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Assemblé générale de la Fnec
Le crucial enjeu du renouvellement des éleveurs

La Fnec a rappelé l’importance d’installer de nouveaux éleveurs lors de son assemblée générale les 5 et 6 avril dans l’Hérault. L’occasion aussi de revenir sur les actions du syndicat.

Le soleil de l’Hérault a accueilli la dernière assemblée générale de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres. Après deux visites d’élevages et les temps conviviaux du 5 avril, les présentations et les échanges du 6 avril ont permis de revenir sur les actions du syndicat pour défendre les éleveurs caprins, qu’ils soient livreurs de lait ou fromagers fermiers. « Même si les chevriers ont tendance à être individualistes, c’est important de garder un collectif, explique ainsi Laurence Testa, la présidente du syndicat caprin de l’Hérault. Il y a deux ans, nous nous sommes battus pour sauver le poste de notre fromagère. Au niveau national aussi, il y a des gens qui se battent bénévolement pour défendre les intérêts de notre profession ».

Si la filière caprine se porte plutôt bien, les professionnels s’inquiètent du nécessaire renouvellement des générations. La table ronde de l’assemblée générale invitait jeunes agriculteurs, banque et laiteries privée et coopérative à en débattre. En introduction de la table ronde, Sébastien Bouyssière de l’Institut de l’Élevage a rappelé quelques données inquiétantes sur la démographie des éleveurs caprins. Entre 2000 et 2010, le nombre de livreurs de lait de chèvre s’est réduit de 23 %, celui de fromagers fermiers de 34 %. En parallèle, le cheptel et la production laitière augmentaient. « Entre 2011 et 2016, la restructuration s’est accentuée, explique Sébastien Bouyssière. Le nombre d’exploitants avec plus de 10 chèvres s’est réduit de 4 % par an en moyenne pour atteindre 4 920 exploitations caprines en France métropolitaine en 2016 ». Mais, cette fois-ci, les agrandissements de troupeaux - 158 chèvres en moyenne en 2016, soit 16 de plus qu’en 2011 - ne compensent plus la baisse du cheptel. À 771 000 chèvres en 2016, le troupeau de la ferme France s’est ainsi réduit de 12 % entre 2011 et 2016. « La crise de la filière a accéléré la disparition des éleveurs caprins en 2012-2013, constate l’économiste. Depuis, malgré l’amélioration de la conjoncture, la baisse tendancielle de 3 % par an s’explique essentiellement par la pyramide des âges. »

Une implantation locale et un réseau pour s’installer

« Même si la filière va bien, ces données nous inquiètent, s’alarme Jacky Salingardes, le président de la Fnec. 100 millions de litres de lait n’auraient pas de producteur demain et, à 20 % actuellement, le niveau d’importation redevient élevé. » Les laiteries cherchent du lait de chèvre à l’image de la Fromageries des Cévennes qui a perdu la moitié de ses producteurs et la moitié de sa collecte en dix ans. « Nous sommes passés de 1,4 million de litres collectés à 750 000 litres », regrette Frédéric Monod, le directeur de la coopérative, en listant les difficultés à installer dans cette zone montagneuse. « Pourtant, nous avons de la demande en fromages, en Pélardon notamment, et nous faisons tout pour installer des éleveurs ».

Première difficulté pour les candidats à l’installation : trouver du foncier. « Nous avons eu la chance de trouver des terres grâce à une convention avec la mairie, explique Gaétan Mazenq qui s’est installé en 2011 dans l’Hérault. Mais, avant cela, nous avons visité une cinquantaine de structures avant de trouver cette opportunité. » Même schéma pour David de Montfermat, installé progressivement en zone viticole périurbaine en 2010 avec l’appui de la mairie. « Je suis né au village et bien implanté dans la vie locale. Je ne suis pas sûr qu’un porteur de projet lambda soit arrivé à convaincre le conseil municipal de la même façon ». « Face à la difficulté de trouver du pâturage, nous avons communiqué sur l’importance de rouvrir la forêt pour limiter les incendies et les sangliers » complète une éleveuse de l’Hérault.

