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Fabien Letort élève 220 brebis sans bâtiment et sans foin

À Pornic, en Loire-Atlantique, Fabien Letort élève 220 brebis Landes de Bretagne en bio en valorisant 82 hectares d’espaces naturels littoraux. Une race adaptée, un contexte pédoclimatique favorable et la vente directe font que le système fonctionne.

Un débouché local, une convention départementale et une démarche écologique

Ce matin de janvier, la température est descendue à – 1°C sur la prairie où paissent 220 brebis Landes de Bretagne et une centaine d’agneaux nouveau-nés. Fabien Letort repère les agneaux nés dans la nuit, note les numéros des mères et boucle les agneaux avec des tiptags, roses pour les femelles, bleus pour les mâles. « J’interviens très rarement, assure-t-il. Les brebis se débrouillent très bien seules. Et les agneaux naissent bien poilus et sont robustes. » Installé en 2016 après un BTS Acse, une Licence pro aménagement rural, techniques alternatives et gestion écologique des ressources, deux années au CER France et la création d’une entreprise d’écopâturage, Fabien Letort a choisi d’élever des brebis Landes de Bretagne en plein air intégral, en valorisant des espaces naturels et sans foin. « Je m’intéresse aux races locales, explique-t-il. Et lors d’un stage, j’ai pu tester la valorisation de landes et tourbières par le pâturage. En travaillant en service de remplacement, j’ai aussi constaté que je suis allergique au foin ! » En 2016, il saisit donc l’opportunité qu’offre le Conseil départemental de Loire-Atlantique. « Le département voulait avoir une gestion plus écologique de 30 hectares d’espaces littoraux, avec des enjeux de biodiversité. Et un restaurateur qui valorisait 10 hectares avec des Landes de Bretagne était prêt à vendre ses brebis et à acheter des agneaux. Nous avons établi une convention de huit ans avec le département et j’ai récupéré en plus 40 hectares de prairies et acheté d’autres brebis. »

Depuis cinq ans, Fabien Letort valorise donc en bio 82 hectares d’espaces naturels avec 220 brebis et 30 chèvres des fossés qui débroussaillent les parcelles avant les brebis. La surface se partage entre des prairies précoces productives en front de mer, des prairies fraîches ombragées, 12 hectares de bois de pins maritimes et chênes verts et 8 hectares de friches, anciennes prairies envahies de ronces, prunelliers, chênes… Un plan de gestion agropastoral sur cinq ans a été établi avec les acteurs locaux et Pâtur’Ajust, réseau technique pour la valorisation des végétations naturelles par l’élevage. La surface est répartie en 70 parcs de 1-1,5 hectare pâturés 1 à 4 jours, avec ensuite 1,5 à 6 mois de repos. « Au départ, je passais deux jours par semaine à poser et déposer des filets. En cinq ans, j’ai investi 7 000 euros par an dans 20 km de clôtures. Aujourd’hui je n’y passe plus qu’une demi-journée par semaine. » Les brebis pâturent les prairies, bois et friches. « Je fais un passage dans les bois à l’automne pour les glands. Les brebis les valorisent très bien. Et je fais tomber des branches feuillues en hiver. J’utilise les friches notamment quand les brebis sont très parasitées. Elles y consomment des plantes à tannins et mangent en l’air et non au sol, ce qui réduit la pression parasitaire. » Entre 10 et 20 % des brebis ont toutefois des diarrhées au printemps, au début de la pousse de l’herbe. « Je travaille cet aspect en sélection sur les béliers et vais le faire sur les brebis. » Fabien a aussi creusé 20 mares et amène de l’eau l’été avec des bidons. Les agneaux, qui naissent de janvier à mars, sont sevrés autour de quatre mois. De mai à août, ils pâturent 15 hectares d’espaces naturels. De septembre à avril, ils pâturent des couverts végétaux (radis fourrager, moutarde, trèfle, avoine, phacélie, colza fourrager), des bois et des céréales chez un céréalier bio voisin. « Cela permet de garder de la croissance l’hiver avec des couverts assez riches en azote. »

