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Des arbres sous micro-injection

Le projet Preamisse teste depuis quatre ans une technique d’injection des produits phytosanitaires par micro-injection. Une technique prometteuse qui demande encore de la recherche dans la formulation des produits et les modalités d’injection.

La micro-injection a pour principe d'introduire à l'aie d'une aiguille un produit phytosanitaire dans le xylème d'un arbre.

Pour diminuer l’impact des produits phytosanitaires, une voie est de changer les produits, une autre est de changer le mode d’application. C’est l’objet du projet de Protection des arbres par micro-injection sécurisée : Preamisse. « Ce projet prend sa source dans la difficulté à pulvériser des produits phytosanitaires sur des arbres dans les jardins et espaces verts (JEVI, ndlr) », débute Adeline Renier du Cetev (Centre d’expérimentation ZNA et JEVI) lors de la rencontre phytosanitaire fruits à pépins en décembre dernier au CTIFL en Dordogne. Depuis, le projet a évolué en intégrant l’arboriculture. En s’inspirant de la technique d’injection dans un pré-trou, existante depuis déjà plus d’un siècle, les acteurs de Preamisse développent une technique d’injection avec une aiguille de produits phytosanitaires dans les arbres. « Cette méthode a plusieurs avantages, détaille la docteure en physiologie végétale. Elle permet de s’affranchir des conditions météorologiques, et de supprimer le phénomène de dérive, les zones non traitées (ZNT), et les délais de réentrée. » L’objectif est aussi de pouvoir réduire les quantités de produits phytosanitaires utilisés. Depuis son début en 2014, plusieurs étapes ont été franchies mais d’autres restent à parcourir pour proposer un procédé complet de micro-injection. « Un premier volet a été de caractériser les flux lorsqu’un produit est injecté et son impact sur l'arbre (voir « Avis de chercheur »), un second a été de concevoir des instruments pour la micro-injection (voir « Avis de spécialiste »), les deux derniers sont la formulation de produits spécifiques et des essais d’efficacité », énumère la spécialiste. La technique est prometteuse, les attentes des professionnels sont fortes et les produits compatibles espérés. Un premier pas a été l’homologation par injection de la solution TreeCare de Syngenta, en septembre 2018, pour la protection contre la mineuse du marronnier.

Mieux adapté aux insecticides qu’aux fongicides

La méthode a été testée sur neuf problématiques simultanément sur trois campagnes. En arboriculture, elle a été expérimentée sur pommier contre les pucerons cendrés et la tavelure ainsi que sur châtaigner contre le carpocapse et la pourriture de conservation. « Pendant trois ans, nous avons comparé l’efficacité de spécialités injectées en comparaison à une référence d’un produit pulvérisé, explique l’expérimentatrice. Chaque année, les produits étaient améliorés dans leur dosage ou leur composition. » Premier constat : les insecticides ont de meilleurs résultats que les fongicides. Sur puceron cendré, en 2017, deux modalités injectées ont montré des efficacités équivalentes à la référence avec une pression moyenne de puceron. Sur les deux, une a été phytotoxique pour les feuilles du pommier. « Le coefficient de migration était pourtant faible, inférieur à 1 % », indique-t-elle. Sur le carpocapse du châtaignier dans un contexte de faible pression, une modalité a permis de réduire le pourcentage de fruits véreux bien au-delà de la limite acceptable pour la commercialisation. Sur les deux espèces, aucun résidu n’a été trouvé sur fruits. « Nous avons acquis une preuve de concept sur ces deux ravageurs, reste à tester la technique en condition de fortes pressions et à élargir la gamme de produits », résume la spécialiste. Concernant les maladies, les modèles sont plus complexes. « Sur tavelure, nous avons obtenu une efficacité de 60 % de celle de la référence sur deux modalités injectées. Et sur une de ces modalités, les fruits tavelés étaient moins tavelés. » En revanche sur la pourriture de conservation sur châtaigne, aucune injection n’a été efficace.

