A partir de tous ces travaux, un programme Casdar de recherche technologique a été lancé en 2017 pour 18 mois par le CTIFL et l’Inra sur l’évaluation des peptides antimicrobiens vis-à-vis de la bactériose. « L’idée est de rechercher une efficacité des peptides antimicrobiens comme antibactériens ou comme stimulateurs de défense des plantes », explique Marie-Lisa Brachet.

Effet antibactérien démontré

Dans une première phase, quatre peptides antimicrobiens issus de la bibliographie ont été testés in vitro sur plusieurs bactéries pathogènes de différentes cultures (kiwi, noix, melon, abricot, laitue, concombre…). Concernant le melon, ces quatre peptides ont été testés contre Pseudomonas syringae pv. aptata, en comparaison avec un antibiotique, la streptomycine. A 24 h, trois ont inhibé le développement de la bactérie au même titre que l’antibiotique, dont un à la même concentration que celui-ci. A 48 h, ces mêmes peptides inhibaient encore le développement bactérien, alors que la streptomycine n’avait plus d’activité. « Ce premier essai démontre donc l’effet biocide de ces peptides », souligne Marie-Lisa Brachet. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont étudié les applications possibles sur les cultures cibles en analysant leur toxicité vis-à-vis de la plante et leur résistance à la protéolyse, indispensable pour que le peptide ne soit pas dégradé par la plante. Un seul peptide s’est avéré sensible à la protéolyse. Les essais de phytotoxicité sont en cours d’analyse. Enfin, les essais ont montré que ces peptides n’ont pas d’effet biocide sur Pseudomonas fluorescens, bactérie utilisée dans plusieurs produits de biocontrôle. « Le concept de l’effet antibactérien de certains peptides est donc validé, résume la chercheuse. La phase suivante sera d’étudier l’efficacité in vivo des peptides. Nous discutons actuellement avec des firmes pour établir des partenariats, des bacillus et des trichoderma notamment produisant des peptides antimicrobiens. » D’ici au mieux cinq ans, si les micro-organismes en question sont homologués au niveau européen, et plutôt dix ans s’ils ne le sont pas, des produits de biocontrôle de la bactériose basés sur des peptides antimicrobiens pourraient donc être commercialisés.

 

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