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Seul dans la vallée à faire pâturer le maquis

En Haute-Corse, Paul-François Donsimoni fait pâturer le maquis de son vallon mais il complémente aussi avec des fourrages achetés.

Paul-François Donsimoni est tranquille. Sur sa ferme d’Urtacca en Haute-Corse, le jeune homme de 24 ans est quasiment le seul dans sa vallée. C’est dans cette maison sur le bord de la route qu’il s’est installé il y a trois ans avec son petit troupeau de chèvres. Des 28 chèvres corses achetées à un berger en 2013, il a agrandi progressivement son troupeau pour détenir aujourd’hui environ 130 chèvres, 35 chevrettes et 18 boucs.

En plus des 78 hectares de maquis qu’il loue, Paul-François profite aussi des terrains inoccupés de ses voisins. Les chèvres y sont lâchées d’un côté ou l’autre de la route en les orientant au départ. Il les récupère le soir en allant les chercher à pied, en quad ou avec son 4x4. Mais cette alimentation à base de ciste, de myrte, d’arbousier ou de bruyère n’est pas suffisante pour alimenter les chevreaux et produire en plus 277 litres par chèvre en moyenne. Il a dû aussi abandonner certaines zones à cause de la présence de férule, cette plante toxique à fleurs jaunes que les chèvres mangent malgré tout par temps sec.

Du foin de luzerne insulaire ou continentale

Il donne alors un complément d’un kilo de foin luzerne par jour et par tête à la mise bas. Le foin de luzerne peut provenir du continent en gros ballot à 230 euros la tonne, soit produit localement en petits ballots et acheté 520 euros la tonne. Difficile pour Paul-François de cultiver ses fourrages lui-même. Non équipé en machine et sur des terres pentues et très pauvres, il faudrait défricher, épierrer et irriguer avant de pouvoir semer. Et la présence des sangliers et des lapins imposerait une très solide clôture.

Il complémente aussi pendant la traite à hauteur de 600 grammes, moitié granulée, moitié maïs. Les mises bas ont lieu fin octobre-début novembre puis en février. Les chevreaux et chevrettes restent avec leur mère puis, à partir de la mi-mars, on leur met des cabestu pendant 10 jours à un mois, des mors qui empêchent les jeunes de téter mais pas de manger. Le lait est collecté grâce à une machine à traire achetée d’occasion l’an dernier.

Des fromages frais vendus aux restaurants en attendant la boutique à la ferme

La fromagerie Pirruci passe un jour sur deux pour prendre du lait payé à 980 euros les 1 000 litres, quels que soient les taux. « Notre lait est payé le même prix qu’il soit produit en bâtiment ou dans le maquis, s’irrite d’ailleurs Paul-François Donsimoni, alors que le lait du maquis est 30 % plus riche en matière grasse ». L’éleveur prélève une partie de sa production pour faire du fromage frais et du brocciu qu’il vend à des restaurants voisins qui les cuisinent en délicieux cannellonis, boulettes, fiadones ou omelettes. En transformant une partie de sa production, Paul-François se laisse le temps de se construire une clientèle. C’est aussi un moyen d’employer sa compagne Pascale.

Paul-François Donsimoni est aussi en train d’aménager une pièce pour la vente directe. « Nous sommes sur une route touristique où il y a beaucoup de circulation de mars à novembre. Nous pourrions y vendre des tommes et du fromage type vennachais avec caillage rapide, pâte molle et croûte lavée ». Chaque fromage, nécessitant quatre litres de lait, est vendu sept euros pièce.

Des chasseurs sans respect pour l’élevage des chèvres

« Dès le début, je suis parti avec le contrôle laitier pour l’appui technique, la sélection de mes chèvres de race corse, l’analyse de la matière grasse et la production laitière ». Avec une production moyenne de 1,4 litre par jour, la soixantaine de chèvres traites produisent un peu plus de 80 litres par jour en moyenne. « Mais cela varie en fonction de la météo et de la présence de chasseurs. Avec les coups de feu et les chiens, les chasseurs sont sans respect et ils stressent mes chèvres », enrage Paul-François qui estime perdre environ 600 litres par mois.

Damien Hardy

Chiffres clés

Chiffres clés

1,4 litre par chèvre et par jour en moyenne
227 litres par chèvre et par an
51,4 g/l de taux butyreux
32,7 g/l de taux protéique

Des aides à 80 % pour s’équiper en machine à traire

Devant le mauvais état du parc de machine à traire en Corse, l’interprofession laitière ovine et caprine corse (Ilocc) et l’Odarc (Office du développement agricole et rural de la Corse) ont mis en place un plan « machine à traire » afin d’améliorer les conditions de travail et moderniser les élevages. Les achats ou rénovations de machines à traire, tanks à lait ou groupes électrogènes sont subventionnés à hauteur de 80 %. 63 élevages caprins et ovins en ont bénéficié en 2013 et 54 en 2014. « Il y a une forte demande pour moderniser les exploitations et réduire la pénibilité, observe Dumé Questel de l’Ilocc, mais les élevages sont parfois éloignés des réseaux électriques, hydrauliques ou routiers ».

Le saviez vous

Un élevage encore très extensif

Les élevages caprins insulaires sont constitués d’animaux de race locale et très rustique, majoritairement conduits de façon extensive. Les troupeaux ont une taille moyenne supérieure à 120 têtes et les pratiques d’élevage reposent sur un savoir-faire ancestral.

La filière caprine insulaire compte environ 225 exploitations et 32 000 chèvres. La production de lait annuelle est estimée à environ 4,6 millions de litres, dont près de 85 % sont transformés à la ferme, et le reste, soit environ 15 %, vendus aux laiteries. En moyenne, sur 210 jours de traite, une chèvre corse produit environ 180 kg de lait.

Source : Odarc

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