Diversifier pour réduire les importations
La Guadeloupe a des défis à relever pour augmenter sa production et développer la consommation de produits locaux. L’île n’assure que 20 % de ses besoins alimentaires et 60 % de son approvisionnement en fruits et légumes.
La Guadeloupe a des défis à relever pour augmenter sa production et développer la consommation de produits locaux. L’île n’assure que 20 % de ses besoins alimentaires et 60 % de son approvisionnement en fruits et légumes.
En Guadeloupe, plus de 90 % de la production de fruits et légumes est écoulé sur le marché local.
En Guadeloupe, les deux productions principales restent la canne à sucre et la banane. Mais ces filières sont menacées. La première par la fin des quotas sucriers en 2017 (NDLR : le ministère vient d’annoncer un plan de soutien de 38 millions d’euros pour la filière de cannes sucrières). La seconde a dû faire face au scandale sanitaire du chlordécone et un plan banane durable a été mis en place, visant notamment à développer des solutions alternatives pour lutter contre les cercosporioses (sélection de variétés résistantes). Dans ce contexte, de plus en plus de producteurs s’engagent dans la diversification maraîchère et vivrière, qui leur apporte un atout en termes de trésorerie, avec des rentrées d’argent plus régulières.
« Proposer un ananas à un prix raisonnable »
En Guadeloupe, plus de 90 % de la production de fruits et légumes est écoulé sur le marché local, seul le melon prend la destination de l’Europe, grâce au partenariat commercial entre l’Organisation de producteurs (OP) Caraïbes melonniers et l’entreprise Boyer. L’OP rassemble 37 producteurs de Guadeloupe et Martinique dont une dizaine de nouveaux adhérents en 2015. « Si les melons destinés à l’export restent l’activité principale (80 %), l’OP souhaite également diversifier sa production », explique la directrice, Valérie Nicolas.
De l’autre côté de l’île, le nord de Basse-Terre possède des sols riches en fer, bien adaptés à la culture de l’ananas. À Caféière, Richard Bonfils s’est installé en 2007 sur près de sept hectares. Il a progressivement atteint douze hectares, ce qui lui facilite les rotations depuis qu’il a choisi la diversification en cultures maraîchères. Il mélange les cycles courts et longs pour la trésorerie. Grâce aux rotations et à un atelier volailles, il a réduit son utilisation d’engrais. Mais le désherbage reste manuel. « Nous formons beaucoup de stagiaires », mentionne-t-il. Chez Richard Bonfils, l’eau est aussi une problématique (NDLR : un barrage devrait voir le jour dans la région, avec une capacité de stockage de cinq millions de mètres cubes). Les producteurs guadeloupéens subissent aussi d’autres nuisances comme le vol : « Un matin, quand nous sommes arrivés, toute la parcelle d’ananas avait été récoltée », raconte le producteur. À 20 km de Caféière, Patrick Patay est un ancien éleveur ovin. Il élevait des races sélectionnées par l’Inra et destinées à la reproduction. Il a dû réorienter son exploitation vers le végétal, à la suite d’attaques de chiens errants qui ont décimé son troupeau. Il cultive entre autres du manioc et de l’ananas. Grâce à l’hormonage avec de l’éthylène, il fractionne l’arrivée à maturité de sa production, ce qui lui permet d’avoir des rentrées d’argent régulières et d’arriver sur le marché aux périodes les plus propices. Satisfait du sérieux des grossistes avec qui il travaille, il souhaiterait se réapproprier une partie des marges faites par les intermédiaires et réfléchit avec d’autres producteurs à la création d’un point de vente, « afin aussi de proposer au consommateur un ananas à un prix raisonnable. On tue le marché avec les prix aux consommateurs ». Il fait deux récoltes sur une culture et récolte également des plants qu’il revend. « Rien qu’avec les plants, je rentabilise la culture. Le fruit, c’est du bonus ».
