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Mélanger les rations n’est pas jouer

Les utilisateurs de mélangeuses préfèrent souvent laisser du fourrage grossier à disposition du troupeau. Analyse des pratiques.

Les rations mélangées sont peu développées en élevage caprin car elles nécessitent un compromis entre la sauvegarde d’une fibrosité physique et la limitation du tri alimentaire pour réduire les risques métaboliques. Ces rations sont surtout présentes dans les grands troupeaux, justifiées par une volonté de simplification du travail. Cette technique de distribution, très fréquente et bien maîtrisée en élevages de vaches laitières, l’est beaucoup moins en élevages de chèvres. 30 éleveurs et conseillers caprins étaient réunis en Vendée le 18 mars dernier pour faire le bilan des travaux menés sur la ration mélangée en élevage caprins par l’Institut de l’élevage, Seenovia et le Saperfel.

Un réseau de 22 élevages de chèvres suivis entre 2016 et 2018

Afin de répondre à ces questions, l’Institut de l’élevage, le Saperfel et Seenovia ont mis en place et suivi un réseau de 22 élevages caprins avec ration mélangée entre 2016 et 2018. Ce travail a été réalisé en Deux-Sèvres, Vendée, et Maine-et-Loire dans le cadre du projet Casdar CAPHerb.

Le suivi mis en place pendant deux lactations a permis d’acquérir l’expérience des éleveurs et de leurs conseillers, ainsi que la mesure d’indicateurs. Quatre fois par an, un conseiller du contrôle laitier réalisait un suivi de la réalisation du mélange : durée, ordre d’incorporation des aliments, nature et quantité des aliments, ainsi qu’une évaluation du mélange et des refus avec un tamisage au PennState Separator.

Parmi les 22 élevages suivis, on retrouve une majorité d’élevages caprins mixtes avec des bovins laitiers ou allaitants (15 élevages/22). Les troupeaux spécialisés sont des troupeaux de 575 chèvres en moyenne, tandis que les troupeaux mixtes comptent 386 chèvres et des vaches allaitantes, laitières, laitières et allaitantes.

Des rations mélangées semi-complètes en élevage caprin

Les suivis ont montré que, de façon générale, un ou plusieurs aliments n’étaient pas distribués via la mélangeuse. Du fourrage grossier est souvent disponible en libre accès.

En moyenne, on dénombre 5,7 aliments mis dans le mélange et 2 aliments pour compléter en dehors. Les rations décrites sont donc des rations mélangées complexes et semi-complètes. L’ensilage de maïs est présent dans quasi toutes les rations suivies. Ensuite, on observe une diversité d’aliments possibles : aliments fibreux du commerce, foin de graminées et/ou légumineuses, enrubannage d’herbe ou de méteil, ensilage d’herbe, de sorgho ou méteil, et des concentrés.

Les rations mélangées, par la diversité des aliments utilisés, permettent souvent de valoriser plus de fourrages et d’aliments produits sur l’exploitation. En moyenne, les rations distribuées au pic de lactation sont composées de 64 % de fourrages et de 57 % d’aliments produits sur l’exploitation.

Une part variable du mélange dans la ration

Compiler mélange et distribution de concentrés ou de fourrages à côté peut permettre de sécuriser l’apport de fibrosité physique aux chèvres. L’apport de concentrés à la traite ou en chèvrerie (via un DAC) est souvent lié à l’existence d’un tel dispositif avant l’utilisation de la ration mélangée. Cela va permettre par ailleurs d’affiner la ration en fonction du lot de production.

Trois utilisations de la ration mélangée sont observées. Dans les rations « tout mélange », plus de 90 % de la ration est apportée par le mélange. En complément, on retrouve moins de 100 g de concentrés en salle de traite et du fourrage au râtelier. Dans les rations mixtes, les deux tiers de la ration sont apportés par le mélange. En complément, du concentré et des fourrages sont apportés à l’auge. Dans les élevages avec rations mélange + concentrés, une partie non négligeable des concentrés est apportée en dehors du mélange. Ce choix est souvent lié à la présence d’un DAC avant le début de l’utilisation de la mélangeuse. Pour des éleveurs commençant une ration mélangée, afin de limiter les investissements et les coûts de mécanisation, il est préférable de débuter avec une ration « tout mélange ».

Des conseils pour réussir sa ration mélangée

En premier lieu, il est recommandé de conserver un râtelier de foin grossier ou de paille appétant et disponible, qui permettra de sécuriser le mélange, tout en favorisant la rumination des chèvres. Avec une ration mélangée, il faut viser entre 1 et 5 % de refus. La ration mélangée peut amener des problèmes de gaspillage d’aliments riches en azote, d’homogénéité du bol, de manque de fibrosité physique.

