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Méteil grain : de l’avantage de mélanger

Les mélanges de céréales et de protéagineux récoltés en grain produisent un aliment riche en énergie et protéines. Recommandations techniques et témoignages.

Une application smartphone, en cours de développement, donnerait une indication de la valeur alimentaire d'un méteil à partir d'une simple photo. © J. Jost
Une application smartphone, en cours de développement, donnerait une indication de la valeur alimentaire d'un méteil à partir d'une simple photo.
© J. Jost

Pour accompagner les éleveurs caprins expérimentés et novices, le réseau RedCap a mis en place un dispositif d’acquisition de références en ferme sur les mélanges céréales-protéagineux récoltés en grain. Entre 2016 et 2019, 190 méteils récoltés par 75 éleveurs de chèvres en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire ont été étudiés. Les méteils grains se retrouvent en agriculture conventionnelle et biologique, avec souvent une conduite sans intrant. L’adage « on sème, on récolte » se vérifie. Les élevages suivis comptent entre 50 et 650 chèvres et la culture de méteil représente, en moyenne, 10 % de la surface. Les meilleurs méteils ont permis de récolter en moyenne 40 quintaux/ha d’un aliment équilibré à 0,99 UFL, 17,9 % de protéines brutes et 87 % de digestibilité de la matière organique. Le coût de production (hors main-d’œuvre) est estimé à 387 €/ha, soit 112 €/ t. 

De trois à cinq espèces mais de la féverole et du triticale

« L’objectif d’un méteil grain est de conforter l’autonomie protéique de l’élevage, explique Jérémie Jost, de l’Institut de l’élevage - RedCap. Ainsi, nous souhaitons produire un méteil grain à plus de 16 % de MAT et à 1 UFL - ceci équilibrera au mieux les rations -, avec un rendement supérieur à 35 quintaux par hectare ». L’analyse des quatre années de suivi montre qu’il existe une variabilité de rendement et de valeur protéique des méteils selon la composition du mélange semé, les conditions climatiques et l’itinéraire technique. Cependant, les méteils les plus performants comportaient de la féverole et du triticale.

« La présence de féverole sécurise le rendement et la valeur protéique, insiste Jérémie Jost. C’est le protéagineux clé des méteils ! » La féverole se sème avec un objectif de 10 à 15 graines/m² sur un total de 250 à 350 graines par m², dont environ 10 à 15 % de protéagineux. Le triticale sécurise le rendement et sert de pivot au protéagineux. Il est à semer entre 200 et 250 graines/m². Un mélange de trois à cinq espèces est le bon compromis. Privilégiez l’association de deux protéagineux, pour sécuriser sa récolte et limiter la variabilité interannuelle, par exemple 10 à 15 graines/m² de féveroles et 15 à 20 graines/m² de pois fourrager. Par ailleurs, si vous souhaitez diversifier votre mélange, limitez l’avoine à 45-60 graines/², la vesce à 5-15 graines/m² et évitez l’orge. « Ces recommandations sont issues d’observations en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire, indique Jérémie Jost. Elles restent cependant valables dans les autres régions françaises, en adaptant les doses de semis aux conditions pédoclimatiques locales. »

Vers une appli smartphone pour compter les graines

Connaître la valeur alimentaire d’un méteil grain demande de la patience : il faut trier 200 g de mélange pour déterminer les proportions de chaque espèce et envoyé l’échantillon pour une analyse biochimique. D’ici quelques mois, grâce au projet Carpeso porté par les chambres régionales d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, une application smartphone permettra, avec une simple photographie du méteil, de déterminer la composition et la valeur alimentaire d’un échantillon, en quelques secondes.

En moyenne, les éleveurs suivis distribuent 110 kg de méteil grain par an à leurs chèvres. Ceci représente environ 15 % des besoins protéiques annuels des chèvres. 80 % des méteils sont distribués « tels que » (en graines entières) aux chèvres. Ces éleveurs ne constatent pas de tri ou de refus particulier. Certains éleveurs préfèrent aplatir les graines avant la distribution pour favoriser son assimilation. Les questions sont fréquentes sur le mode de présentation du méteil. Des essais sont en cours sur le dispositif expérimental Inrae Patuchev de Lusignan, pour comparer les performances laitières avec du méteil apporté en graines entières ou aplaties. Résultats à venir bientôt !

Et les méteils fourrage ?

Pour les méteils fourrage, « il est important de choisir des espèces assurant des fonctions complémentaires dans le mélange. Les fonctions à prendre en compte sont les suivantes : le pouvoir couvrant, l’aptitude à constituer un bon tuteur, la productivité et la qualité (protéine, énergie, ingestibilité) », rappelle le Guide technique des mélanges fourragers à base de céréales à paille et de légumineuses proposé par l’AFPF. Le méteil fourrage sera composé au maximum de six à sept céréales et protéagineux, semé à une densité de 300 à 350 graines/m². Après cinq mois de culture, on peut espérer récolter quatre à sept tonnes de matière sèche par hectare en enrubannage. Le semis se fait généralement l’automne. Deux mélanges sont mis en avant : un mélange riche en céréales (140 à 200 graines/m² de triticale + 30 à 80 gr/m² d’avoine + 10 à 20 gr/m² de pois fourrager + 10 à 15 gr/m² de vesce) pour 170 à 220 euros de semences par hectare, soit un mélange 100 % protéagineux (20 gr/m² de féverole + 50 gr/m² de pois fourrager) pour un coût de semences de 200 à 456 €/ha.

