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Fromage du Poitou
Le Mothais sur feuille vise l´AOC (1e partie)

Sauvé dans les années 70 par une poignée de fromagers fermiers, le Mothais sur feuille connaît aujourd´hui un véritable renouveau qui devrait se concrétiser à terme par une reconnaissance en Appellation d´Origine Contrôlée.


« Autrefois, toutes les femmes du village avaient quelques chèvres et faisaient du fromage pour la consommation familiale. Ma mère, mes voisines mettaient leurs fromages sur des feuilles, c´était la tradition. Ces fromages étaient de taille variable mais toujours ronds et plats et, quand je me suis installée en 1975, j´ai repris les techniques traditionnelles ». Avec ses 31 chèvres alpines, Nicole Vernoux respecte ainsi les traditions locales de son village de La Villedieu (en limite nord de la Charente-Maritime), la majeure partie de sa production laitière (23 000 litres par an) est transformée en Mothais sur feuille et commercialisée en vente directe sur les marchés de la région.
Une tradition que l´on retrouve dans tout le Poitou méridional, comme le confirme une étude réalisée par Philippe Montazeau (ancien directeur de la fromagerie de Saint-Saviol). « Jusqu´en 1950, le sur feuille fut le fromage le plus consommé à l´intérieur de sa zone de production ».

Fromage fermier au lait cru, présenté sur une feuille de châtaigner, de platane ou plus rarement de vigne, le fromage à la feuille était notamment produit dans les régions de La Mothe Saint Heray, de Melle et de Saint-Maixent dans les Deux-Sèvres. C´est ainsi qu´il prendra le nom de Mothais alors que sa zone géographique traditionnelle de production s´étend sur le sud des Deux-sèvres et de la Vienne, ainsi que le nord de la Charente et de la Charente-Maritime.
On retrouve cette désignation dans de nombreux ouvrages consacrés aux fromages. Dans l´édition 1972 de son « Guide du fromage », Pierre Androuet, maître fromager cite le « Mothais ou chèvre à la feuille » comme fromage originaire du Poitou, à pâte molle avec une couverture naturelle.
L´affinage du Mothais sur feuille de châtaignier est une caractéristique essentielle pour la pâte et la flaveur du fromage. ©D. R.

Une petite production restée très locale
Avec le développement rapide de la collecte de lait et des fabrications industrielles à partir des années 60, le Mothais fermier est peu à peu abandonné. Seuls quelques producteurs fermiers passionnés en maintiennent la tradition avec l´usage de la feuille. Il faudra attendre les années 90 pour que s´impose l´idée d´une protection et d´une définition plus précise d´un produit authentique appartenant au patrimoine fromager régional du Poitou.
Une enquête réalisée en 2003 a permis d´estimer à 143 tonnes la production totale des fromages de type Mothais. Il faut bien préciser « de type Mothais », car la majeure partie de ce tonnage ne respecte pas toujours les caractéristiques essentielles du Mothais, à savoir : un fromage obtenu par un caillage très lent de type lactique (36 à 48 h) et affiné sur feuille de châtaigner ou de platane, 2 à 4 jours, après le démoulage.

L´affinage sur feuille de châtaigner (beaucoup plus fréquent que sur feuille de platane) est en effet un élément de caractérisation essentiel, car la feuille joue un rôle qui n´est pas seulement décoratif. Comme l´a démontré une étude (ITPLC), les fromages placés sur feuille précocement (J +2) se caractérisent par une pâte plus souple, plus crémeuse, une croûte plus fine, une flaveur sous-bois plus développée, en comparaison à une pose plus tardive sur feuille à J +10 en fin d´affinage.
En 2003, on recensait 9 producteurs fermiers produisant 113 tonnes de Mothais et 3 artisans et transformateurs, produisant 34 tonnes. Toutefois, la part du Mothais dans le chiffre d´affaires des différents fabricants était très variable : de 15 à 95 % pour les producteurs fermiers et de 2 à 7 % pour les artisans et transformateurs. Dans la moitié des cas seulement le fromage était vendu sous la dénomination Mothais ou Mothais sur feuille.
L´affineur Jean-Noël Lavergne s´est spécialisé dans les fromages sur feuille comme en témoigne sa gamme de produits. ©D. R.

Une dénomination qui commence à être bien connue
Installé à Chail près de Melle et spécialiste du fromage sur feuille, l´affineur Jean-Noël Lavergne vend 90 % de sa production de fromages de chèvre et de vache sur feuille. « En 1977, j´ai repris une ancienne activité de coquetier qui collectait des oeufs, des volailles, des chevreaux et des fromages dans les fermes. Depuis, je me suis spécialisé dans les fromages de vache et de chèvre que je vends à des grossistes et des centrales d´achat. J´ai toujours commercialisé des fromages ronds et plats sur feuilles, mais surtout sous ma marque Le Fontadam. Ce n´est que depuis 5 ans que j´utilise vraiment la dénomination Mothais car elle commence à être bien connue en région et hors région. Chaque année, les feuilles sèches de châtaigniers sont cueillies sur des arbres jeunes et jamais ramassées sur le sol. Elles doivent être conservées avec précaution dans un lieu sec et aéré. La qualité de la feuille est importante, elle demande des soins et du travail, c´est pourquoi il est regrettable que certaines entreprises utilisent des feuilles d´imitation en papier qui ne correspondent pas à la tradition »
Pour recenser et préserver les savoir-faire traditionnels de la fabrication du fromage une première association des producteurs a été constituée en juillet 2001. « La dénomination Mothais était utilisée en ventes hors région pour des fromages de chèvre parfois peu conformes à la tradition et surtout l´usage de la feuille tendait à se perdre car il est contraignant. C´est pourquoi, dès 1999, des producteurs se sont regroupés pour définir leur produit », explique Paul Georgelet, actuel président du Syndicat de défense du Mothais et producteur fermier. Créé le 31 mai 2002 en vue d´engager une démarche collective pour obtenir une appellation d´origine contrôlée, le syndicat regroupe aujourd´hui l´ensemble des producteurs : fermiers, affineurs, artisans et industriels. La filière comprend essentiellement des producteurs fermiers qui assurent les 3/4 de la production (estimée à 800 000 Mothais). Le quart restant est produit par des artisans et industriels qui s´approvisionnent en lait auprès de 119 éleveurs laitiers, mais seule une faible partie du lait ainsi collecté est destinée à la fabrication du Mothais.
« Après avoir réuni tous les éléments sur l´histoire, la notoriété, les techniques de fabrication et les caractéristiques du fromage, le syndicat a déposé un dossier de demande de reconnaissance en AOC auprès de l´Institut National des Appellations d´Origine, indique Paul Georgelet. Nous demandons d´ailleurs la protection des dénominations Mothais et Mothais sur feuille, car localement les deux sont utilisées, même si notre dossier impose l´affinage et la présentation sur feuille. Le Mothais s´inscrit dans la tradition régionale du fromage sur feuille et nous tenons à protéger cette caractéristique. Le projet de cahier des charges impose également des règles contraignantes pour la production du lait et la fabrication, c´est un choix volontaire qui en maintenant de vraies spécificités doit permettre une bonne valorisation au profit de toute la filière »

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