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Reconstruction de la filière caprine

Alors que l’élevage caprin connaît une période de décroissance dans les années cinquante et soixante, un important travail de restructuration est assuré par les professionnels et les syndicats.

Le lancement de la revue La Chèvre marque le début d’une période au cours de laquelle la filière caprine se dynamise. Pour améliorer la productivité laitière, l’important est de fédérer les hommes autour d’objectifs communs en matière de sélection et d’hygiène. Le but : sortir d’une tendance à l’enlisement de l’élevage de chèvres et de prendre des mesures directives.

Tout au long des années 1900, le nombre de chèvres en France ne cesse de reculer. De 1,8 million de têtes au début du siècle, le cheptel caprin français est tombé à 880 000 têtes en 1973. Le secteur reste marginal, mais il intéresse de plus en plus de professionnels, la chèvre étant un animal productif et simple à entretenir. Dans le Centre, la race alpine est définitivement implantée et en Touraine, le nombre de chèvres est estimé à 30 000. Les syndicats s’organisent pour encourager le développement de la filière et se dotent d’une revue pour informer, guider et mettre en relation les différents acteurs de l’élevage caprin. Progressivement, le lectorat de la revue La Chèvre s’élargit. Le travail des syndicats visant à unifier les éleveurs de chèvres porte ses premiers fruits.

Relancer une filière en déclin…

En parallèle de la première publication de La Chèvre, la naissance de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec) fait de 1958 une année charnière pour l’organisation syndicale caprine. D’abord constituée de sept syndicats, la Fnec se donne pour mission de défendre les éleveurs, de les documenter et de défendre le marché du lait. La production laitière étant l’une des principales préoccupations des éleveurs, les informations diffusées par les techniciens caprins se concentrent alors autour de la vulgarisation de recherches scientifiques et de nouvelles méthodes destinées à améliorer la rentabilité des élevages. Parmi elles, la rationalisation de l’alimentation caprine apparaît comme la condition fondamentale d’un bon rendement, avant même la sélection. Le régime d’une chèvre doit être équilibré : énergétique, protéique, minéral et vitaminé… Vers 1963, les premiers essais de zéro-pâturage sont effectués, afin de maîtriser complètement le rationnement. L’image de la chèvre débrouillarde et autarcique qui grignote les buissons en toute liberté au début du XXe siècle est dépassée.

Expositions et concours caprins participent également au rayonnement de la filière dans les années cinquante et soixante. Un véritable « esprit sportif » s’instaure entre les éleveurs de chèvres et soutient le mouvement d’amélioration des races ainsi que la diffusion des standards. La formation des éleveurs en matière de sélection et de performances en est accélérée, ainsi que les connaissances des produits régionaux : la promotion des fromages et des produits laitiers de chèvre est assurée lors de ces évènements. Présidente du syndicat caprin de Touraine, Colette de Saint-Seine se souvenait dans le numéro 164 : « Le syndicat organisait chaque année la visite d’élevages dans d’autres départements, chez des éleveurs dont nous avions entendu parler, et le compte rendu paraissait dans La Chèvre. Dans ces rencontres entre éleveurs, il y avait une sorte d’osmose, nous nous apprenions mutuellement. »

… Sous l’égide du contrôle et de la sélection

Pour garantir la relance de la filière caprine, un certain nombre de normes sont édictées pour orienter les éleveurs sur une même voie en matière de sélection et de production. Le Livre généalogique alpin est mis en place dans les années cinquante afin de gérer la sélection des chèvres. Il se transforme ensuite en outil permettant d’organiser le contrôle laitier, recommandé par les techniciens de l’Inra et orchestré par le syndicat du contrôle laitier et caprin. La revue La Chèvre participe à la sensibilisation des éleveurs au sujet de ce contrôle, essentiel pour repérer les bons éléments et orienter la reproduction. « Nous faisions paraître régulièrement la liste des meilleures laitières, puis celle des meilleures fromagères quand on s’est intéressé à mesurer la matière utile du lait », déclarait le premier rédacteur en chef de la revue, Adolphe Fatoux, en 1988. Dans le même temps, la lutte contre les fraudes est engagée à la fin des années 1950 dans le secteur fromager, afin de protéger le « pur chèvre », la saisonnalité étant encore le point faible de la filière. Sans interdire le « mi-chèvre », l’honnêteté des producteurs est de mise.

Les troupeaux s’agrandissent, atteignant parfois les 100 têtes et confirmant la pertinence des stratégies de la filière. La tendance se consolide notamment grâce à la loi sur l’élevage de 1966, qui favorise la recherche et crée les instituts techniques d’élevage, dont l’Itovic, administré par la Fnec et la Fédération nationale ovine (FNO). Ainsi restructurée pendant les Trente Glorieuses, la filière caprine prépare l’intensification de ses productions.

Les femmes, pionnières de l’élevage caprin

Traditionnellement, au début du XXe siècle, l’élevage et la garde des chèvres étaient réservés aux femmes, parfois aux jeunes enfants. Le caractère essentiellement féminin de cette activité dissuadait presque systématiquement les hommes de s’en préoccuper. Loin d’être privilégiées sur l’exploitation, les chèvres devaient être nourries à moindre frais : elles pâturaient le long des chemins et les troupeaux se croisaient, créant des liens forts entre les chevrières qui les accompagnaient. Les troupeaux, pour la plupart modestes, comprenaient une quinzaine de bêtes et permettaient à la fermière de fabriquer ses propres fromages. Le savoir-faire fromager de la filière caprine se trouve alors dans les mains de ces dames qui alimentent, échangent et transmettent les recettes comme les astuces. Au regard de l’implication et de la solidarité de la gent féminine dans la filière caprine, inutile de s’étonner en remarquant que nombre de syndicalistes des années 1950 sont des femmes. En 1958, les différents syndicats caprins du Centre, à l’origine de la revue La Chèvre, sont présidés par mesdames de Saint-Seine, de Montmarin et Deon, toutes trois éleveuses.

Dico

La « vache du pauvre »

L’expression « vache du pauvre », déjà employée au XIXe siècle, dépeint la chèvre comme un animal productif et peu coûteux. Longtemps parent pauvre de l’élevage face à la vache, elle est haïe par les forestiers et délaissée par les zootechniciens. Pourtant, le rôle économique de la chèvre n’est pas moindre : bien souvent, la chèvre garantit la subsistance de certaines familles, voire une partie des revenus des petits exploitants.

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