L’arbre joue un rôle dans la migration du produit

Pour qu’un produit ait un effet, plusieurs facteurs entrent en jeu : le type de matière active, la formulation, la dose, l’instrumentation et l’activité de la plante. « Pour développer cette technique, nous avons besoin de travailler sur la formulation, souligne François Laurent de l’Inra lors de la journée dédiée à cette technique en mars dernier à Toulouse. Les produits actuels sont formulés pour une pulvérisation foliaire avec des additifs qui ne sont pas toujours nécessaires lorsqu’ils sont injectés. Un produit de contact peut très bien marcher. Et nous travaillons sur tout type de produit : de synthèse, de biocontrôle ou des SDP. Ce que nous constatons, c’est que plus les produits sont solubles, plus on les retrouve dans l’arbre. » Autre chantier : le travail des doses. La dose injectée par arbre a été calculée à partir de la dose homologuée par hectare. « C’était une base de travail, cette quantité est la dose maximum injectable avec la législation actuelle, un des travaux est de la diminuer et de la moduler en fonction de l’état physiologique de l’arbre et son volume ». Le rôle de l’arbre est aussi à prendre en compte, il n’est plus juste un support comme avec la pulvérisation. Il joue un rôle dans la migration du produit. Selon les stades phénologiques, la qualité d’injection varie. « Lors d’une première injection sur pommier, tôt dans la saison, l’arbre a recraché tout le produit car le flux de sève ne s’était pas encore mis en place », illustre Florence Verpont, du CTIFL. Des effets variétaux ont aussi été observés sur vigne sur la qualité d’injection. Le nombre d’applications reste aussi à déterminer selon l’espèce et le bioagresseur. « Nous avons pu constater qu’un seul point d’injection ne suffisait pas pour voir une répartition homogène dans l’arbre, indique François Laurent. Le transfert du produit se fait vers le haut et non pas latéralement. Les vaisseaux dans lesquels il est injecté n’irriguent qu’une partie de l’arbre, d’où la nécessité de multiplier les points d’injection. » La réinjection du produit pourrait ne pas être systématiquement nécessaire. « Sur pin, des injections contre la processionnaire en 2015 ont eu une efficacité sur les trois années d’observation », souligne Adeline Renier. En Jevi, la technique semble une alternative incontournable. En arboriculture, reste à savoir si les entreprises phytosanitaires trouveront un intérêt à développer des produits compatibles avec la technique.

Avis de chercheur

François Laurent, Inra

"La perforation ne crée pas de porte d’entrée aux micro-organismes"

L’un des prérequis pour développer la technique est qu’elle ne soit pas nocive pour l’arbre. Nous injectons le produit dans le xylème, c’est-à-dire les tissus qui transportent la sève brute des racines aux feuilles. Pour l’atteindre, nous devons traverser l’écorce et le phloème, le tissu qui transporte la sève élaborée, des feuilles aux autres organes de l’arbre. Nous voulions savoir si cette perforation posait un problème à l’arbre et si cela créait un point d’entrée aux micro-organismes. Ce n’est pas le cas. Sur pommier, nous avons observé qu’après quatre mois la couche de xylème perforée s’est reconstituée. Après deux ans, le point d’injection est rebouché et un simple renflement est observé. Sur vigne, le processus de rebouchage est beaucoup plus long. Dix-neuf mois ont été nécessaires pour que le xylème se reforme au niveau de l’injection.

Avis de spécialiste

Philippe Beuste, dirigeant de Lauragri services

"Un prototype de micro-injecteur sécurisé sera prêt en 2019"

En parallèle des tests d’efficacité, nous avons mis au point au sein de Lauragri services, un injecteur en se basant sur la demande du terrain. Un travail important a été fait sur l’aiguille et le porte-aiguille pour limiter les blessures sur l’arbre au moment de l’injection. Quatre brevets ont été déposés dont un sur l’aiguille. Un prototype de micro-injecteur sécurisé sera prêt en 2019. Nous sommes actuellement en train de développer un robot porteur de l’injecteur et nous aurons besoin de deux à trois ans supplémentaires pour connecter et valider les deux machines. La machine développée sera beaucoup plus complexe que les pulvérisateurs utilisés actuellement. Elle demandera des compétences qui devront être détaillées.

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