Colza : la technique du semis à la volée avant moisson présente-t-elle un intérêt ?
Le semis de colza à la volée avant moisson offre l’avantage de diminuer la pression adventices et insectes et de réduire les coûts et temps de travaux. La technique reste perfectible pour garantir une densité de semis homogène.
Le semis de colza à la volée avant moisson offre l’avantage de diminuer la pression adventices et insectes et de réduire les coûts et temps de travaux. La technique reste perfectible pour garantir une densité de semis homogène.

« Le semis de colza à la volée avant moisson permet d’obtenir des bénéfices environnementaux. Mais certains points doivent être encore améliorés », résume Bastien Boquet, ingénieur d’Agro-Transfert RT. Pendant trois ans, il a testé cette technique au sein du projet Adventurh, visant à diminuer les doses herbicides en gérant autrement les adventices. Quels avantages peut-on en tirer ?
Dans ces conditions, les semences de colza peuvent bénéficier de l’humidité du sol pour bien germer et lever, comme cela s’est vérifié par ailleurs avec le semis de graines de couvert d’interculture avant moisson, testé également par Agro-Transfert. Les graines profitent d’une humidité suffisante pour lever grâce à la paille laissée au sol. Ceci s’avère intéressant lors d’années sèches en contournant les sécheresses du mois d’août. Les plantes se développent vite sur une parcelle restant propre, avec une levée d’adventices limitée hormis les vivaces types chardons ou rumex.
Semer tôt permet également de mettre toutes les changes de son côté pour obtenir un colza robuste. « La somme de températures atteint 1 428 degrés jour pour un semis le 30 juillet, contre 917 le 8 septembre », détaille Bastien Boquet. Le colza gagne en vitesse de végétation, ce qui permet de limiter les insecticides. « Le nombre d’altises s’est avéré deux fois plus faible dans le colza à la volée dans notre essai à Roy-Boissy, confirme Juliette Martin, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Oise. La présence du couvert a aussi sûrement diminué l’attractivité du colza. La vigueur à la levée permet au colza d’atteindre rapidement des stades moins impactant pour les altises. »
Un indice de fréquence de traitement herbicides divisé par trois
Qu’en est-il de la pression des adventices ? « Nous avons réussi à diminuer les doses herbicides les trois années d’expérimentation », se réjouit Bastien Boquet. L’idée est de ne pas provoquer de germination d’adventices, en ne réalisant aucun travail du sol avant et après moisson. Le développement précoce et rapide du colza le rend compétitif pour la lumière vis-à-vis de la flore adventice. « Au final, un seul anti-dicotylédones à l’automne a été nécessaire, contre souvent deux de ces herbicides et un anti-graminées habituellement, souligne l’expérimentateur. Une baisse notable d’IFT (indice de fréquence de traitement) a été obtenue : 0,5 avec le semis à la volée contre 1,66 dans le témoin. » À noter : les essais ont toujours été réalisés sur parcelles propres post-moisson. Mais les vivaces passent à travers la culture (chardons et rumex). Le chercheur s’interroge aussi sur la dynamique de l’azote, décalée par rapport à un semis plus tardif.
Un temps de travail divisé par deux
L’atout de la technique se retrouve également en termes de charge de travail. « La technique avait déjà été travaillée sur le semis des couverts à la volée avant moisson de 2015 à 2020, avec des gains de temps de travaux et des couverts performants. De plus, cette méthode évite les conflits de chantiers après moisson entre le ramassage des pailles, l’épandage des engrais organiques et autres », développe l’ingénieur agronome. Au final, il estime le temps de travail nécessaire à 1,8 heure par hectare à la volée contre 3,4 dans le témoin en semis classique.
Augmenter la densité de graines de colza
La technique se traduit inévitablement par une répartition des graines aléatoires, dont il faut tenir compte. Il est ainsi nécessaire d’augmenter la densité de graines de colza semées (près de 3 kg/ha) par rapport à un semis traditionnel. Cette augmentation de coût s’avère largement compensée par l’absence de charges de mécanisation et la baisse des intrants, selon l’expérimentateur. Cependant, le nombre de pieds au m2 reste plus faible avec des diminutions jusqu’à 50 % par rapport au témoin. Les levées peuvent être très hétérogènes, avec des écarts de stade. « La biomasse en colza est pourtant légèrement supérieure avec un semis à la volée en entrée d’hiver, sans écart significatif. Le léger écart s’estompe en sortie d’hiver, car la défoliation du colza est un peu plus élevée en semis à la volée. Avec cette technique il faut être patient », affirme Bastien Boquet.
Les rendements du colza semé à la volée ont été inférieurs de 10 % en moyenne par rapport au témoin de semis conventionnel. Au final, les marges sont très comparables entre un semis traditionnel et un semis à la volée estiment les techniciens. La diminution du temps de travail et de produits phytosanitaires compense les surcoûts de semences et la baisse de rendement. Juliette Martin reste cependant très prudente sur la technique, vu les difficultés d’homogénéité de la culture. Certains agriculteurs, en agriculture de conservation, préfèrent semer leur couvert à la volée avant moisson et le colza seulement après, observe-t-elle. Une balistique des graines régulière apporterait vraiment un plus à la méthode.
Un mélange aggloméré de graines pour mieux répartir le semis
La mauvaise répartition des graines lors du semis à l’épandeur à engrais est un écueil à éviter autant que possible. La société Alpha semences propose un mélange de graines sur le principe de colza associé à des légumineuses. Les graines de vesce enrobées d’argile et de mélasse sur lesquelles les graines de colza adhèrent sont associées à des légumineuses : 3 kg de trèfle d’Alexandrie, 5 kg de vesce commune, 5 kg de vesce velue et 2,5 à 3 kg de colza. « La technique d’épandage reste à améliorer pour avoir une densité homogène », avoue Bastien Boquet. Dans ses essais, il est passé deux fois avec une demi-densité pour optimiser l’homogénéité, faute d’avoir un épandeur très précis.