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Des variétés anciennes de fruits évaluées en vue d’une relance de leur production

En Provence, des variétés anciennes régionales ou d’intérêt régional sont évaluées vis-à-vis de leur sensibilité aux bioagresseurs, en vue d’une éventuelle relance de leur production.

Certaines variétés peu connues, comme ici la variété Api étoilée observée au verger de la Thomassine, peuvent s'avérer assez intéressantes pour qu'on relance leur culture.
© M. Meignan

Abricots Poman Rosé, cerises Alpine de Provence, pommes Museau de lièvre, prunes Perdrigone de Trescléoux… Ces variétés fruitières provençales oubliées, et bien d’autres, sont conservées au verger de la Thomassine à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), dans le Parc Naturel Régional du Luberon. Ce verger conservatoire occupe quatre hectares et abrite plus de 500 variétés fruitières. Partant du constat que les variétés provençales ayant été cultivées dans le passé sont souvent mal connues des agriculteurs et des techniciens, le projet Fruinov a été lancé en 2016 afin de décrire ce patrimoine fruitier et d’en évaluer la sensibilité aux bioagresseurs. Ce projet a réuni le Grab, l’Inrae, le Parc Naturel Régional du Luberon, le Lycée agricole de Carpentras et l’Université de Tours. Plus de 200 variétés régionales ou d’intérêt régional de sept espèces fruitières (cerisier, abricotier, pêcher, prunier, poirier, pommier, amandier) ont été suivies pendant les trois ans du projet. Parmi elles, des variétés régionales, cultivées dans le passé en région Paca et originaires de cette zone, ainsi que des variétés ayant eu un intérêt économique sur ce territoire mais non originaires de la région. Quelques variétés ont été également ajoutées car prisées par les arboriculteurs bio. L’objectif du projet est de déterminer si des variétés peu connues, dont certaines sont en voie de disparition, peuvent être assez intéressantes pour qu’on relance leur culture, notamment en agriculture biologique. L’une des limites de l’expérimentation est le faible nombre d’arbres par variété, entre un et une dizaine.

Des variétés cultivées sans intrant

Une première étape a consisté à réaliser une description pomologique de toutes ces variétés qui sont aujourd’hui bien peu connues. Puis, l’évaluation de la sensibilité vise à identifier des variétés régionales peu sensibles à un bioagresseur donné, qui pourraient ainsi nécessiter peu de traitements en production. Dans le verger de la Thomassine, les variétés observées sont cultivées sans intrant ou avec quelques traitements autorisés en AB. « Dans ce contexte, la sensibilité aux bioagresseurs de ces variétés n’a donc pas ou peu été masquée par les traitements », soulignent Sophie-Joy Ondet et Chloé Gaspari, responsables du projet au Grab. « Est-ce que les éventuels défauts de ces variétés sont incompatibles avec les attentes des différents profils d’agriculteurs et des différents profils de consommateurs ? », interroge Sophie-Joy Ondet. Certaines variétés pourraient ainsi alimenter les circuits courts, d’autres la transformation. Enfin, « des géniteurs seront repérés pour de futurs croisements et envisager de la création variétale », peut-on lire sur le site internet de Fruinov, qui fait partie intégrante de la dimension participative du projet. En effet, l’ensemble des données recueillies sont mises en ligne et accessibles gratuitement sur https://fruinov.grab.fr, sous la forme de fiches variétales.

Des évaluations gustatives réalisées

Sur chaque fiche, des comparaisons sont faites avec une variété dite de référence de l’espèce (souvent la variété la plus connue). Le site permet de plus à chacun d’enregistrer ses appréciations et de faire part de ses commentaires sur les différentes variétés qu’il connaît, ce qui vient enrichir les fiches variétales. La dimension participative s’exprime également par des évaluations gustatives qui se sont déroulées de fin 2017 à fin 2018, au cours de rencontres. De plus, un système de recherche permet d’aider à réaliser le choix variétal le plus adapté à ses conditions de culture, grâce à un moteur de recherche multicritères. On retrouve aussi sur le site tous les acteurs impliqués dans le projet, et notamment les contacts de pépiniéristes ou de metteurs en marché engagés dans la démarche. « Ce partage et cette diffusion d’informations ont notamment pour objectif de contribuer au développement de la filière des variétés régionales oubliées », indique Sophie-Joy Ondet. Le projet constitue bien sûr une première étape. « Trois ans, c’est peu en arboriculture, qui plus est sur un seul site », poursuit l’ingénieure. Le projet doit donc être poursuivi et notamment déployé si possible dans des vergers de production.

