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Cultures légumières : des alternatives aux fumigants pour la désinfection des sols

Porté par l’Arelpal, le projet Desarm vise à trouver des alternatives aux fumigants pour la désinfection des sols. Des essais sont menés notamment sous abris sur la désinfection anaérobie des sols, avec des résultats encourageants.

En Pays de la Loire, les cultures à cycles très courts (3 à 16 semaines) telles que la mâche, les jeunes pousses, les pommes de terre primeur, les navets, les carottes ou les radis sont très sensibles aux bioagresseurs et ravageurs telluriques. Certains bioagresseurs, comme les Pythium ou Rhizoctonia solani, sont notamment communs à toutes ces cultures et peuvent ainsi très largement proliférer et se disséminer dans le sol. D’autres sont plus spécifiques, comme le nématode Globodera de la pomme de terre. Jusqu’en 2018, 70 % des producteurs utilisaient des techniques de désinfection de sol au métham-sodium présentant des actions insecticides, fongicides et herbicides.

« Avec l’arrêt de l’autorisation du métham-sodium, les producteurs se retrouvent démunis face à la concurrence des pays limitrophes tels que l’Espagne, l’Italie, le Portugal, qui ne sont pas concernés par ces interdictions ou qui les autorisent via des Autorisations de mise sur le marché pour faire face aux situations d’urgence », explique Romane Jean, du centre opérationnel de Carquefou du CTIFL. Dans ce contexte, un projet, Desarm, porté par l’Arelpal et financé par FranceAgriMer, a été mis en place en 2020 pour trois ans afin de développer des stratégies alternatives aux fumigants utilisés pour la désinfection des sols.

Favoriser les micro-organismes anaérobies non pathogènes

Une piste explorée au centre opérationnel de Carquefou est la désinfection anaérobie des sols ou ASD. La technique, mise au point aux Pays Bas, consiste à apporter une source de carbone à 40 tonnes/ha, à l’enfouir sur 40 cm, à inonder le sol en arrosant pendant deux à trois heures pour chasser l’oxygène, à recouvrir le tout d’un film plastique étanche à l’oxygène et à laisser ainsi pendant six à huit semaines. « La plupart des pathogènes des cultures ont besoin d’oxygène pour vivre, explique Romane Jean. L’idée est de favoriser le développement des micro-organismes anaérobies, non pathogènes, en leur apportant une source de carbone. Ces micro-organismes décomposent la matière organique, ce qui entraîne encore une baisse du taux d’oxygène dans le sol. Une grande partie des pathogènes aérobies stricts meurent ainsi. Des composants toxiques sont également libérés et tuent les pathogènes et les ravageurs. Et en parallèle, l’apport de matière organique et leur dégradation par les micro-organismes fertilisent le sol. »

 

En principe, n’importe quelle source de matériel végétal frais fait l’affaire, le but étant de nourrir les micro-organismes anaérobies. « L’idée est d’utiliser des sources de carbone disponibles dans la région pour les producteurs, précise l’expérimentatrice. Le plus simple est de semer par exemple un engrais vert et de l’enfouir. Mais on peut aussi ramener des résidus de culture fraîche ou de couvert que l’on a fauchés ailleurs. » En 2021-2022, le centre opérationnel de Carquefou a testé sous abri un mélange d’engrais verts (sorgho, moutarde, radis), un tourteau biofumigant, un mélange de marc de raisin et tourteau et du sorgho. Les modalités en désinfection anaérobie ont été comparées à la désinfection vapeur, à un mélange d’engrais verts et à un mélange d’engrais verts avec paillage en chanvre. Les sols avaient auparavant été inoculés en divers agents pathogènes. Après désinfection, les parcelles ont été semées en mâche.

Rendement similaire à la désinfection vapeur

Aucun symptôme de pathogénicité sur la mâche n’a été observé. « Les pathogènes inoculés ne se sont peut-être pas développés », analyse Romane Jean. Le rendement en mâche et l’état sanitaire de la culture ont notamment été très bons pour la modalité marc de raisin et tourteau, légèrement supérieurs à ceux de la désinfection vapeur. Un relargage d’azote plus important a été observé pour le tourteau biofumigant en désinfection anaérobie. « Les premiers résultats s’avèrent donc encourageants, notamment pour le mélange marc de raisin et tourteau, rapporte l’expérimentatrice. Une limite est que la température du sol doit être supérieure à 16°C. Sous abri, la désinfection peut être réalisée à une période creuse. En plein champ, les conditions sont plus limitantes et la désinfection devrait être réalisée en été. » Les essais se poursuivent en 2021-2022, avec à nouveau le marc de raisin et tourteau et d’autres sources de carbone, notamment différents fumiers.

 

Améliorer la désinfection vapeur

 
Selon les pathogènes visés, il peut être possible de réduire les températures et temps de pose des automates de désinfection à vapeur. © V. Bargain

Une autre piste explorée dans le projet Desarm est d’optimiser la désinfection vapeur. « Depuis l’arrêt du métham-sodium, la majorité des producteurs utilisent la vapeur pour la désinfection des sols, explique Romane Jean. Un axe est donc d’en diminuer le coût économique et environnemental en réduisant les temps de pose et les températures recherchées. » Des essais ont été menés à différentes températures de 90°C à 50°C pendant 60 secondes, 30 secondes et 5 secondes, sur différents types de sol (sableux, très sableux, riche en matière organique) et différents taux d’humidité des sols (CAC 60 % et CAC 80 %). « Plus le sol est humide et riche en matière organique, plus il faut de temps pour monter en température. »

29 souches de pathogènes (Rhizoctonia solani, Fusarium oxysporum, différents pythium, Thielavopsis basicola, Sclarotinia sclerotiorum, Phoma valerianellae…) ont été testées pour voir quelle température et quelle durée de désinfection sont nécessaires pour chacune d’elles. « A partir de 70°C, aucune souche n’a survécu, indique Romane Jean. Entre 55°C et 70°C, certaines survivent et d’autres non. Les plus sensibles sont les Pythium, notamment Pythium valerinellae, qui attaque la mâche, qui meurt au bout de 5 secondes à 50°C. » Les essais vont se poursuivre, l’objectif étant d’actualiser les référentiels d’utilisation des automates à vapeur.

 

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