Le mélange est trop sec ? Idéalement, on vise un taux de matière sèche compris entre 45 et 55 % de MS. Cela permet de limiter le tri (ration trop sèche) et les risques métaboliques (ration trop humide). Concrètement, il suffit d’ajouter de l’eau dans le mélange.
Le mélange n’est pas assez collant ? Les particules fines ne sont alors pas assez collées au fourrage dans la ration, induisant des pertes car ces particules trop fines ne sont alors pas consommables par les chèvres (poussière). Un ajout de mélasse à hauteur de 2 à 3 % maximum, soit 100 et 140 g/chèvre, permet de corriger cela.
L’ordre d’incorporation des aliments est-il satisfaisant ? Pour remplir la mélangeuse, il est conseillé d’introduire en premier les fourrages fibreux à découper, puis les concentrés et les CMV, les ensilages d’herbe et de méteil et de finir par les fourrages prédécoupés et l’ensilage de maïs.
La mélangeuse est-elle suffisamment remplie ? les mélangeuses à vis horizontales sont fonctionnelles et efficaces pour des niveaux de remplissage de 20 à 80 %. Cela donne de la souplesse dans son utilisation. À l’inverse, pour les mélangeuses à pâle ou à vis verticales, il faut avoir entre 70 et 85 % de la mélangeuse remplie.
Le mélange est-il suffisamment mélangé ? Si le coefficient de variation de la taille moyenne des particules du mélange est supérieur à 5 %, on peut estimer que le mélange n’est pas assez homogène. Il faudra alors mélanger plus longtemps.
Le mélange est-il suffisamment accessible lors de la distribution ? Il faut qu’au moins 60 % du mélange soit accessible par la chèvre lors de la distribution.
Combien de repas dans la journée ? Une distribution suivie d’une repousse au moins 5 heures plus tard est suffisante.
Quel est l’état de l’auge ? l’auge doit être lisse et plane, débarrassé des refus avant toute nouvelle distribution.
Le cordon est-il suffisamment homogène lors de la distribution ? si ce n’est pas le cas, il faut rééquilibrer le cordon à la fourche.

Les plus/Les moins

Les plus

Gain de temps et de pénibilité

Précision dans la quantité de chaque aliment apportée

Gaspillage d’aliments par le tri réduit

Les moins

Investissements matériels et frais de mécanisation importants

Dépendant de problèmes mécaniques éventuels

Le DAC affine la ration et le robot repousse

Au Gaec l’Épine blanche en Vendée © M. Blanchard
Au Gaec l’Épine blanche en Vendée, Christophe et Damien Soullard alimentent depuis 2014 les 490 chèvres Saanen avec une mélangeuse à pâle de 15 m3. La production annuelle est de 1 230 kg de lait par chèvre (31,2 de TP et 35,8 de TB).

La ration au pic de lactation est composée de 64 % de fourrages : ensilage de maïs, foin de luzerne et foin de ray-grass italien. Les foins sont mis dans la mélangeuse et prédécoupés la veille, le matin l’ensilage de maïs, les minéraux, l’argile et le sel sont incorporés dedans. Les concentrés apportés au DAC permettant d’affiner l’alimentation des quatre lots : lot de primipares, lot des deuxièmes lactations, lot de lactations longues et les autres.

Le mélange est distribué une fois par jour le matin puis repoussé cinq fois avec un robot automatique de type Lely Juno. Ceci permet aux éleveurs de fragmenter l’apport de mélange (synchronisé avec les concentrés) sans la contrainte d’être présents.

Les résultats sont à la hauteur des attentes des associés avec une productivité par chèvre élevée, des animaux en bonne santé, et une mécanisation baissant à la fois la pénibilité et l’astreinte.

60 % de la ration en mélange au Gaec de la Thibaudière

Au Gaec de la Thibaudière, en Vendée également, Tanguy Roussière et Claude Chauvet nourrissent 750 chèvres et 50 vaches laitières avec une ration mélangée. La production annuelle est de 916 kg de lait par chèvre avec 32,9 de TP et 35,4 de TB. Ils ont investi en 2012 dans une mélangeuse à pâles de 12 m3. Ils avaient jusqu’alors 400 chèvres. Le volume de la mélangeuse est aujourd’hui trop juste, ils nourrissent en une distribution le troupeau caprin, mais les éleveurs réfléchissent à investir dans une nouvelle, de 18 m3, pour gagner en souplesse.

Ils ont choisi d’apporter au pic de lactation 60 % de la ration en mélange (3,5 kg d’ensilage maïs en matière brute, 390 g de foin de graminée et 383 g de concentrés), complété de 800 g de concentrés (quatre apports au DAC par jour et lors de la traite) et de 400 g foin de graminées au râtelier. Le taux de refus est limité avec cette ration à 1,5 %. Les éleveurs ont par ailleurs acheté une balayeuse autoportée, pour nettoyer l’auge.

En savoir plus

Cap’vert et guide technique

La journée technique Cap’vert, le 26 septembre à l’Inra de Lusignan, abordera la ration mélangée en élevage caprin avec un zoom sur les règles pour préparer une bonne ration mélangée et choisir la mélangeuse adéquate.
Un guide technique est en cours de rédaction par l’Institut de l’élevage et ses partenaires. Il sera disponible à l’automne 2019. Ce guide s’adressera à la fois aux éleveurs qui se posent des questions sur l’opportunité de mettre en place une ration mélangée, ainsi que sur des éleveurs qui souhaitent perfectionner leurs pratiques.

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