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Le sel, indispensable ingrédient en transformation fromagère

Le goût, l’aspect final et la conservation d’un fromage vont être directement influencés par le sel apporté par le fromager. Retour sur les points essentiels de cette étape.

Face à la demande croissante de produits alimentaires allégés en sel, « certains fromagers ont tenté de limiter trop fortement la quantité de sel apporté par fromage, voire essayé de ne pas en mettre du tout. Il y a eu alors de nombreux cas d’accidents de fabrication car, au-dessous de 1 % de sel dans le fromage au démoulage, il y a des risques de développement de flores d’altération ou d’apparition de ratés technologiques », explique Sylvie Morge, technicienne fromagère du pôle d’expérimentation et de progrès (PEP) caprin. Le sel a en effet un rôle important et irremplaçable sur plusieurs paramètres de fabrication des fromages lactiques : il va bien entendu donner du goût au fromage, mais il va également accentuer son égouttage puisque pour un gramme de sel apporté, il faut compter quatre à cinq grammes d’eau retirés. Le salage, selon le moment de la fabrication auquel il est réalisé, va orienter le développement des flores technologiques et va former la croûte du fromage. La protéolyse du fromage, réalisée par les flores de surface, est donc tributaire du salage. S’il n’y a pas d’apport de sel, la matière grasse n’est pas dégradée correctement et apparaît alors le phénomène de saponification, rendant le fromage invendable. Le Geotrichum va réaliser une bonne protéolyse en une dizaine de jours alors que l’action du Penicillium va prendre un mois.

Quand saler ?

Le moment du salage va déterminer quelle flore de surface prendra le dessus sur le fromage. Une flore halophile, qui va préférer les milieux salés, tels que les Penicillium, se développera quatre jours après le salage et donnera au fromage une belle croûte bleue. Il faut donc que le salage ait lieu tôt au cours de la fabrication, soit une première face au moulage et la seconde face au démoulage. Au contraire, si le fromager souhaite obtenir des fromages blanc ivoire, un salage tardif permettra au Geotrichum de se développer durant les deux premiers jours de fabrication. La première face sera donc salée lors du démoulage et la deuxième face lors du ressuyage. Le fromager va donc déterminer le moment du salage selon l’aspect final qu’il souhaite donner à ses fromages. « C’est amusant de voir que pour une même AOP, il existe des différences de goût traditionnelles fortement implantées sur les territoires. Pour le Picodon AOP, par exemple, le nord de la Drôme va préférer des fromages bleus, alors que les consommateurs du sud en veulent des blancs et voient le bleu comme un défaut », analyse Sylvie Morge.

Quelle quantité et quel type de sel ?

Sylvie Morge recommande de peser régulièrement le sel et les fromages puisque le poids de ces derniers va influer sur la quantité de sel.

Dose de sel = nombre de fromages x poids moyen du fromage x 1 %

Le poids du fromage pris en compte doit être celui au moment du démoulage. « S’il n’y a pas assez de sel (< 0,5 %), des flores d’altération telles que Pseudomonas fluorescens vont prendre le dessus des flores technologiques mais s’il y a trop de sel, le fromage peut devenir tout simplement immangeable ! », détaille la technicienne du PEP caprin. Des tests sur la quantité de sel ont été réalisés dans la fromagerie de la ferme expérimentale du Pradel, en Ardèche. La dégustation des Picodons obtenus qui a suivi a révélé que tous les fromages contenant 1,5 % de sel n’étaient pas bons (notes piquantes, agressives) et que ceux contenant 0,5 % ou moins de sel avaient un goût puissant, piquant, acide, voire animal. Le bon compromis a donc été établi à 1 % pour les fromages lactiques. Cependant un autre exemple, pour les pâtes persillées, notamment en Roquefort, le taux de sel va atteindre 2,5 %. Concernant le type de sel à utiliser, il faut fuir à tout prix le sel de cuisine, car, bien que facile à trouver, il contient du fluor ou de l’iode et ces deux composés chimiques peuvent altérer le développement du Geotrichum ou bien faire durcir la croûte de Penicillium, la rendant cartonneuse et de fait, désagréable à la consommation. Sylvie Morge recommande d’utiliser du sel de fromagerie, facile à trouver chez les fournisseurs de matériels de transformation.

Sel gemme plutôt que sel marin

Plusieurs critères vont ensuite déterminer l’achat, à savoir les additifs qu’il peut contenir, tels que les antimottants qui vont permettre un salage plus fluide et éviter les paquets. La granulométrie a également son importance, plus les grains seront fins (entre 400 et 650 microns) et plus leur répartition sera homogène sur la surface du fromage. Enfin, contrairement à la croyance populaire, le sel est loin d’être un milieu aseptisé et outre les micro-organismes halophiles, d’autres peuvent y être en dormance et se développeront une fois en contact avec le fromage. Afin de connaître facilement le degré de contamination de son sel, Sylvie Morge utilise un procédé simple de culture microbiologique, déjà testé pour le diagnostic d’ambiance fromagère. Pour cela, se munir d’une boîte de St Môret, fromage lactique complètement « stérilisé », sur laquelle sera déposé une pincée de sel. Une fois la boîte recouverte de film alimentaire, placez-la 10 à 15 jours à température ambiante et regardez le résultat. Si la boîte est envahie de moisissures d’altération, le sel est contaminé et il est nécessaire de le stériliser avant utilisation en fromagerie. Il suffit de disposer le sel dans un plat et de le passer au four à 120 °C pendant 20 à 30 minutes. Le sel gemme, issu des mines, est potentiellement moins contaminé que le sel provenant des marais salants, pour un même effet salant. Enfin, pour bien conserver son sel, il est nécessaire de le garder dans un seau ou sac fermé, dans un milieu sec.

Comment bien réaliser le salage ?

Il faut avant tout veiller à ce que le sel et l’ustensile utilisé pour le salage (doigts y compris) soient bien secs. Différentes techniques existent, à la pincée, avec une faisselle, une bouteille percée, une salière, cela restant à la sensibilité du fromager. Il faut, dans la limite du possible, que la personne qui sale soit toujours la même et ne pas hésiter à goûter le fromage régulièrement. La répartition du sel doit être bien homogène sur les faces du fromage afin que la pénétration soit efficace dans tout le produit. Pour les fromages de type palet, un salage dessus et dessous est suffisant, mais pour ceux qui sont coniques, il faut également saler les côtés. « On repère facilement les impacts du sel sur le fromage, lorsque celui-ci est déposé en tas. Ça fait des auréoles blanches, sans pousse de micro-organismes sur la surface », décrit Sylvie Morge.

Pour en découvrir plus : poster de la journée portes ouvertes du PEP du 12 octobre 2017 sur http://www.pep.chambagri.fr/okeydoc/download.php?id=2226 et http://www.pep.chambagri.fr/okeydoc/download.php?id=2227

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