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Choucas des tours, lièvre, pigeon ramier... Comment lutter contre les dégâts de gros ravageurs en cultures légumières ?

Dans la zone légumière du Nord-Finistère, la quasi-totalité des exploitations sont impactées par les corvidés, le lièvre, le pigeon ramier et le lapin. Une enquête évalue la perte moyenne de chiffre d’affaires à 12 000 euros par domaine.

Dans la plupart des régions françaises, les producteurs de légumes et de fruits subissent de nombreuses dégradations des gros ravageurs. Une enquête récente, réalisée dans la zone légumière du Nord-Finistère, a montré que quasiment 100 % des exploitations sont impactées par la menace. « Sur les 109 exploitants, un seul a déclaré ne pas avoir de problème de gros ravageurs sur son exploitation », précise l’étude (1) - réalisée par Vianney Estorgues, chambres d’agriculture de Bretagne, et Perrine Quideau, élève ingénieure en horticulture à l’Institut Agro Rennes Angers -, dont les résultats ont été présentés dans un article d'Aujourd’hui & Demain en octobre 2023.

Choucas des tours, lièvre et pigeon ramier

Lors des échanges avec les exploitants, les gros animaux (oiseaux, lapins, corvidés…) constituent souvent la principale perte de rendement des cultures (avant les maladies, insectes ou adventices), du fait de l’absence de moyens de lutte ou des difficultés à s’en protéger. En effet, la réglementation relative à ces animaux est souvent complexe (voir encadré) et les producteurs ne disposent pas de moyens de lutte faciles à mettre en œuvre : nécessité du permis de chasse, de l’agrément piégeur, augmentation des temps de travaux…

Dans le bestiaire réalisé à cette occasion, les principaux animaux incriminés sont, par ordre d’importance : le choucas des tours, présent sur 79 % des exploitations ; le lièvre, que l'on retrouve sur 68 % des domaines; et le pigeon ramier, à l'origine des déprédations chez 57 % des exploitants. Viennent ensuite le lapin de garenne, présent chez 28 % des exploitations, la corneille noire (19 %) et le corbeau freux (15 %). Les trois quarts des établissement subissent des déprédations de deux à quatre espèces différentes. En moyenne, chaque propriété est concernée par trois gros ravageurs sur plusieurs types de cultures. Les dégâts recensés sont multiples : il s’agit principalement d’arrachage des semis, plants et bulbes pour les corvidés, de broutage du feuillage pour les pigeons, lièvres et lapins.

Le bâchage efficace contre les pigeons

Pour se protéger des pigeons ramiers, le recours aux canons est souvent pratiqué (35 % des exploitants). « Les canons horizontaux sont jugés peu ou pas efficaces par 82 % de leurs utilisateurs, alors que le canon à mat est jugé performant par 67 % de ses usagers », mentionnent les enquêteurs. Certains cultivateurs – plus du tiers des personnes interrogées – n’ont pas d’autres solutions que de bâcher leurs parcelles. Dans ce cas, l’efficacité est très bonne, mais les exploitants déplorent les temps de pose et le coût des voiles.

D’autres méthodes ont été testées par les agriculteurs : toutefois, le lait sur les mottes, les plastiques sur piquets, les épouvantails, les cerfs-volants, l’huile essentielle de menthe, les ballons jaunes ont tous été jugés inefficaces par les cultivateurs. De plus, les propriétaires signalent le problème de voisinage lié au bruit et nuisances sonores que peuvent causer les canons. L’effaroucheur sonore (cri d’oiseau) est jugé comme peu utile (moins que le canon à mat). « Un exploitant a testé l’effarouchement avec fauconnier, qu’il a jugé efficace mais trop cher. Un autre exploitant a testé un effaroucheur gonflable à effet sonore et visuel qu’il juge efficace et moins cher que le mat », indique l’étude.

Cet effaroucheur gonflable a été testé avec un effet sonore et visuel.
Cet effaroucheur gonflable a été testé avec un effet sonore et visuel. © Chambres d'agricultures de Bretagne

Electrification du filet

L’enquête rapporte également que contre les corvidés, 92 % des producteurs de maïs jugent le traitement de semences à base de Korit 420 FS (zirame) très influent. Mais ce produit devrait être retiré du marché en 2025. « Contre le lapin, la pratique commune est la pose de filet de 50 et 65 cm de haut en bordure de parcelle, entièrement ceinturée ou plus fréquemment le long des zones à risque », constatent Vianney Estorgues et Perrine Quideau.

