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Élevage bovins viande : «Nous allégeons l'empreinte carbone avec plus de luzerne et un séchoir»

Maximiser la place de la luzerne dans les rations est l’un des leviers actionnés par les deux associés du Gaec de Montbouard, naisseurs-engraisseurs en Ille-et-Vilaine, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

« Expliquer l’intérêt environnemental de la production de viande bovine demande des preuves. Avec les bilans Cap’2ER, nous avons des chiffres à faire valoir, on peut prouver tous les efforts qu’on fait pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre », argumente Vincent Caillard. Avec son associé, Éric Poussin, ils élèvent 160 vaches blondes d’Aquitaine et la suite, soit 310 UGB, et gèrent un atelier porc, à Sens-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine. Les deux éleveurs ont fait visiter leur élevage lors d'une porte ouverte organisée en partenariat avec le GIE élevages de Bretagne et Elvea en avril. 

L’an dernier, ils ont profité du dispositif Agri Bas carbone, porté par le conseil régional de Bretagne et les interprofessions, qui accompagne les éleveurs de bovins dans la réduction de leur empreinte carbone. Première étape de la démarche, un bilan Cap’2ER leur a permis d’analyser, poste par poste, les émissions de gaz à effet de serre. Le stockage de carbone est également calculé. « Pour l’exploitation de Vincent Caillard et Éric Poussin, les émissions brutes étaient de 17 kg équivalent dioxyde de carbone par kg de poids vif (kg éq.CO2/kg VV), auxquelles il faut retirer 2 kg eq.CO2 /kg VV de stockage de carbone. Ce qui donne une empreinte carbone de 15 kg équivalent CO2, détaille Jeanne Lichou, du GIE élevage de Bretagne, qui a réalisé le diagnostic du Gaec. Ce résultat est dans la moyenne nationale. L’exploitation a une consommation de concentrés supérieure à la moyenne, mais c’est contrebalancé par le stockage de carbone dans les prairies et dans les 20 km de haies de l’exploitation. »

Le diagnostic posé, les deux éleveurs ont ensuite établi un plan d’action, avec des objectifs sur cinq ans, pour alléger cette empreinte carbone. Parmi les leviers d’action, les deux associés ont retenu un âge au premier vêlage qu’ils voudraient abaisser de 35 à 30 mois, une réduction de l’intervalle vêlage-vêlage, une optimisation du GMQ. «Tout ce qui améliore l’efficacité technique aide à limiter l’empreinte carbone rapportée aux kilos de viande produit », explique Josselin Andurand, responsable du projet Life Beef Carbone à l’Institut de l’élevage.

Une baisse de 11% par kg VV de l'empreinte carbone nette

Le sujet sur lequel Vincent Caillard et Éric Poussin ont décidé d’agir en priorité est l’autonomie protéique. Pour les rations de finition, ils utilisaient des tourteaux de colza. «Comme nous sommes dans une démarche Label rouge, nous n’utilisons pas de soja, explique Vincent Caillard. Le colza a une meilleure empreinte carbone que le soja, mais il nous semble judicieux, au niveau économique comme environnemental, de produire plus de protéines sur l’exploitation. » Les associés avaient déjà commencé à cultiver de la luzerne, qu’ils faisaient déshydrater. Pour pleinement valoriser les protéines de la légumineuse tout en réduisant l’impact environnemental, Vincent Caillard et Éric Poussin ont construit un séchoir en grange, fonctionnant avec une chaudière au bois. « Ça nous permet d’avoir du fourrage de qualité tout en réduisant les émissions de GES, car il y a moins de trajets et que notre séchoir fonctionne avec du bois », souligne Vincent Caillard.

Cet équipement et la reprise d’une dizaine d’hectares qui va permettre d’augmenter la part de luzerne dans l’assolement pour arriver à 20-25 hectares va nettement améliorer l’autonomie protéique. Au terme des cinq ans du programme d’action, les éleveurs visent une autonomie de 92%. Ce qui permettra une diminution de l’empreinte carbone nette de l’atelier viande bovine de 11% par kg VV, et de 16% à l’échelle de l’exploitation, rapporté en hectare de SAU.

