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Diversifier les variétés permet une meilleure pollinisation des châtaigniers

Les mécanismes en jeu dans la pollinisation des châtaigniers étaient jusqu’alors peu connus. Une thèse montre l’importance de la diversité génétique pour assurer cette pollinisation entomophile.

Les producteurs de châtaignes constatent des différences de production pour une même variété entre vergers, qui ne s’expliquent pas par la conduite. Une des hypothèses est que ces variations sont liées au succès de la pollinisation. Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, une thèse a été lancée il y a bientôt trois ans portée par Invenio et INRAE.

Les premiers résultats montrent des mécanismes de pollinisation assez atypiques pour un arbre fruitier. Premier doute levé : le châtaignier est bien entomophile. « En entourant des rameaux de châtaigniers de filets, la production de fruits chute de près de 80 à 90 % selon nos observations », pose Clément Larue, thésard Cifre à INRAE, recruté par Invenio. D’autres études corroborent ce résultat.

Des coléoptères comme pollinisateurs

Au vu des observations sur le site INRAE de Villenave d’Ornon, les principaux pollinisateurs ne seraient pas des abeilles mais des coléoptères. « Nous avons photographié à dix reprises pendant 20 minutes tous les insectes qui se posaient sur 16 châtaigniers avant, pendant et après la floraison, détaille le jeune chercheur. Et nous avons analysé les photos en séparant les insectes par taxon et par type de fleur visitée. » Ce travail a permis de montrer quels insectes étaient floricoles et parmi ceux-ci lesquels étaient bien impliqués dans la pollinisation des fleurs femelles de châtaignier.

A lire aussi : Châtaigne : récoltes en hausse dans la plupart des pays européens

Si les abeilles domestiques et autres hyménoptères sont bien présents pendant la période de floraison, ils sont en revanche très peu présents sur les fleurs femelles, considérées comme « trompeuses » (car n’offrant pas de récompense, mais ressemblant aux fleurs mâles qui produisent du pollen et du nectar). « Les insectes les plus observés sur les fleurs femelles pendant la floraison sont des coléoptères et plus spécifiquement le téléphore fauve (Rhagonycha fulva) », indique le chercheur. « Cet insecte représentait près de 50 % des photos prises. »

Pourquoi ces insectes visitent-ils ces fleurs femelles au look de fleurs mâles mais non attractives d’un point de vue alimentaire ? « On l’ignore encore, mais plusieurs hypothèses sont avancées dont certaines seront testées au printemps prochain », poursuit le chercheur. Second constat : le châtaignier est auto-incompatible. Le pollen d’une variété ne peut pas polliniser les fleurs femelles de la même variété. Pire encore, trop de pollen de la même variété apporté par les insectes provoquerait l’avortement des ovules. Un fait qui expliquerait que la quantité de pollen produite par une variété soit négativement corrélée à sa production de fruits mais positivement corrélée à celle des autres variétés du verger.

Prendre en compte la diversité et les châtaigniers sauvages

Pour que des châtaignes se forment sur un arbre donné, il y a donc nécessité d’avoir des insectes pollinisateurs apportant du pollen d’arbres pollinisateurs appartenant à d’autres variétés. Une fleur femelle non pollinisée produit des fruits aplatis vides. « Mais il faut aussi qu’il y ait concordance des dates de floraisons », insiste Clément Larue.

Un premier pic d’émission du pollen issu des chatons unisexués a lieu au début de la période de réceptivité des fleurs femelles et un second, issu des chatons bisexués, environ 15 jours après. « Pour assurer une pollinisation des fleurs femelles par du pollen d’une autre variété, il semble donc nécessaire d’assurer une bonne diversité variétale afin d’être sûr que des fleurs mâles d’une variété émettent du pollen pendant la période de réceptivité des fleurs femelles d’une autre variété », avance le thésard.