Anticiper les transmissions d’élevage

Pour faire face à l’astreinte du travail en élevage, Dominique Verneau de la laiterie Triballat Rians préconise le travail en collectif qui permet de partager les contraintes. Les intervenants se sont aussi interrogés sur le coût élevé des installations. Selon les données d’Inosys-Réseau d’élevage, il faut débourser 588 000 euros, soit 1 470 euros par chèvre, pour qu’un livreur crée un atelier de 400 chèvres. Plus variable, une reprise d’exploitation peut revenir entre 850 et 1 500 euros par chèvre. Pour un fromager voulant créer un élevage de 80 chèvres, il faut compter 174 000 euros, soit 2 440 euros par chèvre, en comptant le cheptel, la chèvrerie, la salle de traite, la fromagerie et le matériel. Reprendre une exploitation similaire existante peut revenir entre 1 300 et 2 700 euros par chèvre. « L’élevage est une industrie lourde qui demande beaucoup d’investissements pour des revenus pas toujours très élevés » résume Jacky Salingardes. Au moment de céder leur exploitation, les éleveurs ont envie de valoriser leur outil qu’ils ont capitalisé pendant toute leur carrière s’ils veulent avoir une retraite plus digne que les 600 à 800 euros de retraite de la MSA…

« Il faut trouver un juste milieu dans cette équation complexe entre cédant et repreneur », reconnaît Patrice Roch du Crédit agricole du Languedoc. « Allons sur la transmission, s’enthousiasme Sylvain Boiron, jeune agriculteur de la région Centre. Nous devons repérer les exploitations qui seront prochainement à céder et anticiper car ça ne marche pas toujours du premier coup. Ensuite, le plan de professionnalisation personnalisé doit vérifier que le plan tient la route et les banques doivent normalement suivre ».

« Il faut gérer notre filière comme l’OPEP gère son pétrole »

« Il faut montrer qu’il y a un avenir dans cette production, recommande Dominique Verneau. Avec une interprofession en ordre de marche, nous avons les moyens pour ne pas que la crise de 2012-2013 se reproduise ». « Les feux sont au vert et il faut le faire savoir, insiste Sylvain Boiron. Pour inciter les vocations, nous devons aussi ouvrir nos fermes aux jeunes, prendre des apprentis, même si un sur cinq traîne les pieds dans la cour… »

Si tous les intervenants appelaient à renouveler les générations d’éleveurs, le président de la Fnec Jacky Salingardes a néanmoins rappelé dans son discours de clôture à garder une certaine prudence. « Il faut gérer notre filière comme l’OPEP gère son pétrole. Nous allons rapidement refaire une enquête auprès des entreprises pour anticiper ce qui peut arriver l’an prochain et éviter le télescopage des installations et des importations. Je n’oublie pas que les deux ans de crise ont laissé 15 à 20 % des producteurs au bord de la route. Sachons être intelligents collectivement pour gérer notre filière. »

Anticiper les transmissions d’élevage

Fromage, interprofession et chevreaux

L’assemblée générale a été l’occasion de détailler une partie des actions que la Fnec mène au quotidien. Sur le dispositif Alim’confiance qui met en transparence les résultats des contrôles sanitaires sur le site www.alim-confiance.gouv.fr, Jean-Philippe Bonnefoy, vice-président de la Fnec, a tenu à rappeler les spécificités des fromageries fermières. « Nous craignons que la grande distribution se serve de la publication en ligne de ces notes d’inspection sanitaire dans ses relations commerciales avec les producteurs fermiers. Au vu de ces enjeux et pour une bonne réalisation des inspections sanitaires, il est important que le responsable d’atelier soit là. Or, les fromagers peuvent être sur le marché ou en livraison et il serait préférable qu’il soit prévenu d’une visite des inspecteurs. » Pour l’administration, « même si la règle est le contrôle inopiné, une relation de confiance peut s’établir et nos agents peuvent prendre rendez-vous », explique Geneviève Puisségur de la DGAL.

Franck Moreau, vice-président de la Fnec, a rappelé qu’il avait été décidé au sein de l’interprofession caprine, l’Anicap, de rendre obligatoire la contractualisation entre producteurs et transformateurs par un accord interprofessionnel, et non par décret. La contractualisation devrait être effective dès la validation européenne de l’accord interprofessionnel signé au printemps 2016. En parallèle, la Fnec a travaillé sur le projet de décret qui définit les règles que devront respecter les organisations de producteurs de lait de chèvre pour être agréées par les pouvoirs publics afin de pouvoir négocier volumes et prix conformément aux règles européennes de la concurrence. « Nous avons mis en avant la particularité de la filière avec des dimensions d’organisations plus petites qu’en lait de vache » explique Franck Moreau.

