Aller au contenu principal

Les labels huile et chevreau en concurrence au Maroc

L’utilisation de l’arganier est partagée entre l’huile d’argan et l’élevage caprin. Une concurrence ravivée avec la mise en place d’indications géographiques.

Les chèvres qui prélèvent une partie de ces fruits sont de plus en plus mal vues dans les arganeraies. Après avoir cohabité avec les hommes depuis plusieurs millénaires, les chèvres apparaissent aujourd’hui bannies. © jackmac34/Pixabay
Les chèvres qui prélèvent une partie de ces fruits sont de plus en plus mal vues dans les arganeraies. Après avoir cohabité avec les hommes depuis plusieurs millénaires, les chèvres apparaissent aujourd’hui bannies.
© jackmac34/Pixabay

Forêt du Sud-Ouest marocain, située entre Essaouira et Agadir, l’Arganeraie longe la frange littorale et pénètre dans les contreforts du Haut Atlas. Parmi les espèces forestières, l’arganier, espèce arboricole et fructifère, s’inscrit dans un système agro-sylvo-pastoral où élevage et collecte des fruits se côtoient depuis des millénaires permettant aux familles d’y trouver des moyens d’autosubsistance autour de l’huile d’argan et du chevreau de l’Arganeraie. Ayant longtemps contribué à l’autosubsistance alimentaire locale, le déploiement des indications géographiques pour ces deux productions qui les destinent à des marchés de niche pose de manière nouvelle la question de leur cohabitation.

L’huile d’argan a porté au Maroc l’élan du terroir et a contribué à installer nombre de coopératives et d’industries de transformation. On prête à l’huile des vertus cosmétiques, médicales et culinaires, tout en valorisant le savoir-faire des femmes rurales, deux volets de qualification de l’activité qui ont conduit l’Union européenne à enregistrer en 2009 l’huile d’argan comme produit agricole protégé par une indication géographique. Mais cette réappropriation de la ressource arganier peut aussi être vectrice d’exclusions, notamment à propos de l’élevage caprin avec qui les conditions de cohabitation sont nouvellement éprouvées.

Contestation des forestiers et des producteurs d’huile

À la suite de l’huile d’argan, c’est aujourd’hui au chevreau de mener un projet de certification en lien avec une nouvelle loi marocaine sur les indications géographiques. Il doit pour cela démontrer son attachement au terroir. Or, l’élevage caprin est largement basé sur le parcours forestier et le pâturage de l’arganier et ces pratiques contribuent à donner au chevreau sa typicité. Lors de l’arbitrage ministériel du projet, une contestation s’est construite et au cours de laquelle l’Amigha, le syndicat de défense de l’huile d’argan, et les forestiers sont venus disqualifier cette activité. Les motivations principalement avancées sont liées la dégradation des ressources notamment lors du pâturage aérien.

Redéploiement des légitimités au détriment de l’élevage

Pourtant, à observer cette activité, d’étroites complémentarités sociales et techniques ont été construites par les communautés rurales de la région de Haha. L’Arganeraie devient source de tension car elle fait l’objet d’appropriations rivales, encouragées par une spécialisation des activités qui déconstruit sa nature multifonctionnelle. Pourtant, les usages de collecte destinés à la production d’huile et de pâturage associé à la fourniture de viandes font partie des droits d’usages qui régissent l’utilisation des terres. Des règles coutumières par les familles et les communautés ont confirmé ces droits. Par exemple, la pratique de l’Agdal permet de mettre en défense des terres de parcours à certaines périodes de l’année afin d’y collecter les fruits.

L’introduction des indications géographiques donne lieu à l’émergence d’un nouveau maillage d’acteur et un redéploiement des légitimités qui se fait souvent au détriment de l’élevage. Il s’en dégage une vision naturalisante de la forêt, une sanctuarisation qui écarte progressivement les processus de domestication, tout au moins en favorise certains plutôt que d’autres.

Les plus lus

<em class="placeholder">Purge dans une salle de traite</em>
« Ne pas remettre le lait de purge dans le tank »
Vider le lait de purge dans le tank est une habitude risquée, car cette zone trop souvent mal nettoyée concentre des bactéries…
<em class="placeholder">l&#039;éleveur avec son patou</em>
Guillaume s’est installé à peu de frais avec des poitevines bio dans le Finistère
Installé depuis 2018 dans le Finistère, Guillaume Quéré élève 50 chèvres poitevines en semi-plein air et transforme…
<em class="placeholder">Moulage des fromages fermiers dans le Rhône</em>
À La ferme de Chasse Nuage dans le Rhône : « Nous chassons les grammes de fromage superflus »
Dans le Pilat rhodanien, La ferme de Chasse Nuage cultive l’art de transformer chaque litre de lait en fromage de qualité… jusqu’…
Ferme caprine à transmettre dans le Rhône
Cet éleveur de chèvres à proximité de Lyon cherche à transmettre sa ferme.
<em class="placeholder">Mamelle de chèvre et manchon trayeur</em>
Cinq conseils pour augmenter son rendement fromager
Surveiller ses rendements fromagers permet d’augmenter le nombre de fromages avec la même quantité de lait. Pistes d’amélioration…
<em class="placeholder">Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France fromager 2023</em>
Fromages de chèvre, condiments, épices et herbes fraîches : un terrain de jeu gustatif
On peut s’amuser à présenter les fromages de chèvre avec toute une variété de condiments, épices ou herbes fraîches. À condition…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Chèvre
Consultez les revues Réussir Chèvre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Chèvre