Colza : comment réduire la pression des graminées adventices ?
Lors d’un webinaire organisé par Terres Inovia sur la gestion des graminées (vulpin et ray-grass) en colza, les experts de l’institut technique ont mis en avant les meilleures solutions de lutte, avec les herbicides en premier lieu.

Lors d'un webinaire organisé en juin 2025 par l'institut technique Terres Inovia, différents experts du désherbage ont présenté les solutions en colza pour lutter contre les graminées, dont la pression se fait de plus en plus sentir sur cette culture.
Le ray-grass fait un bond en avant parmi les adventices présentes sur colza
Les graminées sont de plus en plus problématiques dans les parcelles de colza. Selon l’enquête « Pratiques culturales » réalisée tous les deux ans par Terres Inovia auprès des agriculteurs, le ray-grass était positionné en 7e position dans le classement des adventices difficiles à détruire en 2012 (gaillet et géranium étaient en première et deuxième positions). En 2022, il était largement en tête des préoccupations des agriculteurs. « Cette évolution saute aux yeux : 5 % des surfaces de colza étaient affectées par cette adventice selon les agriculteurs en 2012. Nous sommes passés à 20 % en 2022 », souligne Fanny Vuillemin, spécialiste des adventices et techniques alternatives de désherbage à Terres Inovia. Dans le même temps, le vulpin a légèrement augmenté passant de 8 à 10 % de surfaces affectées.
Quel programme herbicide en cas de forte pression en graminées ?
Le choix du maintien ou de l’introduction d’un traitement herbicide de prélevée sur colza est fortement conditionné à la présence de ray-grass ou de vulpin. « Sur une forte pression en graminées difficiles, une gestion tout en post-levée est insuffisante, même avec une bonne efficacité de la propyzamide (Kerb Flo) en novembre, souligne Arnaud Micheneau, spécialiste du désherbage à Terres Inovia. Il est impératif de maintenir un traitement de prélevée efficace vis-à-vis des graminées. »
Pour l’expert, il faut éviter de se retrouver avec une forte infestation de graminées début octobre, période où il n’y a pas possibilité d’intervenir. On est trop tôt pour appliquer la propyzamide (active à température basse) et les graminées exercent une forte concurrence dès la mi-septembre vis-à-vis des colzas avec des pertes de biomasse, voire de pieds.
Métazachlore et napropamide, deux herbicides tirant leur épingle du jeu sur vulpin
Sur vulpin, deux molécules tirent leur épingle du jeu selon les essais Terres Inovia : le métazachlore à 750 g/ha en prélevée et la napropamide en présemis, incorporée à 900 g/ha (Colzamid 2 l/ha). Dans ces conditions, chacune de ces solutions présente 60 % d’efficacité en moyenne sur vulpin. En ray-grass, les écarts sont plus resserrés entre les différents herbicides, parfois à associer entre eux (napropamide, métazachlore, diméthénamide-P, dimétachlore, péthoxamide…).
La napropamide meilleure en présemis qu’en prélevée
La napropamide peut être utilisée à forte dose en prélevée (1200 g/ha), « mais l’incorporation en présemis permettra d’avoir des résultats supérieurs et plus sécurisants », selon Arnaud Micheneau. L’usage de Colzamid sera privilégié si l’on décide de ne pas utiliser le métazachlore ensuite. Le métazachlore est soumis à des règles d’utilisations strictes pour éviter la pollution des eaux, pouvant inciter dans certaines conditions à s’en passer.
Pour le métazachlore, la modulation de dose fait nettement perdre en efficacité. Le métazachlore peut être renforcé avec le dimétachlore au travers d’une association. La meilleure association en mélange est celle avec la napropamide. Par ailleurs, la combinaison de la napropamide en présemis et du métazachlore en prélevée est celle qui offre les meilleurs résultats contre les graminées.
Une efficacité des herbicides conditionnée à une application sur sol humide
L’efficacité des traitements herbicides de prélevée n’est malheureusement pas toujours optimale avec des applications parfois en conditions séchantes courant août ou début septembre, ce qui explique une très grande variabilité des résultats dans les essais. La moyenne d’efficacité est de 50 % de moyenne avec le produit Alabama (métazachlore + diméthénamide-P + quinmerac) à 2,5 l/ha selon des essais TI de 2018 à 2020 sur ray-grass et vulpin.
Les conditions d’application sont primordiales, à savoir appliquer sur sol humide. Les produits sont mis en difficulté sur les sols secs, surtout sur ceux argileux. L’idéal est une application après une pluie et avec des prévisions de pluies les jours qui suivent le traitement.
Des différences de positionnement des herbicides (métazachlore) entre ray-grass et vulpin
Ray-grass et vulpins n’ont pas les mêmes dynamiques de levée. Le ray-grass a tendance à lever dès le mois d’août avec les mêmes pluies qui feront germer le colza. Un herbicide comme le métazachlore positionné en prélevée aura plus d’efficacité sur ray-grass que s’il est placé en post-levée précoce. Pour Arnaud Micheneau, « la post-levée précoce est à éviter pour gérer le ray-grass. Idéalement il faudra positionner l’application entre le semis et la levée du colza. »
Pour le vulpin, c’est différent. Il lève un peu plus tard, à partir de début septembre. On gagnera 20 à 30 % d’efficacité en post-levée précoce (à la mi-septembre) par rapport à un traitement de prélevée. Ceci est valable pour des semis de colza en août.
Assurer la meilleure efficacité possible de la propyzamide, anti-graminées incontournable sur colza
Si la pression en graminées est faible, avec des adventices peu abondantes qui ne concurrencent pas trop le colza, un simple traitement de prélevée ou l’utilisation de la propyzamide en novembre suffira à gérer cette famille d’adventices.
La propyzamide (Kerb Flo) est la molécule anti-graminées par excellence sur colza. Plus de 700 000 hectares de colza sont concernés par une application de cet herbicide. Mais son efficacité est conditionnée à des températures basses lors de son application. Celle-ci est conseillée en novembre. « Avant cette période, le contrôle précoce des graminées, même partiel, joue un rôle majeur pour améliorer l’action de la propyzamide et en assurer l’efficacité finale », souligne Arnaud Micheneau.
« Sur graminées en novembre, Kerb Flo est efficace à 90 %. Mais sur des graminées très développées à cause d’un défaut de contrôle en début de culture, l’efficacité peut plafonner à 70 % et l’application de propyzamide n’est alors pas suffisante pour maîtriser ces adventices », observe Franck Duroueix, expert protection des cultures à Terres Inovia.
Une seule application par campagne est encouragée, sous température basse mais pas au-delà de décembre.
Des leviers de lutte agronomiques limités avant colza
En désherbage mécanique, le binage est plus efficace sur graminées que herse étrille mais l’action est limitée à l’inter-rang. Les cultures de printemps et d’été surtout (maïs, sorgho, soja, tournesol) offrent un bon décalage par rapport à l’installation des vulpins et ray-grass pour en casser le cycle de développement tout en offrant une panoplie d’herbicides complémentaire.
Dans les moyens de lutte, le faux-semis est délicat avant le semis d’un colza car il dessèche le profil de sol. Il vaut mieux le privilégier avant une céréale d’hiver pour, en plus, favoriser à l’automne les levées de graminées. Le labour occasionnel (tous les trois ou quatre ans) est à éviter également avant un colza. Il sera positionné avant une céréale dans le cas d’une rotation colza-blé-orge ou, mieux, avant une culture de printemps quand celle-ci figure dans la rotation culturale.