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Une traite de qualité pour des mamelles préservées

Les journées « Traite et santé mammaire » se poursuivent avec l’objectif d’apprendre et réapprendre à bien gérer la traite pour préserver la santé mammaire des chèvres.

En filière caprine, santé mammaire va de pair avec la traite. « Pour contrer les infections, la mamelle dispose de défenses passive et active » expose Alice Hubert de l’Institut de l’élevage à l’occasion d’une journée technique sur la traite dans le Loir-et-Cher. La défense passive, c’est d’abord le flux de lait de la mamelle qui permet d’éliminer les bactéries présentes. C’est ensuite la tonicité et la taille du sphincter qui vont limiter la remontée des germes. Enfin, la kératine secrétée par la mamelle permet l’obstruction complète du canal et le piégeage des bactéries. Si les bactéries sont rentrées dans la mamelle, la défense active est enclenchée avec le recrutement de polynucléaires ou globules blancs qui vont tenter d’éliminer les bactéries. C’est la raison pour laquelle le dénombrement de ces cellules somatiques est utilisé comme indicateur indirect d’une infection.

La pénétration des bactéries sera facilitée si le trayon est fragilisé, par une traite agressive notamment. Le risque d’infection dépend ainsi de la pression en bactéries dans le milieu, du temps d’exposition (durée et répétitions) et de l’efficacité des mécanismes de défense. La traite peut aussi être un facteur important dans la transmission des infections. Mais il est heureusement possible de la maîtriser, en travaillant à la fois sur la machine à traire, les pratiques de traite et l’aptitude à la traite des chèvres.

En étudiant 51 700 courbes d’éjection du lait issues de 5 800 chèvres de 16 élevages des Deux-Sèvres et de Vendée, Renée de Cremoux de l’Institut de l’élevage a observé que les deux tiers d’entre elles présentaient deux plateaux, c’est-à-dire que la vidange des deux demi-mamelles n’était pas simultanée. « Il n’y a pas toujours de lien entre ce déséquilibre fonctionnel et les déséquilibres visuels, détaille la vétérinaire. Il peut y avoir un côté beaucoup plus volumineux que l’autre avec des courbes à un plateau et des courbes à deux plateaux avec des mamelles qui semblent équilibrées. »

Soigner la traite, la mamelle et la machine à traire

Les chèvres avec une courbe à un plateau donnaient leur lait entre 1,22 minute et 4,59 minute, avec une moyenne de 2,32 minutes. Les chèvres qui donnent leur lait rapidement ont davantage de cellules que les chèvres longues à traire. « C’est peut-être parce que le temps de surtraite est plus élevé en cas de traites de courte durée qu’il y a davantage de cellules », explique Renée de Cremoux. Cela doit donc inciter à mieux régler la machine à traire ou à mieux adapter ses pratiques ou organisation de traite… En parallèle, les équipes de l’Inra confirment qu’il y a aussi ce lien génétique entre le débit du lait et les cellules. Un débit élevé est donc associé à des prédispositions génétiques pour des comptages cellulaires élevés (sensibilité accrue aux infections). Cette corrélation défavorable est d’autant plus importante en race Alpine.

Les chèvres au débit rapide risquent aussi d’avoir les mamelles davantage malmenées. En effet, des expérimentations sur une mamelle artificielle montrent que les fluctuations de vide sous le trayon augmentent en cas de débit élevé. « Cela augmente les risques de contamination du trayon à la suite d’engorgements de lait, de glissements ou de flux inversé. » D’un autre côté, on observe aussi que quand la durée de traite augmente, la fréquence des lésions augmente, exception faite de la congestion (voir le tableau).

Avec l’aide de Capgenes, l’Institut de l’élevage a classé les mamelles en six groupes. « Toutes les données de pointage entre 1995 et 2015 ont été analysées par un biostatisticien qui nous a permis de déterminer six types de mamelles », explique Pierre Martin, directeur de Capgenes. Et on observe des écarts de 300 000 cellules/ml en moyenne entre les profils extrêmes de hauteur de plancher par exemple. « Nous souhaitons vérifier que notre orientation du schéma de sélection va dans le bon sens par rapport aux types de mamelles ».

Capgenes travaille depuis plusieurs années sur la morphologie de la mamelle en l’incluant dans l’objectif de sélection à un poids de 30 %, et plus récemment les cellules somatiques ont été introduites pour une part de 10 %. « Parmi les nouveaux postes à étudier et peut-être à prendre en compte à l’avenir, le premier poste est apparu évident, complète Pierre Martin de Capgenes. Ce sont les déséquilibres de mamelle qui sont directement en lien avec l’augmentation des niveaux cellulaires. Nous l’avons intégré cette année en routine sur les 30 000 chèvres primipares que nous pointons chaque année et nous espérons voir le lien entre les infections des mamelles et leur déséquilibre ». Le deuxième poste qui sera pris en compte est la présence de kystes lactés au niveau des trayons, qui restent un reflet de la qualité de l’interface entre l’animal et la machine à traire. Là aussi, on a observé un lien avec l’augmentation des concentrations cellulaires. « Demain, l’intégration de ces deux postes dans une approche génétique permettra d’être plus efficace dans la sélection vers une baisse du taux cellulaire », espère le directeur de Capgenes.

 

 
Benjamin Deltour, vétérinaire GDS de la Drôme © DR
Avis expert : Benjamin Deltour, vétérinaire GDS de la Drôme

« Les chèvres infectées produisent moins de lait »

« Les cellules ne sont uniquement des chiffres sur un papier. À la traite, dans tous les élevages, j’ai pu observer des défauts tels que des déséquilibres de la mamelle, des indurations du parenchyme mammaires ou encore des abcès qui sont révélateurs d’infections  chroniques. Ces éléments mériteraient d’être mieux valorisés dans la gestion au quotidien des infections mammaires dans les troupeaux. Les cellules sont une problématique de santé de troupeau qui entraîne la présence de bactéries dans le lait, mais aussi des pertes de production laitière. Une étude menée en Rhône-Alpes a montré qu’en moyenne une chèvre infectée produisait 10 % de lait en moins qu’une chèvre saine ».

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