La double insularité exacerbe les problèmes
À une heure de bateau de Pointe-à-Pitre, Marie-Galante, avec sa double insularité, doit résoudre des problématiques exacerbées. Chantal Carabin est une des rares maraîchères à titre principal de l’île. Elle a commencé son activité en 1987, au départ sur quelques ares familiaux. Elle a ensuite progressivement agrandi son exploitation, ne gardant la canne à sucre que pour la rotation, « car la rentabilité est trop faible ». Elle cultive aujourd’hui près de cinq hectares, dont 11 serres tunnels (1,8 ha) pour protéger certaines cultures (tomates, salades…). « Cela facilite la gestion de la production et me permet d’obtenir plus de rendement et d’utiliser moins de pesticides », explique-t-elle. Les plastiques des serres résistent mieux ici qu’en métropole, environ 15 ans, car l’amplitude thermique est plus faible. « Nous sommes en train de changer les plastiques mis en place en 2000. En revanche, le fil en nylon fond ». On retrouve à Marie-Galante des problématiques identiques à la Guadeloupe. Ici, le foncier est très fortement morcellé avec 30 % de Surface agricole utile (SAU) en indivision, et l’eau se fait parfois rare (voir encadré). « En Guadeloupe, sur 50 000 ha de SAU, 20 000 ha sont en friche ou sous-exploités », chiffre Jocelyn Sapotille, président de la communauté de communes de Nord Basse-Terre.
Mieux valoriser les déchets verts
La situation insulaire de la Guadeloupe pose des difficultés en termes d’approvisionnement en intrants (emballage, engrais organique…) et en matériel, et de gestion des déchets (plastiques). « Il n’y a pas de production de compost véritablement destiné à l’agriculture. Dans le produit que nous utilisons, issu du traitement des déchets verts, il y a des métaux lourds, des détritus... il n’est pas stable », s’inquiète Stanley Manyri, maraîcher de nord Basse-Terre à Daubin Petit-Bourg. Des projets portés par les collectivités sont à l’étude, pour collecter les déchets verts et mieux les valoriser pour les amendements agricoles, dans des conditions climatiques (chaleur et humidité) qui ne facilitent pas l’obtention de produits de qualité. Pour enrichir ses sols, Stanley Manyri produit du lombric-compost, dans des baignoires, en récupérant des fientes d’élevages et du marc du café.
Moins de 5 ha : SAU moyenne par exploitation
1900 agriculteurs produisent des légumes frais. La Guadeloupe est autosuffisante en tomate, concombre, salade et melon
1000 agriculteurs produisent des fruits (hors banane)
Plus de 90 % de la production est écoulée sur les marchés de proximité
Sécheresse et tempête tropicale
C’est sa répartition dans le temps qui pose des difficultés aux producteurs. « En 2015, la Guadeloupe a subi une sécheresse de sept mois, comme cela n’était pas arrivé depuis 50 ans. Et la pluie a fini par arriver, sous forme de tempête tropicale », rappelle la présidente de la FDSEA de Guadeloupe, Maxette Grisoni. En Guadeloupe, la problématique de l’eau ne concerne pas que l’agriculture. En novembre, des manifestations ont eu lieu à Caspesterre-Belle-Eau, qui fournit une grande partie de l’eau potable de l’île mais subit aussi très souvent des coupures. Certains habitants sur les hauteurs n’ont plus d’eau depuis deux ans...
Alors que les Guadeloupéens pourraient produire potentiellement sur 12 mois, « à cause des pluies, nous avons plus ou moins quatre mois avec très peu de production, explique Stanley Manyri, maraîcher de nord Basse-Terre à Daubin Petit-Bourg. Cette année, pendant deux mois, j’étais au chômage technique total ». À Marie-Galante, l’irrigation, c’est plutôt le système D.A priori aucune étude n’a été conduite pour savoir si l’eau des nappes phréatiques pourrait être en partie destinée à l’agriculture ; avec comme problématique sous-jacente le risque, en prélevant, de faire entrer de l’eau salée. Pour le court terme, les agriculteurs souhaiteraient des financements pour créer des points d’eau privés (mares ou réservoirs) comme chez Chantal Carabin, même si cela implique beaucoup de manipulations (en période sèche, ils doivent faire trois rotations d’eau par jour). Il reste beaucoup à faire...