L’électrification du filet permet une meilleure efficacité (79 % avec contre 63 % sans). Contre le lièvre, les filets à lapin, même électrifiés, sont moins efficaces : l’usage de filets plus hauts (90 cm) semble plus pertinent (75 % d’exploitants les jugent performants). Quelques producteurs ont recours au filet à plat (microclimat) contre le lapin, surtout si d’autres ravageurs sont également présents (pigeons), là aussi avec une très bonne efficacité.

L’étude réalisée a permis de chiffrer la mise en place des protections ou des replantations pour certaines cultures ou contre certains animaux. Ainsi, le temps de bâchage avec des filets à plat pour lutter contre les oiseaux a été estimé à 23 heures en moyenne (minimum 6 heures, maximum 54 heures) sur tout le cycle cultural, en tenant compte des poses et déposes nécessaires pour les différents binages. La pose de filets verticaux contre les lapins et lièvres peut varier de 2 à 10 heures par hectare (h/ha). En moyenne, les agriculteurs y consacrent 4 h/ha pour un cycle cultural.

L'arrachage des bulbes d'échalote par les choucas les jours suivants la plantation a nécessité 80 h de replantation dans cette parcelle de 7000 m2.
L'arrachage des bulbes d'échalote par les choucas les jours suivants la plantation a nécessité 80 h de replantation dans cette parcelle de 7000 m2. © Chambres d'agricultures de Bretagne

Jusqu'à plusieurs centaines d’heures de travail

Chez les 73 % de producteurs d’échalotes qui subissent des dommages de corvidés (arrachage des bulbes les jours suivants la plantation), les trois quarts ont décidé de replanter. Le temps de replantation peut varier de 3 à 114 h/ha, avec une moyenne de 34 h/ha. Au niveau des exploitations, le temps moyen de replantation des échalotes est de 85 heures. « Une exploitation y a consacré 320 heures ! », révèle un témoignage. Aussi, si l’évaluation des pertes causées par les gros ravageurs est souvent difficile. 28 % des exploitants estiment que les pertes sont faibles ou tolérables. Mais 71 % estiment que les dommages impactent leurs revenus.

Les producteurs capables de chiffrer les pertes financières liées aux gros animaux dévastateurs montrent que ces pertes varient de 500 € à 40 000 € avec une médiane à 10 000 € et une moyenne d’environ 12 200 €. « 25 producteurs de choux ont estimé la perte moyenne liée au pigeon ramier à 17 %. Avec des pertes pouvant varier de 0,5 à 50 % », donnent en exemple les auteurs. Toutefois, l’estimation des pertes est toujours délicate, car les déprédations sont souvent hétérogènes au sein des parcelles et entre les parcelles. De plus, des compensations de rendement peuvent se produire. Des retards de production peuvent aussi bien engendrer des prix de vente plus bas ou plus élevés qu’en période « normale ».

(1) L’enquête, réalisée par téléphone de fin mai à début juillet 2023, a permis de contacter 109 exploitants de la zone légumière du Nord-Finistère : le but était de mieux quantifier l’impact des gros ravageurs, à savoir les animaux à poils (lapins, lièvres, sanglier…) et à plumes (oiseaux). Une enquête similaire avait été conduite en 2014 sur le même territoire auprès des producteurs de choux (Aujourd’hui & Demain n° 126 de février 2016).

Une réglementation complexe

Certaines espèces sont chassables (environs 90 espèces : lapin de garenne, lièvre, pigeon ramier, corbeau freux, corneille noire, pie bavarde, sanglier, chevreuil, blaireau, ragondin…). La chasse est réglementée par les arrêtés préfectoraux (date d’ouverture, fermeture, modalités, quotas…), variables selon les espèces et les départements. Au sein des espèces chassables, certaines peuvent être classées d’ « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD), anciennement qualifiées de « nuisibles ».

Ce classement permet une régulation de ces espèces en dehors des périodes de chasse. Les espèces citées dans l’enquête sont : le lapin de garenne, le sanglier, la corneille noire, le corbeau freux et le pigeon ramier. Enfin, certaines espèces ont le statut d’espèce protégée (interdiction de capture et d’extermination) comme le choucas des tours : sa destruction reste cependant possible par arrêté préfectoral, avec des quotas et sur dérogation.

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