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Comptabilité agricole : tirez tous les enseignements de votre compte de résultat !

L’inflation des prix complique le maintien des résultats des exploitations de grandes cultures. Dans ce contexte, il est prudent de mettre à jour un prévisionnel de résultats et de s’appuyer sur quelques indicateurs comme l’EBE.

La mise à jour de ratios de gestion comme l'EBE est précieuse pour identifier d'éventuelles marges de manœuvre.
La mise à jour de ratios de gestion comme l'EBE est précieuse pour identifier d'éventuelles marges de manœuvre.
© C. Baudart

Après une année 2021 souvent dans le vert, la hausse continue des charges - et en particulier des intrants - signe-t-elle le début d’un avis de gros temps pour la rentabilité des exploitations de grandes cultures ? Pour se prévenir de ce risque, c’est le moment de vérifier la robustesse de votre entreprise.

« Tout chef d’entreprise doit avoir en tête quelques ratios clés pour savoir quelles sont ses marges de manœuvre et sa capacité d’investissement par rapport à une situation donnée », explique Clément Bizouard, dirigeant du cabinet Bizouard en Seine-et-Marne et membre du groupement d’expertise-comptable AgirAgri. Maîtriser ces ratios permet d’anticiper un changement de conjoncture ou l’évolution importante d’un système. « Détailler un compte de résultat permet de déterminer si on a été performant ou pas sur l’exercice précédent. Cela présente peu d’intérêt pour l’avenir, sauf à en tirer des leçons et permettre d’avoir en tête un objectif cible pour assurer sa rémunération ou assurer ses emprunts. »

Quels indicateurs utiliser pour cela ? Le plus connu est l’excédent brut d’exploitation, le fameux EBE. Ce ratio est aussi efficace que simple à calculer à partir d’un compte de résultat : il s’obtient en additionnant l’ensemble des produits de l’exercice, y compris les subventions et les aides PAC, dont on déduit les charges opérationnelles (engrais, semences, phytos), les charges de structure (travaux par tiers, entretien du personnel), les impôts et taxes, les frais de personnel et les charges sociales.

L’EBE, thermomètre de la capacité de l’entreprise à faire du résultat

« L’EBE sert à rembourser les annuités d’emprunt et les frais financiers, à réaliser des prélèvements privés, à autofinancer des investissements, à améliorer le fonds de roulement et la trésorerie de l’exploitation », détaille Céline Sibout, ingénieur conseil agricole chez Fiteco à Angers dans le Maine-et-Loire, membre d’AgirAgri. Ainsi, une exploitation qui doit faire face à 30 000 € d’annuités d’emprunts et dont le dirigeant a besoin de 25 000 € de prélèvements privés, en intégrant une marge de sécurité de 15 000 €, devra afficher un EBE de 70 000 € par an. « L’EBE mesure la capacité d’une entreprise à faire du résultat. C’est la traduction économique du fonctionnement technique d’une exploitation », résume l’experte. En d’autres termes, il détermine le niveau de cash nécessaire pour se payer, payer ses emprunts et avoir une trésorerie de sécurité.

« Si l’EBE est supérieur aux besoins, la trésorerie de l’exploitation s’améliore. Mais si les besoins sont trop importants, il est indispensable de chercher très rapidement des solutions pour pouvoir couvrir l’ensemble des besoins pour les années à venir », complète Céline Sibout. Moyenné sur plusieurs années et ramené à l’hectare, cet EBE permet de se comparer avec les exploitations de la même région et du même système. Selon les secteurs et les performances, l’EBE moyen varie facilement entre 300 et 600 €/ha.

Gare à ne comparer que ce qui est comparable

Attention toutefois aux comparaisons trop hâtives : il y a EBE et EBE ! « Selon les méthodes utilisées, les éléments pris en compte pour calculer l’EBE peuvent varier », prévient la spécialiste. Une différence de calcul entre deux EBE peut se justifier, par exemple pour comparer une exploitation individuelle à une exploitation sous forme sociétaire. « Pour les sociétés, il ne faut pas oublier l'éventuelle rémunération des exploitants décidée en assemblée générale et de soustraire les cotisations MSA, comptabilisées généralement hors compte de résultat, dans le calcul de l'EBE », explique Emmanuel Lambert, conseiller d’entreprises chez Agriexperts (Val d’Oise). Mais la rémunération fixée en assemblée peut etre très différente d'une exploitation à une autre pour un même travail donné et ne reflète pas toujours la réalité du coût du travail.

Une trop faible marge de sécurité peut également être un biais. Celle-ci permet de prévoir un autofinancement pour un futur investissement ou de constituer une épargne de précaution. « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise formule, l’essentiel est de ne pas comparer deux chiffres qui ne sont pas comparables », indique Céline Sibout. Autre écueil : l’EBE est parfois confondu avec la capacité d’autofinancement (CAF), qui intègre les mêmes éléments de calcul que l’EBE mais en y ajoutant les produits financiers et les produits exceptionnels - comme la vente d’un matériel - et en retranchant les intérêts d’emprunts ou de comptes courants d’associés.

Plusieurs ratios découlant de l’EBE sont les favoris des établissements bancaires : L’EBE/produit brut, qui mesure la rentabilité de l’exploitation et traduit la part de revenu disponible par rapport à la production. Ce ratio est jugé satisfaisant lorsqu’il atteint 30 %. Autre critère : le ratio annuités/EBE, qui mesure la part de revenu servant à rembourser les dettes et doit idéalement être compris entre 35 et 50 %.

Chiffre d’affaires, marge brute et EBE, le tiercé gagnant

L’EBE n’est bien sûr pas le seul critère de gestion. Pour les exploitations qui emploient du personnel, la valeur ajoutée peut être préférée à l’EBE. L’EBE est en effet la part de la valeur ajoutée produite qui revient à l’entreprise après déduction des frais de personnel. Tous deux sont issus du compte de résultat. « Le critère de la valeur ajoutée montre la capacité des salariés à dégager de la richesse pour l’exploitation », explique Cyril Durand, consultant au Cerfrance Alliance Centre dans le Loiret. Mais dans toutes les exploitations agricoles ou le dirigeant est seul à bord, la valeur ajoutée et l’EBE seront très proches. D’ailleurs, dans ces situations, la rémunération du chef d’exploitation est fréquemment la variable d’ajustement.

« Nous préconisons de ne retenir que les trois seuils les plus parlants pour son exploitation. En grandes cultures, il s’agit le plus souvent du niveau de chiffre d’affaires, de la marge brute et de l’EBE », conseille Cyril Durand. Reste que l’intérêt de ces ratios repose sur l’anticipation et l’analyse : « un chef d’exploitation doit avoir un tableau de bord pour se comparer, décider et agir », résume Clément Bizouard.

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