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Le pollen du châtaignier est collant, et les insectes impliqués dans la pollinisation, les coléoptères tels les téléphores fauves, ne semblent pas se déplacer très loin. L’estimation de la distance moyenne parcourue par un grain de pollen est en cours (voir encadré) mais elle serait de l’ordre de la dizaine de mètres. « C’est donc d’abord au sein même du verger que cette diversité génétique est souhaitable », précise-t-il.

Pour les producteurs, un compromis est à trouver entre ces diversités et les contraintes de récolte qui en découlent. L’environnement de la parcelle peut être aussi à prendre en compte, la présence de châtaigniers sauvages aux abords de la parcelle augmentant cette diversité génétique. « La présence de ces châtaigniers sauvages pourrait peut-être expliquer une production résiduelle dans certains vergers univariétaux, qui sont néanmoins à proscrire complètement », indique Clément Larue.

Des variétés avec ou sans pollen

L’argument en faveur de l’introduction de plus de diversité dans les vergers est d’autant plus fort que toutes les variétés ne produisent pas de pollen. Les variétés longistaminées possèdent des fleurs mâles avec étamines et produisent du pollen, c’est le cas par exemple de Marigoule. Les variétés astaminées, quant à elles, ont des fleurs mâles avec des étamines avortées et ne produisent donc pas de pollen, c’est le cas de Bouche de Bétizac. Lorsqu’un verger est constitué de deux variétés longistaminées, les fleurs femelles peuvent être pollinisées par le pollen de l’autre variété si les floraisons sont concomitantes. Mais si un verger est composé d’une variété astaminée et d’une autre longistaminée, par exemple Bouche de Bétizac et Marigoule, cette dernière va manquer de pollen.

« Les variétés astaminées ont tendance à être plus productives que les variétés longistaminées », note Clément Larue. Deux explications sont avancées. « Nous constatons que les fleurs femelles sont plus visitées par les coléoptères sur les variétés astaminées. Une hypothèse est que ces fleurs femelles sont plus visibles lorsque les fleurs mâles sont sans étamines. Elles ne sont pas perdues dans les chatons mâles comme dans les variétés longistaminées ». L’autre est le fait, expliqué plus haut, que les ovules avortent lorsque les stigmates reçoivent trop d’autopollen (le pollen produit par la variété elle-même). L’ensemble de ces résultats pointent du doigt la nécessité de revoir la conception des vergers de châtaigniers pour en améliorer la production.

« Nous sommes en train de développer un modèle mathématique

 

 
Clément Larue, thésard Invenio et INRAE © INRAE
« Des résultats de ma thèse sont encore en cours d’analyse et de validation. Nous avons notamment développé un outil qui permet de faire des analyses de paternité et ainsi de savoir quelle est la variété père de chaque fruit. Ce travail pourrait nous permettre de voir si certaines variétés sont de meilleurs pollinisateurs que d’autres et de détecter s’il existe des incompatibilités entre variétés. L’ensemble de ces résultats pourrait permettre de construire un modèle mathématique. Avec ce modèle mathématique, on espère pouvoir connaître les distances moyennes de dispersion du pollen et proposer un ratio optimal d’arbres « pollinisateurs » et d’arbres « producteurs ». »

 

Détails des fleurs de châtaignier

 
Un rameau de châtaignier est composé de chatons unisexués et d'autres bisexués. © INRAE

Un rameau de châtaignier est composé :

-de chatons unisexués composés uniquement de fleurs mâles qui produisent du nectar : elles constituent près de 98 % des fleurs mâles

-des chatons bisexués composés de trois fleurs femelles dépourvues de nectar et de fleurs mâles avec nectar.

Une inflorescence femelle de châtaignier est composée :

- de trois fleurs femelles entourées d’une bractée florale qui devient la bogue

- des stigmates de chaque fleur encore visibles sur le fruit et appelé torche

Une fleur mâle est composée :

-d’un glomérule d’où sortent les 12 étamines

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