Les éleveurs aimeraient pouvoir vendre les tonnes de carbone, qu’ils stockent dans les prairies et les haies. En attendant que le marché du carbone décolle, ils reçoivent une bonification de 5 à 10 centimes par kilo que la SVA alloue aux éleveurs engagés dans une démarche bas carbone.

Un séchoir qui fonctionne avec les tailles d'entretien des haies

Pour pleinement valoriser la valeur alimentaire de la luzerne, Vincent Caillard et Éric Poussin ont décidé, en 2024, de construire un séchoir, dans le bâtiment qui abritait la fabrication d’aliments à la ferme. « Le séchage en grange permet de récolter l’herbe au meilleur stade, donc avec une meilleure valeur MAT, et de s’affranchir des contraintes météo », présente Quentin Lemonnier, technicien de l’association Segrafo qui a accompagné les éleveurs dans la réalisation de leur projet.

Après deux ou trois fanages pour arriver à 55-60% de MS, la luzerne est récoltée à l’autochargeuse par une ETA. Puis le fourrage est déchargé sur un quai. Il est repris grâce à une griffe suspendue pour rejoindre l’une des deux cellules de 150 m². Une première couche de 3 mètres de haut va être séchée jusqu’à 97% de MS, puis la cellule sera rechargée en fourrage humide pour un nouveau cycle de séchage. Quand les deux cellules sont pleines, cela représente 90 à 100 tMS stockées.

Protéines locales, énergie renouvelable

Le séchage est assuré par la ventilation d’air chauffé entre 50 et 60°C et insufflé à gros débit, autour de 400 m3 par heure. L’air chaud est fourni par une chaudière qui fonctionne avec le bois issu des tailles d’entretien des haies. Il faut de 0,5 à 1 m3 de bois déchiqueté par tonne de foin à sécher. « Avec le renfort de la chaudière pour le séchage, on peut intervenir plus tôt dans la saison et bien se caler sur le stade optimal du fourrage, souligne Quentin Lemonnier. La chaudière permet aussi de sécher la nuit. » Cet équipement est aussi utilisable pour sécher du maïs grain. La zone de déchargement est équipée de caniveaux, dans lesquels circule de l’air réchauffé. Cette aire de 72 m2 permet de sécher des lots de 60 à 70 tonnes.

Installé dans un bâtiment existant, le séchoir a nécessité un investissement de 150 000 euros. Les éleveurs ont bénéficié de 50 000 euros d’aides. Le coût de fonctionnement est de 20 à 25 euros par tonne. « Un coût à comparer aux 10 à 15 euros par botte d’enrubanné. Ça revient au même prix à la tonne, chiffre Quentin Lemonnier. Le coût de fonctionnement est contenu grâce à l’utilisation de bois déchiqueté produit sur l’exploitation. »

Une ration de finition 50 % foin de luzerne et 50 % maïs grain

La valeur nutritive du foin de luzerne permet à Vincent Caillard et Éric Poussin de finir leurs animaux en se passant d'acheter du tourteau. Leur ration se compose de 50 % de foin de luzerne et 50 % de maïs grain, avec des minéraux. Les jeunes bovins sont vendus en moyenne à 20 mois et 500 kilos de carcasse. Pour les femelles, vendues sous Label rouge, du lin est ajouté pour répondre aux obligations du cahier des charges.

Avant la mise en route du séchoir, la ration de finition avait une base d’ensilage d’herbe, complétée par de la luzerne déshydratée, du tourteau de colza et du maïs grain. Ce qui représentait, par UGB en finition, 350 kg de correcteur azoté et 1 tonne de luzerne déshydratée. À la fin du plan d’action, grâce à la mise en place du séchoir, la quantité de concentrés consommée passera de 996 kg à 486 kg/UGB, toutes catégories confondues.

Rédaction Réussir

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