Valoriser les engagements des éleveurs et des laiteries

« Un prix ne se définit pas arbitrairement, il doit prendre en compte les coûts de production. C’est comme cela que nous avons pu sortir de la crise. En relevant les prix à la consommation, nous n’avons pas perdu de consommateurs. Nous avons ainsi montré que les gens sont capables de mettre un peu plus d’argent dans un fromage. » La Fnec a aussi œuvré pour que la non-cessibilité des contrats à titre onéreux s’applique aussi au lait de chèvre dans la loi Sapin II. « Depuis la dernière crise, nous poursuivons les relations avec la grande distribution. C’est à travers ces dialogues constructifs qu’on leur rappelle d’investir dans la filière caprine. Maintenant, tout le monde gagne de l’argent et, si on veut installer, c’est nécessaire de continuer comme cela… »

Par contre, la Fnec grogne sur l’application de la démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) dans les entreprises. Si les producteurs se sont engagés dans le Code mutuel de bonnes pratiques d’élevage, certaines entreprises ont tardé à s’impliquer dans la Charte de bonnes pratiques et à fournir des indicateurs de résultats permettant d’objectiver les engagements sociaux et environnementaux. « Les producteurs se mettent tout nus en permanence mais les laiteries ont eu une certaine pudeur à se dévoiler… Heureusement, maintenant que les entreprises jouent le jeu, nous allons commencer à pouvoir valoriser collectivement ces démarches ».

Montrer que l’élevage de chevreaux peut être rentable

La Fnec s’est aussi beaucoup mobilisée ces dernières années sur la valorisation de la viande de chevreau avec la création de la section caprine d’Interbev en 2014. Maintenant, la Fnec aimerait mettre en place des travaux visant à encourager l’engraissement en ferme des chevreaux. « Il faut montrer qu’on peut les élever, les engraisser et gagner de l’argent avec » explique Franck Moreau, le président d’Interbev caprin. Un projet Casdar de recherche et développement a été déposé avec l’Institut de l’Élevage, l’Inra de Bourges, la station du Pradel et Interbev pour étudier comment améliorer le rendement viande par la génétique, le croisement ou comment le présenter en portion plus accessible aux consommateurs.

Des Roves dans les garrigues

Les visites lors de l’assemblée générale ont pu montrer la diversité des élevages caprins, à l’image de Sandra et Michel Carrié qui élèvent environ 200 chèvres Rove dans les garrigues de Saint-Martin-de-Londres dans l’Hérault. « C’est un élevage pastoral et familial, comme le faisaient mes parents et grands-parents depuis cinq générations » décrit Michel, son bâton de berger à la main. Tous les jours, avec son chien Yoko qui obéit au doigt et à l’œil, il accompagne son troupeau sur une vaste zone d’au moins 500 hectares de parcours. « En plus de sa beauté et de son caractère bien trempé, la Rove s’acclimate très bien à la garrigue et donne un lait très riche », apprécie l’éleveur de 49 ans. Les chèvres ne se nourrissent que de chêne vert, genévrier, ajonc, romarin, ciste ou salsepareille. À peine achètent-ils un camion de foin par an pour les jours de pluie et leur donnent-ils un peu d’aliments pour les inciter à monter sur le quai la traite.

Cabris valorisés au Vigan

Les chèvres passent à la traite, une fois par jour, à la main, pendant une heure et demie environ le matin. « Nous avons essayé de traire à la machine mais nous n’avons pas l’électricité à la chèvrerie. Le groupe électrogène et la pompe à vide faisaient un bruit pas possible et nous n’avions pas les mêmes relations avec les bêtes. À la main, c’est plus calme et on ne dépense ni énergie fossile, ni électricité ».

L’an dernier, malgré la sécheresse, les 130 chèvres à la traite ont donné 14 000 litres de lait. Sandra les transforme en fromages, brousses et yaourts, tout en vente directe à des locaux sur le hameau. Les chevreaux sous la mère sont valorisés de la même façon, localement, en caissette ou en plats cuisinés. Mais depuis la médiatique fermeture puis réouverture de l’abattoir du Vigan, il devient difficile de faire abattre sereinement ses animaux à proximité.

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