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L’affouragement en vert pas à pas

Quelles prairies utiliser ou implanter ? Avec quels matériels pour récolter et distribuer ? Quelles conséquences sur le travail et les bâtiments ? Comment piloter la ration ? Les réponses pour bien démarrer l’affouragement en vert.

Déterminer la surface nécessaire en fonction des besoins du troupeau et du rendement des prairies

La surface nécessaire en affouragement dépend de deux facteurs principaux : la quantité quotidienne d’herbe distribuée aux chèvres et la croissance de l’herbe. La croissance de l’herbe dépend du contexte pédoclimatique, de la nature de la prairie et de la période choisie. En effet, au début du printemps (mars), la croissance de l’herbe va connaître rapidement un pic de production. Puis, en avril-mai-juin, on atteint un plateau de croissance d’herbe. L’été, la croissance ralentit (voire s’arrête) puis va reprendre légèrement à l’automne. Un troupeau de 250 chèvres affouragées de mars à novembre avec 10-12 kg brut d’herbe verte représente 1,7 kg de matière sèche d’herbe par jour par chèvre, soit 425 kg de matière sèche par jour d’herbe nécessaire. En fonction de la croissance de l’herbe, cela peut lui demander au moins 6 hectares au printemps.

Choisir les espèces fourragères selon les sols et la période d’affouragement

Les prairies doivent être adaptées à une valorisation en affouragement de l’herbe. Pour cela, on privilégie des espèces à port dressé, en pur ou en mélange et qui sont disponibles à différentes saisons. Le mélange d’espèce présente l’intérêt de s’exprimer plus ou moins rapidement au cours de la saison. Chez les 17 éleveurs enquêtés, les trèfles, ray-grass et luzerne sont les principales espèces fourragères implantées, en pur ou en mélange. Elles sont souvent associées à des petites surfaces implantées d’autres espèces fourragères pour diversifier l’offre de fourrage et permettre ainsi un allongement de la période d’affouragement en vert.

Des cultures fourragères annuelles complémentaires

Des cultures fourragères annuelles peuvent aussi être semées pour sécuriser le système fourrager ou allonger la période d’affouragement. Ainsi, pour récolter à l’automne, on peut semer, avant le 15 août, avoine, pois, vesce et orge de printemps, moha, avoine, sorgho, ray-grass italien alternatif, trèfle d’Alexandrie ou de Perse, colza ou chou fourrager. Pour avoir un complément au printemps, il faut penser à semer, entre le 15 août et le 15 septembre, trèfle violet, avoine, féverole et pois d’hiver, triticale, seigle, ray-grass italien ou hybride.

Ces dérobées fourragères apportent une couverture de sol, structurent le sol et intensifient le rendement de la parcelle. Attention néanmoins aux coûts de production (notamment d’implantation et de fertilisation) car contrairement à une prairie, les charges ne sont pas diluées sur plusieurs années. Ainsi, implanter un colza fourrager revient à environ 60-80 €/ha, un sorgho fourrager à 100 €/ha et un mélange ray-grass italien-trèfle incarnat entre 100 et 110 €/ha. La réussite de cette culture est également très dépendante des conditions météo. Il s’agit donc souvent de cultures d’opportunité.

Un large couloir ou un tapis d’alimentation

Parmi les éleveurs suivis, plus de la moitié rentre l’autochargeuse dans le bâtiment et distribue le fourrage mécaniquement. Il faut alors un large couloir d’au moins 3,5 mètres pour pouvoir distribuer sans rouler sur les fourrages. Il faut aussi pouvoir se déplacer aisément autour du bâtiment avec l’autochargeuse. Dans ce cas de distribution du vert à l’autochargeuse, il peut être intéressant d’ajouter une butée au pied des cornadis pour ne pas que le fourrage tombe dans la litière. Si le couloir est trop petit et qu’une mécanisation n’est pas possible, la distribution quotidienne et manuelle peut être vite astreignante si le troupeau est grand. Il est alors parfois possible de s’équiper d’un quad avec une lame pour repousser.

Un quart des affourageurs suivis se servent des tapis d’alimentation pour alimenter. Le nettoyage est alors facilité par cette solution gain de place. Par contre, au vu des volumes distribués, il faut faire tourner plusieurs fois par jour l’autochargeuse pour fractionner les repas de vert. Il est préférable d’installer un démêleur, soit sur l’autochargeuse, soit à l’entrée du tapis.

Une autochargeuse pour le débit, le confort et la qualité de coupe

L’équipement d’affouragement sera utilisé quasiment tous les jours pendant plusieurs mois. Il s’agit donc d’un investissement à réfléchir. Trois choix de matériels sont possibles.

D’abord, l’ensileuse à fléaux couplée à une remorque distributrice est une solution économique. Mais avec une largeur de coupe de 1,2 à 1,5 mètre, le débit de chantier sera trop faible dans des systèmes basés sur l’affouragement en vert. De même, l’herbe récoltée n’est pas franchement coupée et peut être souillée par aspiration de terre.