Récolte en enrubannages immatures des méteils

On préconise de récolter si possible avant l’épiaison des céréales et le début de la floraison des vesces ou des trèfles. La fauche doit être assez haute, 7 ou 8 cm au moins, car le chaume restant va servir de support aux méteils coupés et ainsi améliorer le préfanage par la circulation d’air sous l’andain. En plus, le bas des tiges n’apporte pas beaucoup de rendement ni de valeur alimentaire. On privilégiera une vitesse de rotation lente des fléaux ou, pour bien conserver les feuilles des légumineuses, les conditionneurs à rouleaux qui sont mieux adaptés.

En savoir plus

Une plaquette sur les méteils

La plaquette Quels méteils grain pour les chèvres de Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire détaille en 12 pages l’itinéraire technique du mélange et sa valorisation par l’animal.

L’avis du Gaec l’Edmondière en Vendée

« Un méteil grain à 16 % de MAT pour produire mille kilos de lait par chèvre »

« Nous élevons 700 chèvres et 83 vaches allaitantes sur 218 ha. Les chèvres produisent 1 000 kilos de lait en moyenne. Nous avons débuté le méteil car nos terres ne permettent pas de faire blé sur blé et nous avons un grand besoin de paille. Le méteil était un bon compromis. De plus, la culture est intéressante pour la structure du sol avec les racines pivots de la féverole. Cette culture demande peu d’intrants, seulement un apport d’azote de 30 unités par hectare en février. Le méteil est aussi un produit intéressant dans la ration, avec un apport de protéines moins onéreux. Le gain se fait sur les quantités de soja et de chèvre laitière économisée. Avec 250 grammes distribués par chèvre et par jour, cela représente presque 52 tonnes de méteil distribué par an. L’économie sur le soja et les concentrés est donc non négligeable. Le mélange est broyé, mis en boudin et distribué à la mélangeuse, avec l’ensilage de maïs et le fourrage. Le mélange s’est construit avec le conseiller caprin et l’avis d’éleveurs utilisateurs. C’est un mélange qui s’associe bien, facile à récolter au niveau de la maturité des espèces et facile à conduire. Il est composé de triticale (210 graines/m²), de pois fourrager (8 graines/m²) et de féverole (15 graines/m²). Ainsi, le mélange compte 11 % de graines de protéagineux semées. En 2019, nous avons récolté 55 quintaux par hectare de méteil. La qualité était variable selon les parcelles : entre 13,5 et 17,3 % de MAT. En moyenne, notre méteil faisait 1,04 UFL, 0,90 de MO et 16 % de MAT. La ration au pic est la suivante : 700 g de foin de luzerne, 100 g de paille, 3,5 kg d’ensilage de maïs, 250 g de méteil, 250 g de tourteau de soja, 700 g de chèvre laitière et 5 g de Protéi +. Cela permet de produire 3,8 kilos de lait par chèvre au pic de lactation. Pour les années à venir, nous allons augmenter la surface et de la quantité distribuée pour économiser davantage sur les concentrés achetés. »

Propos recueillis par Théophane Soulard (Seenovia)

L’avis du Gaec de Lorioux dans la Creuse

« On sème puis on récolte sans aucun intrant »

« Au départ, nous récoltions du triticale pur avec des apports d’engrais et de produits phytos. Nous avons débuté le méteil en 2015 pour limiter les interventions chimiques et ne plus utiliser de désherbant ou d’engrais. Après un mélange simple triticale/pois fourrager, nous avons implanté en 2018 un mélange plus complexe avec utilisation de féverole pour augmenter la part de légumineuses dans le mélange et mieux capter l’azote de l’air. Les suivis réalisés depuis quatre ans par le RedCap ont motivé notre choix. Pour l’instant, tout va bien : on sème, on récolte, sans intervention à réaliser entre-temps. Nous sommes satisfaits des choix effectués et des différents mélanges récoltés. Nous allons poursuivre avec les méteils, d’autant plus que l’année 2019 est très positive. Nous en avons récolté 42 quintaux par hectare et le méteil fait 1,03 UFL et 17,6 % de MAT ! Le méteil récolté est utilisé pour nos 370 chèvres. Il permet de limiter les aliments achetés. Les chèvres le mangent bien, tel que, sans aplatissage. Au pic de lactation, nous distribuons 2 kg de foin de prairie multiespèce, 300 g de maïs grain, 400 g de tourteau de soja 48, 600 g de méteil et 50 g de graine de tournesol. À partir d’avril, nous débutons l’affouragement en vert, avec une production de 3,6 kg/chèvre/jour. Nous distribuons 14 kg bruts de ray-grass italien-trèfle violet avec l’autochargeuse, 300 g d’un foin de prairie multi-espèces, 800 g de méteil (mélange triticale-pois semé en 2018 à 0,89 UFL et 12,9 % MAT) et 50 g de graines de tournesol. »

Propos recueillis par Romain Lesne (Ardepal)

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