 

A lire aussi : Cerise : les bicolores dynamisent l’offre variétale

 

Trois niveaux de certificabilité

Les variétés fruitières anciennes se classent en trois catégories suivant leur niveau de disponibilité et de certificabilité. La première catégorie est celle des variétés disponibles en plants certifiés Infel. La liste des pépiniéristes proposant ces variétés peut être obtenue auprès du CTIFL. La deuxième catégorie regroupe les variétés non certifiables Infel, mais qui sont inscrites au catalogue européen. Les plants de ces variétés pourront donc être certifiés CAC (Conformité agricole commune), et être produits en nombre illimité par un pépiniériste. Enfin, la troisième catégorie est constituée des variétés non inscrites au catalogue européen. Un pépiniériste peut greffer au maximum 2 000 arbres par an de ces variétés, dont l’authenticité variétale n’est pas contrôlée. Des greffons attestés indemnes de virus et maladies (DDAC) sont disponibles auprès des Centres de ressources biologiques de l’Inrae, de La Thomassine ou des pépiniéristes d’arbres fruitiers anciens (liste disponible sur le site de Fruinov).

Zoom sur les variétés de cerisiers

Treize variétés de cerisiers ont été évaluées au cours du projet Fruinov. Parmi elles, quatre variétés régionales (Alpine de Provence, Griotte de Provence, Pélissier, Précoce de la Thomassine), et neuf variétés dites d’intérêt régional (Goutte d’or, Guillaume, Hâtive de Bâle, Longue queue, Marmotte, Napoléon, Reine Hortense, Recherchon et Tigrée). On compte entre un et huit arbres par variété. Sur les quatre années d’observation entre 2016 et 2019, un seul traitement, au cuivre, a été réalisé en 2017. « Le grand nombre de variétés à observer pour l’ensemble des sept espèces, nous a contraints à choisir des méthodes de notation de l’ensemble des arbres assez rapides, parmi celles que l’on peut retrouver dans les études scientifiques et expérimentales de ce type », précise la synthèse 2016-2019 des notations cerisiers réalisée par le Grab. La sensibilité variétale des cerisiers a été évaluée vis-à-vis du puceron noir, du monilia fleurs, du Coryneum, de Drosophila suzukii, de la mouche de la cerise et de l’anthracnose. Concernant le puceron noir, le seuil maximum retenu pour une variété peu sensible est de 10 % de rameaux infestés, en moyenne sur quatre ans. Sept variétés sont sous ce seuil : Griotte de Provence, Guillaume, Hâtif de Bâle, Pélissier, Précoce de la Thomassine, Reine Hortense et Reverchon. Les deux arbres de la variété Guillaume sont morts en fin d’été 2018 : cette variété ne pourra plus être observée sur ce site avant quelques années. Aucune variété ne semble très peu sensible au Coryneum. Les variétés les moins sensibles sont Goutte d’or, Griotte de Provence, Hâtif de Bâle, Pélissier, Reine Hortense et Reverchon. Pour Drosophila suzukii, « seules les observations de 2018 permettent de commencer à comparer les variétés. Il est donc impossible de conclure encore dans la recherche de variétés peu sensibles », indique le compte rendu, en raison du manque de cerises sur les arbres. Les symptômes d’anthracnose ont été très faibles, ne dépassant pas 5 % de feuilles atteintes pour les arbres les plus touchés. Concernant le monilia sur fleurs, Guillaume et Napoléon ont été les variétés les plus sensibles. Les variétés avec moins de 10 % de monilia fleurs sont Alpine de Provence, Hâtif de Bâle, Marmotte, Pélissier et Tigrée. Cette comparaison est à poursuivre pour valider ces premières tendances.

 

Extrait de la synthèse 2016-2019 des notations cerisiers, disponible sur https://fruinov.grab.fr.

 

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