La combinaison d’une faucheuse frontale et d’une remorque autochargeuse permet un débit de chantier élevé et une polyvalence d’utilisation. Le tracteur doit être muni d’une prise de force et d’un relevage avant. Ces modèles de remorques sont plus légers et possèdent moins de couteaux (3 à 8) que les autochargeuses conçues pour l’ensilage d’herbe.

La remorque autochargeuse équipée d’une faucheuse à tambours intégrée est LE matériel spécialisé pour affourager en vert. Pour faciliter la distribution à l’auge le déchargement avec un tapis latéral alimenté par des démêleurs est un équipement indispensable. Certains éleveurs ont ajouté une caméra afin de pouvoir suivre le déchargement à l’arrière de l’herbe. L’idéal est d’avoir un tracteur dédié à l’affouragement, afin de limiter le temps passer à dételer l’autochargeuse. Il faut compter de 20 000 à plus de 40 000 euros pour l’investissement dans une remorque autochargeuse avec faucheuse intégrée. En distribuant 12 kilos d’herbe par chèvre et par jour, il faut prévoir une autochargeuse de 36 m3 pour un troupeau de 300 chèvres.

1 h 15 et 26 euros par fauche en moyenne

Dans tous les élevages enquêtés, la fauche mobilise une personne, à laquelle s’ajoute parfois une seconde personne pour aider à la distribution manuelle de l’herbe. La plupart des éleveurs (85 %) ne réalisent qu’une fauche par jour. Ils passent en moyenne 1 h 15 de travail quotidien contre 3 h 20 pour ceux qui font 2 à 3 fauches par jour.

Un suivi réalisé dans quatre élevages caprins par la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres a permis de confirmer que le temps de chantier augmente évidemment avec la distance à la parcelle et le volume d’herbe à récolter. Le chantier de récolte (déplacement, fauche et distribution) dure en moyenne 30 minutes par tour dans la parcelle, avec des variations allant de 25 minutes pour un éleveur ayant 300 m à parcourir à 40 minutes pour un parcours de 2 km. Le coût estimé pour récolter cette herbe est de 47 €/t de MS (24 à 64 €), soit environ 26,5 €/fauche. Annuellement, la récolte en vert (traction + autochargeuse + main-d’œuvre) représente un budget moyen de 10 000 € (4 200 à 22 800 €).

Une ration à adapter à la qualité de l’herbe verte

Les changements de ration doivent se faire progressivement, sur deux ou trois semaines, en augmentant les quantités d’herbe verte apportée à l’auge. Pendant cette transition, le taux de refus d’herbe verte doit être inférieur à 5 %. Les quantités de concentrés apportées, notamment protéiques, doivent être également diminuées progressivement. Une surveillance fine du troupeau (diarrhées, rumination…) permettra d’apporter des réponses rapides en cas de soucis. En cas d’affouragement d’espèces météorisantes (luzerne par exemple), un repas léger le matin au préalable de l’herbe peut être sécurisant. Il faut par ailleurs tenir compte de la substitution entre l’herbe verte et le concentré. Plus l’herbe est de qualité, plus la substitution du fourrage par le concentré peut être importante. En règle générale, il n’est possible de distribuer que deux repas de concentrés par jour, en limitant l’apport à 400 g de concentrés par repas, soit 800 g à 1 kg de concentrés par chèvre par jour.

Quatre questions avant de se lancer

Les terres sont-elles portantes ?

Le sol doit pouvoir supporter le passage d’un tracteur et d’une autochargeuse. À défaut, si les terres ne sont pas portantes, il est possible d’envisager de l’affouragement sur une période plus courte en limitant par exemple l’affouragement au début du printemps ou en fin d’automne. L’équipement avec des pneus à basse pression ou un double essieu avec des pneus larges pour le tracteur et l’autochargeuse permettra de limiter les risques de tassement en parcelles peu portantes. Il faudra aussi à ne pas investir dans une autochargeuse trop lourde.

Le parcellaire est-il proche et regroupé ?

Si le parcellaire est éloigné, les temps quotidiens pour aller faucher l’herbe devient important et l’affouragement en vert n’est plus pertinents. Un parcellaire morcelé peut être valorisé en remplissant au moins une autochargeuse par parcelle/jour.

Le bâtiment est-il adapté ou adaptable ?

Le bâtiment doit avoir un couloir traversant suffisamment large et haut pour pouvoir circuler avec une autochargeuse. En utilisant moins de surface au sol, les tapis d’alimentation peuvent aussi être alimentés par une autochargeuse.

Le système fourrager est-il maîtrisé ?

Conduire une ration à base d’herbe verte affouragée nécessite une maîtrise de son système fourrager. Il faut assurer qualité et rendement de la prairie tout au long de la saison d’affouragement. Le chargement est un indicateur clef de la maîtrise de ces systèmes. Il doit être d’environ 7 à 8 chèvres par hectare de SFP, à adapter selon la productivité en herbe et la période d’affouragement. Idéalement, le système fourrager doit être mis en place quelques années avant le début de l’affouragement. Si besoin, il est possible de se faire accompagner par un conseiller fourrage.

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