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Accord UE/Maroc : la tomate cerise française sous pression concurrentielle

La Commission européenne et le Maroc se sont entendus, le 2 octobre 2025, pour étendre au Sahara occidental les préférences tarifaires appliquées depuis 2012 aux importations marocaines, suite à l’accord de libre-échange agricole UE/Maroc qui avait été signé. La concurrence va se renforcer pour la tomate cerise tricolore.

<em class="placeholder">Une entrepôt de la société Azura près d&#039;Agadir au Maroc.</em>
Le Maroc, sous l'impulsion d'entreprises comme Azura, a augmenté ses exportations de tomates vers l'Union européenne de 40,66 % depuis 2016. La France est son premier marché export.
© P. Gautier

La situation concurrentielle ne va pas s’affaiblir pour la tomate cerise. Au grand dam des agriculteurs européens, un nouvel accord entre la Commission européenne et le Maroc vise à entériner l’extension au Sahara occidental des préférences tarifaires prévues par l’accord de libre-échange agricole entré en vigueur en 2012. Et ce sans modifier les termes de l’accord initial. « L’UE tue sa filière tomate cerise », a réagi Légumes de France, début octobre dans un communiqué. Et pour Pierre-Yves Jestin, président de l’AOPn Tomates et concombres de France : « Une fois de plus, les producteurs sont piétinés. Nos filières agricoles européennes restent la dernière roue du carrosse dans les relations commerciales que l’UE entretient avec les pays tiers. »

Quelle était la situation jusque-là ?

Depuis l’accord de libre-échange agricole UE/Maroc de 2012, des produits du Sahara occidental et certifiés d’origine marocaine sont importés dans l’UE en bénéficiant des préférences tarifaires avantageuses prévues par ce partenariat. Mais des décisions de justice européennes, en 2016 et 2024 notamment, ont conclu que les accords commerciaux ne s’appliquent pas au Sahara occidental. Ces décisions laissaient espérer un changement, jusqu’à ce nouvel accord du 2 octobre qui déçoit à nouveau les producteurs français et européens.

Quel étiquetage prévoit le nouvel accord ?

En plus de confirmer l’extension des préférences tarifaires au Sahara occidental, l’accord d’octobre prévoit que les produits sahraouis devront être étiquetés Dakhla ou Laayoune, du nom des régions administratives marocaines situées au Sahara occidental, mais pas « Sahara occidental ». « Ce n’est pas la mise en conformité enjointe par la Cour de justice de l’Union européenne dans son jugement du 4 octobre 2024 », s’alarme la Confédération paysanne, dans un communiqué.

Que demandent les producteurs français à l’Union européenne

En réaction à ce nouvel accord, Légumes de France demande à l’UE de tenir compte de la segmentation du marché de la tomate entre les rondes et les cerises, et donc de mettre en place deux contingents séparés et deux valeurs forfaitaires d’importation (VFI) différentes. « Car c’est sur les tomates cerises que le fossé est infranchissable, écrit son coprésident Cyril Pogu. La barquette à 0,99 euro toute l’année, c’est insupportable. » La fédération souhaite aussi une réévaluation de la VFI, soulignant que « la valeur de 0,461 euro du kilo n’a pas évolué depuis 2014 ». De son côté, Tomates et concombres de France a réclamé « a minima un plan de soutien à la filière européenne de tomates à la hauteur des fonds alloués au développement économique du Sahara occidental ». Ces fonds sont prévus par l’UE en réponse à la décision de la Cour de justice de l’UE de 2024.

Comment réagissent les producteurs espagnols ?

Les producteurs espagnols sont affectés par la concurrence marocaine sur les marchés européens, et sont donc eux aussi opposés au nouvel accord. Le Maroc est devenu le premier exportateur de tomates vers l’Espagne. Ainsi, au cours du premier semestre 2025, les importations de tomates marocaines ont augmenté de 56 % (+ 16,8 milliers de tonnes), ce pays fournissant désormais 54,5 % des tomates importées en Espagne, d’après des données fournies par la Fepex (association espagnole des producteurs et exportateurs) à la revue espagnole « A en Verde ».

Ce nouvel accord est-il définitif ?

L’accord s’applique à titre provisoire depuis le 3 octobre 2025, ce qui a provoqué la colère du Parlement européen. Il doit l’avaliser ainsi que le Conseil de l’UE pour qu’il entre en vigueur officiellement. Mais aux yeux des producteurs européens, il est illégal, car non conforme aux décisions de la Cour de justice de l’UE d’octobre 2024. Certains envisagent des recours juridiques, et a minima une pression médiatique pour faire bouger les lignes. Mais force est de constater que depuis 2012, les flux n’ont jamais cessé de concurrencer les productions européennes.

La production agricole sahraouie se développe

Dans un rapport publié en janvier 2025, le CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) rapportait que la production se développait dans la région de Dakhla, au Sahara occidental, depuis 2008. On y recense 1 100 ha de production agricole dont 75 % sont exploités par quatre grands groupes producteurs exportateurs : Azura (société Maraissa), avec 400 ha, Soprofel Idyl, Derham et une filiale de la holding royale Siger. La production agricole est passée de 66 000 t en 2016, dont 44 000 t de tomates et 20 000 t de melons, à 85 000 t de primeurs actuellement. Les rendements peuvent atteindre 140 t/ha pour la tomate cerise. « L’objectif est d’atteindre une production annuelle de 415 000 t de primeurs et de positionner la région de Dakhla-Oued Eddahab comme un hub d’exportation agricole vers les marchés extérieurs », décrit le CGAAER. Les cultures seront essentiellement tournées vers des « primeurs sous serre à forte valeur ajoutée (tomates cerises, melons, myrtilles et autres fruits rouges) ».

Au Maroc, la productivité augmente

Selon les données de FAO Stat, la production de tomates fraîches a atteint 1,4 million de tonnes en 2023, soit une progression de plus de 18 % en 11 ans.

Les surfaces sont, elles, relativement stables, tournant autour de 15 000 ha.

Sur la campagne juillet 2024-juin 2025, le Maroc a exporté 745 000 t de tomate (selon Global Trade Tracker). La moitié est orientée vers la France, son premier client mais elle en réexporte une partie.

Le flux de tomates cerises s’intensifie

Dans son rapport de janvier 2025, le CGAAER retrace la proportion de tomate cerise dans les exportations du Maroc vers la France via différentes méthodes, car il n’existe pas jusqu’en 2025, de code douanier correspondant. À partir des volumes qui transitent par la plateforme Saint-Charles international, les auteurs remarquent que « la saisonnalité des importations de tomates cerises est beaucoup moins marquée, notamment depuis 2022 ». Les volumes augmentent significativement en saison comme hors saison. À partir de données communiquées par un panel de grandes surfaces, ils notent que de 2019 à 2022 les tomates cerises marocaines représentaient en moyenne 20 à 30 % des achats totaux durant l’été contre 80 à 70 % pour les tomates cerises françaises. Mais en 2022 et 2023, la part des tomates cerises marocaines a augmenté pour atteindre 40 % des achats totaux tandis que la part des références françaises diminuait aux alentours de 60 %. L’entrée en vigueur, au niveau européen, de trois nouveaux codes douaniers de tomates fraîches au 1er janvier 2025 devrait permettre un suivi des flux plus précis.

Rédaction Réussir

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