La prolificité est de 1,5 agneau par brebis, avec 7 à 18 % de pertes liées surtout aux renards. « Avec les renards, les sangliers qui défoncent les clôtures, les vols et maintenant le loup apparu dans le département, je réfléchis à prendre des patous », précise-t-il. L’éleveur garde 40 agnelles par an pour le renouvellement et en vend 100-110 pour la création de nouveaux troupeaux ou l’écopâturage. Et il vend 120-130 agneaux, à 10-12 mois en moyenne, 15-17 kg carcasse et un classement O3. « C’est une race à croissance lente et hétérogène. Certains agneaux sont finis à 7-8 mois, d’autres à 15-16 mois. Mais les dégustations montrent qu’il n’y a pas de différence de goût entre 8 et 16 mois, car il y a très peu de gras de couverture. » Les agneaux sont vendus en colis de demi-agneau à des particuliers, à 17-18 €/kg, ou en carcasse à un boucher de Nantes à 11 € TTC/kg. « Je n’ai aucune difficulté à les vendre, assure Fabien. Il y a beaucoup de jeunes retraités à Pornic. J’envoie un mail à mes clients et ils viennent chercher les colis un soir dans la semaine. Je vends aussi dans un magasin de producteurs. Le seul souci est que je dois faire abattre les agneaux à 100 kilomètres. Nous avons constitué une association pour créer sur le département deux petits abattoirs qui fonctionneraient avec les éleveurs. » Les brebis sont valorisées en merguez ou vendues pour la reproduction (10-20/an). L’éleveur est aussi engagé dans des projets de valorisation locale de la laine.

Fabien Letort élève 220 brebis sans bâtiment et sans foin
© DR

Au final, Fabien Letort a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 90 000 euros, dont 50 % d’aides (MAE conversion bio, MAE protection des races menacées). Ses charges se limitant à 40 000 euros, il obtient un EBE de 50 000 euros. « Les charges sont très limitées, apprécie-t-il. Le département met les terres à disposition gratuitement. Je n’ai pas de bâtiment. Je n’achète pas d’aliment. Je n’ai pratiquement pas de frais vétérinaires ni de mécanisation. Et à partir de 2022, je n’aurai plus d’emprunt à rembourser. » L’éleveur travaille 45 heures par semaine, dont 25 % consacrées à ses engagements associatifs, 20 % à l’élevage, 15 % au parcellaire, 15 % aux clôtures et filets et 10 % à la vente, avec en complément un tiers-temps d’aide familiale et de stagiaires. Il prend quatre à cinq semaines de vacances par an et un week-end sur deux. « Mon système en plein air intégral fonctionne grâce à une race adaptée, un climat peu rigoureux, un parcellaire groupé, portant et diversifié et une bonne valorisation en vente directe », estime-t-il. Et pour l’avenir, il a encore d’autres projets. Il veut planter 12 hectares de prairies en agroforesterie, avec des fruitiers qui fourniront des fruits et de l’ombre pour le troupeau. Et vu ses bons résultats et son projet de fruitiers, il envisage de trouver un associé.

Une race adaptée au pâturage d’espaces naturels

Le mouton Landes de Bretagne est rustique, ne craint pas le piétin et la conformation de sa bouche lui permet de manger les feuilles des buissons et épineux.
Le mouton Landes de Bretagne est rustique, ne craint pas le piétin et la conformation de sa bouche lui permet de manger les feuilles des buissons et épineux. © V. Bargain

Retrouvée en 1985 dans les marais de Brière, la race Landes de Bretagne, dont il ne restait alors que 60 brebis, en compte aujourd’hui 4000, réparties chez 250 éleveurs, dont 60 professionnels, à 95 % en bio, en Bretagne et Pays de la Loire. Une association, Denved Ar Vro, s’occupe de la gestion de la race, avec celle de la Belle Île. La brebis, de couleur noire, blanche, tachetée, avec un peu de jarres dans la toison, est légère (35-50 kg), très rustique et insensible au piétin. Sa rusticité et sa petite bouche qui lui permet de manger des épineux, le lierre, les orties… font qu’elle est très adaptée à la valorisation d’espaces délaissés.

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